Écrits professionnels
Le suicide est régulièrement présenté comme un problème majeur de santé publique dont l'impact humain et économique est important. Le secteur de la santé n'est pas exclu de ce problème car on se suicide aussi à l'hôpital. En hôpital général, l'incidence du suicide est de 1,8 pour 100 000 admissions. La perte des capacités physiques, l'isolement affectif et social, l'annonce d'une pathologie grave sont autant de facteurs de risque pouvant amener au passage à l'acte suicidaire d'un patient. Notre établissement de santé déplore chaque année une dizaine de suicides de patients dans les unités hospitalières hors psychiatrie. Ces événements dramatiques pour le patient et ses proches, ne sont pas sans conséquences sur les autres patients hospitalisés et les équipes médico-soignantes. Dans cet article, plusieurs actions spécifiques et concrètes sont mises en avant comme : l'optimisation de la prise en charge des patients à risque suicidaire, la formation des professionnels de santé au repérage et à la prise en charge des patients à risque suicidaire, la sécurisation de l'environnement hospitalier.
Cet article a été écrit dans le cadre d'une mission confiée par Mme Maria DEVAUD, coordonnatrice générale des soins, hôpitaux Bichat – Claude-Bernard et Bretonneau, AP-HP Nord.
L'auteur remercie les psychiatres membres du groupe de travail : Dr Delphine MOISAN, Dr Aude MANETTI, Dr David DUROY, Dr Nicolas MAZER
Le suicide est un phénomène complexe qui a été étudié par de nombreux psychiatres, sociologues, philosophes. Ainsi le philosophe français Albert Camus dans le livre Le mythe de Sisyphe (1) indiquait « Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. » Depuis les années 1990, le suicide connait une baisse tendancielle dans les pays de l'OCDE (2). Malgré cela, il représente toujours la quinzième cause de mortalité dans le monde. D'ailleurs, l'OMS considère le suicide comme une priorité de santé publique. En 2014, elle a publié le premier rapport mondial sur le suicide intitulé « Prévenir le suicide : un impératif mondial ». Cette action vise à encourager et à accompagner l'ensemble des pays à l'élaboration de stratégies cohérentes de prévention du suicide dans le cadre d'une approche multisectorielle de santé publique. Par conséquent, à la suite de plusieurs pays développés, le gouvernement français a créé un observatoire national du suicide chargé de coordonner et d'améliorer les connaissances sur le suicide et les tentatives de suicide mais aussi de produire des recommandations, notamment en matière de prévention. Le secteur de la santé n'est pas exclu de ce problème car on se suicide aussi à l'hôpital. En hôpital général, la perte des capacités physiques, le sentiment de dépendance, l'isolement affectif et social, un événement de vie récent, l'annonce d'une pathologie grave sont autant de facteurs de risque pouvant amener au passage à l'acte suicidaire d'un patient. Il est important de signaler que le suicide de patients à l'hôpital demeure un phénomène relativement rare et les publications récentes sont peu nombreuses. L'incidence du suicide en milieu hospitalier est de 1,8 pour 100 000 admissions dans les hôpitaux généraux. Par ailleurs, la réticence des professionnels de santé à examiner le suicide en milieu hospitalier est certainement plus prononcée que dans les autres milieux professionnels en raison de l'importante remise en question qu'elle suscite chez les soignants et l'impact médico-légal important. En effet, le suicide constitue un motif fréquent de poursuites judiciaires intentées contre les médecins et les établissements de santé. L'HAS n'a pas élaboré de recommandations spécifiques au suicide en milieu hospitalier. A contrario, l'ARS Île-de-France à travers la STARAQS a réalisé en 2016 un retour d'expérience sur la prise en charge des suicides en établissement de santé. Ce retour d'expérience permet de préciser qu'il existe certains facteurs de risque spécifiques ainsi que l'existence d'outils peu onéreux pour prévenir le suicide en milieu hospitalier. Ainsi, la conduite du projet que nous allons vous présenter nous a été confiée suite à une note du directeur général de notre établissement. Afin de satisfaire cette mission préventive, nous avons donc constitué un groupe de travail pluridisciplinaire qui a pour objectif de « Mieux identifier et prévenir le suicide des patients hospitalisés en médecine, chirurgie et obstétrique » au sein d'un groupe hospitalier multi-site au nord de Paris. Par ce travail, nous désirons humblement cerner et expliciter le suicide à l'hôpital général à travers des recommandations concrètes pour les professionnels de santé fondées sur des données factuelles.
