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Le 12 mai est la journée internationale des infirmières. Pourquoi le 12 mai ? Car il y a 100 ans, est née une femme : Florence Nightingale, une pionnière dans la profession infirmière, peu connue du grand public. Au-delà de ses qualités de statisticienne, celle qui se faisait appeler « la dame à la lampe » est le symbole du prendre soin.
Une lumière qui nous éclaire... un symbole fort ! Aujourd'hui, plus que jamais, c'est cette flamme qui brûle dans chaque soignant, cette envie d'aider, de prendre soin de l'autre... C'est cette valeur humaniste tellement profonde, que vous démontrez au quotidien, qui nous éclaire dans ces heures sombres.
Miss Nightingale a été la première à faire preuve de courage, à apporter, jour et nuit, espoir et réconfort aux blessés de la guerre de Crimée. Elle a été la première à définir les fondements de la profession d'infirmière, et la première à créer des écoles pour former des personnes qualifiées...
Aujourd'hui, vous êtes des milliers qui de jour comme de nuit, défendez un des biens les plus précieux : la santé. Vous êtes des milliers à apporter soutien et soulagement aux plus vulnérables, à mettre en avant vos compétences professionnelles pour les autres.
Miss Nightingale a eu le mérite de commencer... Désormais, vous êtes des milliers à avoir le mérite de continuer...
Née en 1820, dans la ville de Florence (ce qui lui valu de porter ce prénom), et issue d'une famille anglaise aisée qui voyageait beaucoup en Europe, Florence Nightingale a une sœur de deux ans son ainée. Ensembles elles ont reçue, à la maison, l'éducation de leur père, lui-même diplômé de l'université de Cambridge, tandis que leur mère les préparait à être de futures maîtresses de maison.
Jeune fille de bonne famille et élève studieuse, dont la destinée semble toute tracée au cœur de la bourgeoisie anglaise, comment, dans une époque où la condition de la femme sans mari était précaire, où les femmes travaillent peu, et à plus forte raison, où l'exercice infirmer est mal vu... Comment cette femme a su redonner ses lettres de noblesse à ce métier du prendre soin ? Bien au-delà de ça, comment a-t-elle fait de la fonction infirmière une profession ?
« Qu'était une infirmière avant Miss Florence ? Rien. Ou si peu. La lie de la société, des ivrognes [...] Être infirmière n'était ni une carrière ni une profession, c'était une besogne dégradante, bonne pour les femmes de bas étages, vulgaires et souvent immorales, des laissées pour compte (1) ».
Très vite attirée par le fait de panser les maux du monde, Florence exprime son désir de devenir infirmière à ses parents, évoquant un appel de Dieu (Florence est très croyante). Sans surprise, ses parents s'opposent à cette volonté, aux regrets de Florence. En 1845, les objections de ses parents et surtout de sa mère étaient fondées sur des critères à la fois de morale et de rang social : « les rumeurs les plus folles courraient à leur propos, on les disaient exposés aux dangers et aux tentations de la chair, leurs conditions de vie étaient pitoyables (1) ».
Cependant, l'idée de soigner et soutenir les miséreux devenait obsessionnelle. Ses parents lui proposèrent de faire des voyages notamment en Italie et en Allemagne. Florence saisit ces opportunités pour aller découvrir et étudier l'organisation, les règlements et les méthodes employés dans des établissements qui cherchaient à apporter des réponses aux personnes nécessiteuses ou marginalisées (Kaiserswerth à Berlin) ou des orphelinats (Trinita dei monti à Rome).
En 1854, la guerre de Crimée (2) éclate. Elle se porte volontaire et constitue un groupe de femmes volontaires pour s'occuper des blessés de guerre.
Florence Nightingale et sa troupe d'infirmières, arrivent à Scutari avec des fournitures apportées et payées sur ses propres fonds. Prévention et hygiène sont ses maître-mots. Selon elle : « tout individu vivant dans une chambre non aérée, sans soleil, ne se lavant pas, buvant un eau impure et se nourrissant mal, avait toutes les chances de tomber malade » (3).
