Objectif Soins n° 274 du 01/04/2020

 

Éditorial

Marc Grassin  

En ce temps de crise sanitaire, le monde soignant et hospitalier est en première ligne, comme le sont tous ces métiers du care, étendus à l'ensemble des métiers qui permettent le maintien de la vie sociale ordinaire et de la satisfaction des besoins élémentaires de la vie (distribution, alimentaire, traitement des déchets...). L'essentiel de ce qui est nécessaire à nos vies surgit. C'est toute la chaîne de valeur de notre société et ses priorisations qui sont questionnées. C'est aussi toute la fragilité de l'écosystème dans lequel nous vivons et le décisif de la relation lorsque celle-ci se voit confinée.

Quelles leçons saurons-nous tirer de cette crise ? Le retour du refoulé et le poids des contraintes risquent de nous faire perdre la mémoire. Or, c'est tout l'enjeu d'un après crise.

L'après sera-t-il comme avant ?

La crise sanitaire pose la question du rapport qu'une société entretient à son système de santé. La crise dans laquelle l'hôpital est plongé depuis de nombreuses années sera-t-elle enfin entendue ? Il est évident que le service public, et ses agents, tant décriés et souvent accusés d'être un coût, sont un « ancrage » face au risque. Il est significatif que le secteur « privé » aujourd'hui en appelle au soutien de l'état pour survivre. Le mantra d'un libéralisme économique (les « trop d'état », les « trop de taxes » et les « trop d'assistés ») s'efface lorsqu'il s'agit de survivre. C'est la première leçon de cette crise dont il faudra garder la mémoire. Oui, l'hôpital a un coût. Un coût qui honore ceux et celles qui sont « au front » aujourd'hui, en première ligne, mais qui le sont, tous les jours, discrètement et silencieusement depuis toujours auprès des patients, pour les patients. Saurons-nous, lorsque le Covid 19 sera derrière nous, en garder la mémoire ?

(1) Petite Poucette, Michel Serres, Éds Le Pommier, 2012.