La conduite de ce projet requiert l'existence d'une équipe temporaire dédiée et probablement dissoute une fois le projet achevé. Cette structure par équipe comprend une directrice de projet, un chef de projet et une équipe projet constituée de quatre médecins psychiatres exerçants au sein du groupe hospitalier.
La gouvernance du projet a été précisée aux membres du groupe plusieurs semaines avant la réalisation du projet. La directrice des soins les a informés dès le premier entretien qu'elle est directrice du projet et donc responsable de l'aboutissement de ce projet dans le cadre des objectifs qui ont été fixés par le directeur général de l'établissement. Par conséquent, les décisions stratégiques sont prises par la directrice de projet. De toute évidence, le commanditaire doit être différent du chef de projet. En effet, a posteriori le groupe a considéré qu'arbitrer sur un sujet aussi stratégique que la prévention du risque suicidaire nécessite une prise de recul de la directrice de projet. D'ailleurs, D. Jancourt et M. Simart indiquent que « ne pas être juge et partie et contribuer à la prise de décision constitue les valeurs ajoutées de cette fonction » (3). C'est dans ce contexte que la directrice de projet a nommé le pilote du groupe de travail.
En croisant les données récoltées au sein de l'établissement et à travers la revue de la littérature (4), le groupe a constaté que parmi les facteurs de risque suicidaire identifiés chez les patients hospitalisés en MCO, plusieurs sont aspécifiques et similaires à la population générale. A contrario, certains facteurs de risques sont caractéristiques aux établissements de santé et aux patients qui y sont hospitalisés. Une multiplicité de facteurs de risque sont identifiables dans les unités hospitalières MCO, le groupe les a classés en deux catégories présentées ci-dessous.
• Facteurs de risque associés à l'institution hospitalière
Le choix d'un moyen suicidaire semble provenir de ce qui est le plus facilement disponible. L'accessibilité à des moyens suicidaires accroit considérablement le risque :
– Un patient hospitalisé au-delà du troisième étage
– Les fenêtres de l'unité non sécurisées
– Liens permettant une strangulation, présents dans la chambre du patient
– Lieux de noyade ou précipitation à proximité de l'hôpital (plan d'eau, pont, voie ferroviaire)
De plus, une surveillance souvent inadaptée des professionnels de santé avec un risque suicidaire sous-estimé (il y a eu très peu de consultations psychiatriques durant l'hospitalisation des patients suicidés) est identifiée. Enfin, il est régulièrement observé un défaut de communication entre les équipes médicales et paramédicales (évaluation par les infirmières mais pas par les médecins avec des lacunes dans la traçabilité des dossiers de soins).
• Facteurs de risque liés aux patients
Certaines pathologies représentent un facteur de risque important (cancer, broncho-pneumopathie chronique obstructive et pathologies cérébrales).
– Les facteurs de risque spécifiques : annonce d'une pathologie grave, mauvais pronostic, douleur, confusion mentale.
– La chronicité et la sévérité des maladies, le mode de vie, la personnalité, la comorbidité psychiatrique jouent un rôle plus important que le diagnostic somatique :
○ Antécédents suicidaires personnels et familiaux
○ Événements de vie récents (divorce, décès d'un proche)
○ Stress professionnel ou perte d'emploi
Les facteurs de risque identifiés ci-dessus représentent le diagnostic de l'« état des lieux ». Celui-ci additionné à l'incidence du suicide, aux résultats de l'étude juridique mené par l'établissement, ainsi que les écarts observés lors de la visite de certification (cf. encadré 1) sont à l'origine des outils, recommandations et interventions réalisés par le groupe de travail « Mieux identifier et prévenir le suicide des patients hospitalisés en médecine, chirurgie et obstétrique au sein de notre groupe hospitalier ».