Elle réorganise les salles de soins, en repartissant les victimes par type et non plus par ordre d'arrivée. Ainsi les blessés par balles n'avaient pas à subir en plus les infections de leurs voisins, victimes du cholera. Elle préconise de ne pas utiliser le même linge entre deux blessés sans l'avoir trempé dans de l'eau chaude et savonneuse.
« Son action permet de faire baisser le taux de mortalité de 50 % à 2 % en dispensant des soins infirmiers centrés sur l'hygiène, le confort et la nutrition des blessés (4) ».
Le spectacle d'horreur qui était présent sur ce site a également été un objet sur lequel elle s'est penchée. Elle a commencé par faire installer des rideaux pour masquer les scènes d'amputation.
Au-delà de ça, elle s'est mise à passer, toutes les nuits, auprès des blessés, afin de leur apporter présence et réconfort. Jusque-là, une fois les médecins partis, ils restaient seuls... avec leurs angoisses. Elle passait chaque soir, avec une lampe à huile, saluer chacun d'entre eux – ce qui lui valut le surnom de « dame à la lampe ».
« Les patients souffrent parfois de bien d'autres choses que ce qui figure sur leur feuille de maladie. Si l'on s'en préoccupait, une bonne part de leurs souffrances pourrait être soulagée ». C'est la première fois qu'est évoquée cette approche où l'infirmière n'est pas que l'exécutrice des soins médicaux (cure), mais d'une réelle fonction de « caring » (ou prendre soin).
« Soigner est un art. L'un des beaux arts. Je dirais presque plus : le plus beau des arts (5) ».
En revenant de Crimée, Florence Nightingale rapporte avec elle la reconnaissance par le peuple de l'exercice infirmier et du soutien important apporté aux blessés par ces femmes. L'image des infirmières avait changé. Ses résultats chiffrés et significatifs ont été étudiés et ses conseils en santé publique et notamment autour de la réorganisation des hôpitaux ont été écoutés.
En 1862, elle publie « Notes on nursing », premier manuel de références où sont inscrits ce que sont et ce que ne sont pas les interventions infirmières. Les bases sont posées : observation du soigné et attention portée aux besoins du patient. « La plus importante leçon pratique que l'on puisse donner à des infirmières est de leur apprendre à observer – à observer quels symptômes indiquent une amélioration – ou le contraire – lesquels sont importants – lesquels témoignent de négligence et de quel type de négligence (6) ».
Une des grandes réussites de Florence Nightingale est d'avoir élevé la fonction d'infirmière au rang de profession, avec notamment la création d'écoles pour se former.
Il y a une sélection à l'entrée, la formation dure un an avec des conférences et du travail pratique supervisé par Miss Nightingale elle-même. Si ses conseils sur l'organisation des hôpitaux sont écoutés, d'autres voient d'un mauvais œil ces écoles car ils ne voient dans ces infirmières que des « servantes capables de cuisiner et de tenir un hôpital propre (4) ». Pour Miss Nightingale, il en est autrement : « Elle ne voit pas en l'infirmière une assistante du médecin [...] sa tâche première est d'apporter à l'hôpital et aux patients l'hygiène et des habitudes de salubrité (7) ».
La première école : la Nightingale Training School a vu le jour en 1860, adossée au St Thomas Hospital à Londres. Plusieurs des infirmières (8) formées par Miss Nightingale y ont ensuite transmis leurs savoir-faire.
Florence Nightingale fut un écrivain prolifique que ce soit par le biais de correspondances, de pensées qu'elle écrivait sur des bouts de papiers, ou encore par la tenue de journal de bord.