Par conséquent, le groupe de travail fait le choix d'orienter sa mission préventive en fonction de trois critères :
1. L'optimisation de la prise en charge des patients à risque suicidaire
• Mise à jour du protocole « prise en charge du risque suicidaire » du groupe hospitalier
• Mise en forme d'un affichage pour tous les soignants, visible dans tous les postes de soins du groupe hospitalier
• Mise en forme d'un support d'information pour les internes en médecine, visible sur l'application mobile du groupe hospitalier
2. La formation des professionnels de santé
Organisation d'une formation sur le risque suicidaire des patients hospitalisés en unité MCO à l'échelle de notre établissement
3. La sécurisation de l'environnement hospitalier
Intégration de la prévention du suicide dans les schémas architecturaux du futur hôpital
De nombreux suicides à l'hôpital général concernent des patients ayant rencontré récemment des professionnels de santé. Souvent, le risque suicidaire n'a pas été évalué. Le groupe de travail a donc décidé d'actualiser le protocole du groupe hospitalier afin d'améliorer la prise en charge d'un patient à risque suicidaire. Ce protocole a pour objectif de décrire la conduite à tenir par les professionnels de santé pour évaluer le risque suicidaire d'un patient hospitalisé en Médecine, Chirurgie et Obstétrique au sein du groupe hospitalier. Le groupe de réflexion a volontairement proposé un nouveau protocole simplifié afin de répondre au contexte d'urgence que représente la prise en charge du risque suicidaire. La trame qui est proposée pour l'élaboration de ce nouveau protocole est la suivante :
1. Objet
2. Domaine d'application et personnes concernées
3. Documents de référence
4. Définition
5. Description du processus
5.1 Reconnaitre les éléments favorisants la crise
5.2 Prendre en charge la crise suicidaire
6. Liens utiles (notamment, le kit pédagogique réalisé par le groupe de réflexion de l'établissement)
Dans ce nouveau protocole, une attention particulière est posée à la dimension relationnelle du travail des soignants. Ainsi, le repérage de la crise suicidaire s'articule autour de trois axes :
• L'expression d'idées ou d'intentions suicidaires, une tentative de suicide
• Les manifestations d'une situation de crise psychique (détresse, rupture avec l'état antérieur)
• Le contexte de vulnérabilité (évènements stressants, pathologie psychiatrique...). Cet état est temporaire et réversible et le risque majeur est le suicide
Dans le but d'empêcher un passage à l'acte suicidaire, il est impératif que les soignants soient en mesure d'apprécier la « suicidalité » du patient à travers l'évaluation des éléments favorisant la crise suicidaire :
• Aggravation récente d'un trouble psychiatrique (perçue par le patient et/ou son entourage), changement de comportement ;
• Survenue d'une pathologie somatique à retentissement vital ou à impact déstabilisant (douleur, handicap, cancer...) ;
• Événement vécu comme stressant.
Chez un patient présentant des idées suicidaires, les facteurs de risque de passage à l'acte les plus importants sont l'absence d'alternative perçue par le patient, l'existence d'un projet planifié et la disponibilité des moyens létaux envisagés. Il nous paraît donc essentiel de diminuer la dangerosité de la situation en surveillant le patient et en sécurisant l'environnement. Par conséquent, dans le nouveau protocole, les équipes soignantes doivent :
• Sécuriser les fenêtres
• Retirer les moyens létaux à disposition (objets coupants, pieds à perfusion, câbles, lacets, briquet...)
• Installer le patient en pyjama, dans une chambre double de préférence et près du poste de soins
• Contrôler la prise des traitements médicamenteux
La mise en place d'un suivi de crise est donc imposée aux équipes soignantes en cas de risque suicidaire et les soignants non psychiatres doivent s'orienter rapidement vers le psychiatre de garde du site hospitalier pour un avis spécialisé. Afin de répondre à cet impératif, le groupe de travail a donc décidé de faire figurer dans le protocole actualisé, un tableau qui renseigne les soignants sur les coordonnées des psychiatres de garde pour chaque site du groupe hospitalier. Enfin, il est nécessaire qu'une bonne communication soit établie entre les professionnels de santé. Outre la rédaction d'un compte-rendu standardisé du risque suicidaire dans le dossier de soins, il est rappelé la nécessité de déclarer un évènement indésirable sur le logiciel prévu à cet effet en cas de passage à l'acte suicidaire. Cela permet de limiter le risque de perte d'information et de maintenir la vigilance des équipes.