Riche d'un niveau de culture transmis par son père, mais aussi des relations qu'il lui a permise d'avoir, elle a su mobiliser les réseaux nécessaires quand elle en avait besoin. Cette caractéristique a sans doute été un atout majeur dans l'accomplissement de ses actes. En tout état de cause, la richesse de ses écrits apportent énormément d'éléments pour la compréhension de la profession avant et après son intervention... d'autant qu'il s'agit des premiers éléments inscrits comme savoirs officiels sur ces pratiques transmises de façon profane depuis des années.
Les traits de caractère de cette femme, lui ont permis de livrer cette bataille, à une époque où les femmes n'étaient pas écoutées, pour l'exercice d'une profession qui n'était pas valorisée : « l'univers glauque qu'on lui décrivait sur les Infirmières semblaient ressembler à un défi à relever plus qu'à des arguments pour la décourager (1) ». Elle a ainsi si pu donner cette place singulière aux femmes dans le monde de la santé.
Miss Nightingale est partie en toute humilité... Peu de personnes connaissent son nom... mais tout le monde connait la profession infirmière.
Demain, vous, dont nous ne connaissons pas les noms, et parfois dont nous ne connaissons pas le visage à cause des masques que vous portez pour nous protéger, vous qui reprendrez, le cours de votre vie en toute humilité... : Merci !
Le 12 mai est une journée symbolique, Miss Nightingale serait certainement fière de vous...
(1) Sinoué, Gilbert, La dame à la lampe - Une vie de Florence Nightingale, Paris, Folio, 2009.
(2) La guerre de Crimée opposa de 1854 à 1856 l'Empire russe à une coalition formée de l'Empire ottoman, de la France, du Royaume-Uni et du royaume de Sardaigne.
(3) Il faut savoir qu'à l'époque les notions d'hygiène n'étaient pas connues. C'est vers les années 1880 avec notamment la théorie des germes de Pasteur qu'elles prennent leur ampleur
(4) Debout, Christophe, « Etapes clés de la profession d'infirmière », Savoirs et soins infirmiers, 2009, p. 1 à 10.
(5) Nightingale, Florence, notes adressées au rédacteur en chef du Macmillan's magazine, en avril 1867.
(6) Nightingale, Florence, Notes on nursing, Edition Duckworth, 1962, p15
(7) Baly, Monica, Florence Nightingale à travers ses écrits, Paris, Interéditions, 1993.
(8) Un des principes défendus par Miss F Nightingale était que les infirmières devaient être formées par des infirmières.
Une journée symbolique, mais l'envie tous les jours de vous rendre hommage...
A vous qui travaillez dans des centres de tri, les services de réanimation redéployés à l'extrême, ... côtoyant la peur, la fatigue, la colère parfois, au milieu de gens qui souffrent, qui ont mal..., et qui ne savent pas de quoi demain sera fait ;
Vous qui continuez à vous rendre au chevet des personnes atteintes de maladies chroniques, de handicaps, et qui ne peuvent pas se passer de l'aide d'autrui ;
Vous qui accueillez les personnes blessées, abîmées... qui ont besoin de soins non urgents, mais qui risquent de le devenir, mais que le confinement oblige à repousser... ;
Vous qui accompagnez des séniors qui se trouvent enfermés entre solitude et éloignement ;
Vous qui tentez de donner du sens à « ne pas sortir » quand le seul moyen thérapeutique pour libérer les tensions internes c'est justement d'aller dehors ;
Vous qui faites comme vous pouvez pour soutenir les personnes vulnérables, déjà effrayées pas le monde qui les entoure et ne le comprennent pas, ou obligées de supporter le confinement avec d'autres qui parfois représentent une menace pour elles ... ;
Vous qui redoublez d'imagination pour que les enfants gardent leur innocence ;
Vous qui donnez tout ce qui vous reste pour redonner le sourire et accorder le minimum de dignité aux personnes dont les jours sont comptés... ;
Oui, nous pouvons vous rendre hommage, vous qui continuez à exercer votre profession, dans vos domaines d'activité, en ce temps de crise... Vous toutes et tous, qui, même avec la peur au ventre, partez chaque jour pour vous rendre au chevet des personnes et prendre soin d'elles.