Rapidement, le groupe de travail a souhaité réfléchir à la prévention du risque suicidaire en amont du protocole détaillé de prévention du suicide. Il a été décidé de créer un nouveau support d'information. Pour hiérarchiser et déterminer quelles sont les informations importantes à faire figurer, le groupe de réflexion a souhaité associer la directrice de la communication du groupe hospitalier. En effet, la directrice de la communication s'assure de la stratégie en vérifiant le message, les objectifs, les cibles et le moyen utilisé pour communiquer efficacement. Dans l'objectif d'élaborer des priorités et un plan d'action qui prenne en considération toutes les composantes de la communication (contexte, sens, message, canal, acteurs, stratégies), la directrice de la communication a questionné le groupe à plusieurs reprises :
• Quel est le but de l'affichage ?
• Où l'affiche sera-t-elle vue ? Dans quelles circonstances et par qui ?
• Quel ton l'affiche va-t-elle avoir ?
• Quelle charte graphique faut-il respecter ?
En répondant aux questions ci-dessus, les informations essentielles du protocole de soins ont été sélectionnées. Cette sélection permet de faire tenir ce message sur un format A4 imposé par la direction de la communication du groupe hospitalier. De plus, elle permet d'orienter et de hiérarchiser l'information sur l'affiche. Par conséquent, l'essentiel a été mis en valeur, en évitant la surcharge d'information qui a pour conséquence d'entraver le traitement des informations pertinentes et utiles par les professionnels de santé dans un contexte d'urgence suicidaire. La directrice de la communication a aidé à comprendre le sens de lecture d'une affiche préventive. Elle a rappelé au groupe de travail qu'en occident, on lit de gauche à droite, et de haut en bas. Cette habitude se retrouve dans la façon d'observer une affiche préventive. Par conséquent, le regard a tendance à se poser d'abord sur le coin supérieur gauche, puis à effectuer une trajectoire en « z » jusqu'à finir dans le coin inférieur droit. L'affiche a donc été construite selon ce schéma et en soulignant les cinq étapes indispensables pour mieux identifier et prévenir le risque suicidaire des patients hospitalisés en unités MCO.
Ainsi, l'affiche reprend les codes graphiques du groupe hospitalier pour insister sur l'aspect institutionnel et officiel de la démarche. Le groupe de réflexion est particulièrement vigilant au choix des couleurs qui permettent d'insister sur deux étapes qui paraissent essentielles dans la conduite à tenir. Le choix est fait de mettre en évidence la troisième et la quatrième étape de la conduite à tenir qui consistent à alerter et à sécuriser l'environnement du patient à risque suicidaire. Le nouvel affichage préventif est destiné à être visible dans tous les postes de soins des unités de Médecine, Chirurgie et Obstétrique. Il est donc destiné à tous les soignants et étudiants en santé travaillant dans le groupe hospitalier. Il synthétise l'essentiel des mesures de prévention du suicide qui ont été détaillées dans le protocole « prise en charge du risque suicidaire ».
Dans le but de communiquer au plus grand nombre et pour informer les médecins et les internes en médecine, le groupe de réflexion a créé un dernier support d'information pour la prise en charge d'un patient à risque suicidaire. A l'image de l'affichage présenté plus haut, les informations détaillées dans le protocole ont été synthétisées en adaptant le message à une population médicale. Après validation par le président de la CMEL, ce support d'information a été intégré à l'application pour smartphones « livret accueil internes du groupe hospitalier ». Ainsi, cinq versions pour chaque site hospitalier du groupe hospitalier sont consultables par les internes en médecine et l'ensemble des médecins du groupe hospitalier.
Ce support digital rentre dans le cadre d'une volonté de l'établissement de construire des outils utilisant les moyens de communication modernes et incontournables que sont les applications utilisables par l'intermédiaire de smartphones. L'application est téléchargeable sur les stores avec un smartphone ou une tablette.
La journée de formation à l'attention des professionnels de santé et des étudiants de l'établissement est à vocation pratique et interactive, centrée autour de cas concrets (analyse des pratiques professionnelles, retours d'expérience, échange de point de vue...) et de questions-réponses. Cette formation permet aux soignants et futurs soignants de :
• Reconnaître la crise suicidaire en milieu hospitalier
• Savoir apprécier la dangerosité et l'urgence dans un contexte de soins
• Intervenir, alerter et orienter devant une crise suicidaire d'un patient
• Prévenir les conduites suicidaires de patients
En effet, la prévention du suicide exige beaucoup de compétences spécifiques. D'après H. Awad, P. Hardy, C. Martelli : « la formation à l'évaluation et la prévention du risque suicidaire est un des axes de la prévention du suicide : le plan anglais prévoit une formation tous les trois ans. Les programmes de formation doivent inclure des actions générales portant sur le renforcement de la cohésion des équipes, l'établissement de relations de qualité avec les patients, le repérage des situations à risque... » (5)
Cette formation s'adresse à toutes les catégories de personnels et aux étudiants en santé de notre établissement : personnel médical, personnel paramédical (infirmiers, aides-soignants), psychologues, travailleurs sociaux, étudiants en santé.
Afin d'aborder le plus complétement possible la notion de risque suicidaire, la journée de formation intitulée « Votre patient a-t-il des idées suicidaires ? posez des questions, sauvez une vie » propose deux méthodes d'enseignement et s'articule autour de deux temps :
• Premier temps : apport théorique commun
• Deuxième temps : ateliers pratiques en sous-groupes où les participants échangent autour de situations cliniques
L'intégration de la prévention du suicide dès l'origine de tous les projets de construction, restructuration et rénovation paraît être une source d'efficacité. Par conséquent, il semble indispensable d'intégrer la prévention du suicide dans les schémas architecturaux du futur hôpital. Cette nouvelle structure hospitalière regroupera les activités médico-chirurgicales des hôpitaux A et B du groupe hospitalier à partir de l'année 2027.
Ce travail amène à proposer plusieurs recommandations :
• Localisation de l'hôpital à distance des lieux identifiés à risque (gare, ponts...),
• Localisation des unités à risques (psychiatrie, cancérologie) au RDC ou à un étage inférieur (deuxième étage au maximum),
• Les points d'accrochages en hauteur (douches, radiateurs, lits, TV, sonnettes d'appel) doivent être limités et fragiles,
• Les fenêtres doivent être étroites, en verre incassable et munies d'une fermeture sécurisée.
• Les chambres doivent pouvoir être visibles en totalité lors du passage de l'infirmier et de l'aide-soignant de nuit,
• Les cabinets de toilettes doivent être accessibles par les soignants,
• Le poste de soins doit permettre de surveiller les allées et les venues dans l'unité.
Le cahier de prescription de sécurité pour tout projet de construction, rénovation et restructuration de l'établissement n'intègre pas la prévention du risque suicidaire. Ce document ayant une vocation évolutive à partir des expériences des hôpitaux, ces recommandations ont été transmises au conseiller pour la sécurité auprès du directeur général de l'établissement.
La création d'un tableau de bord permet de suivre la progression des objectifs fixés et d'évaluer la performance de la stratégie préventive. D'ailleurs, d'après Céline DUGAST et Marie-Claire CHAUVANCY, « la création de tableaux de bord permet de procéder à des évaluations de la performance, de la comparer dans le temps et d'en corriger les écarts. » (6). La conception de ce tableau de bord passe par le choix d'indicateurs pertinents pour mettre en place des plans d'actions adaptés.
La plupart des experts en matière de prévention du suicide s'accordent pour affirmer qu'il est impossible de prévenir tous les suicides à l'hôpital. Néanmoins, malgré de nombreux préjugés et quelques réticences, il apparait désormais possible de mieux identifier et mieux prévenir le risque suicidaire des patients hospitalisés en unités MCO. Ce projet met en évidence trois leviers susceptibles de favoriser la mise en œuvre d'actions de prévention spécifiques aux unités MCO du groupe hospitalier : l'optimisation de la prise en charge des patients à risque suicidaire, la formation des professionnels de santé au repérage et à la prise en charge des patients à risque suicidaire, la sécurisation de l'environnement hospitalier. Pour identifier ces trois leviers, il a fallu passer par une succession d'étapes coordonnées que le groupe de travail a jugées indispensables à la gestion de son projet.
La première étape consiste à réaliser un « état des lieux » précis et documenté du suicide en hôpital général. Cette étape est fondamentale pour la réussite d'un tel projet. Elle y apporte une valeur ajoutée essentielle à travers la compréhension du contexte, la production de connaissances spécifiques, la planification précise des tâches à réaliser et une gestion rigoureuse des risques associés à cette mission préventive.
La deuxième étape réside dans la réalisation du projet. La mise en œuvre de cette action de prévention du suicide à l'hôpital est une démarche techniquement et humainement complexe en raison de l'importante remise en question qu'elle suscite chez les professionnels de santé. C'est pour cette raison que ce groupe de travail a souhaité que celle-ci soit concrète, réalisable et menée dans les limites des ressources et du temps disponible.
La dernière étape réside en une analyse critique de la conduite du projet. Cette réflexion implique un esprit critique du chef de projet. Elle est l'occasion d'analyser le management de projet à travers des notions comme la coopération entre acteurs, le leadership du chef de projet ou la difficulté à « benchmarker » lorsque nous étudions le suicide à l'hôpital. A posteriori, nous pensons que la réussite de ce projet dépend en grande partie de la prise en compte de ces étapes incontournables. De plus, la mise en place d'un management par projet a permis d'éliminer les frontières inhérentes à un groupe hospitalier multi-sites en favorisant un fonctionnement en transversalité. Dorénavant, nous pensons que cette démarche managériale d'intelligence collective représente un outil de choix pour répondre concrètement à un impératif de performance. D'ailleurs, il nous semble que la formation des managers en santé au management stratégique doit être encouragée en démontrant l'importance à travailler en mode projet, ce qui est encore à la marge dans le secteur hospitalier.
Dans son rapport d'avril 2015, France Stratégie insiste pourtant particulièrement sur l'importance de « favoriser la capacité à raisonner en mode projet, l'aptitude à conduire un travail d'organisation et la création de référentiels et d'indicateurs. Il s'agit ainsi de dessiner l'espace du jeu collectif. » (7). Il nous semble que la fonction publique hospitalière requiert des cadres de santé qui s'appuient sur des processus transversaux. Cette transversalité doit être considérée comme un levier de modernisation qui s'inscrit dans le cadre d'un dispositif managérial innovant et ouvert vers l'extérieur. A ce titre, nous nous demandons si la conduite du changement et le management par projet peuvent devenir des formations prioritaires pour tous les managers en santé de demain ?
La thématique « parcours du patient » est une thématique systématiquement investiguée par les experts visiteurs de l'HAS. L'analyse des rapports de certification de l'établissement permet d'identifier les écarts regroupés dans des grands thèmes tels que le transport, le matériel d'urgence, la sortie et le risque suicidaire. Ainsi, l'analyse du thème « risque suicidaire » (critère 19.c du manuel de certification) met en exergue quatre écarts :
1. Aucune formation inscrite au plan de formation
2. Les situations pouvant mettre en jeu la sécurité des personnes ne sont pas toutes identifiées
3. La coordination des différents professionnels autour de la prise en charge des patients identifiés à risque non effective (évaluation par les infirmières mais pas par les médecins avec des lacunes dans la traçabilité, notamment en cas de risque suicidaire)
4. Le support de prescription des mesures préventives à appliquer en cas de risque suicidaire avéré non connu ou non utilisé
(1) Camus A. Le mythe de Sisyphe. Folio essais, 1985. 192 p.
(2) OCDE (2017). Panorama de la santé 2017 : les indicateurs de l'OCDE.
(3) Jancourt D., Simart M. Le management par projets. Un défi pour les établissements de santé. In Grandjean Ph., Fermon B. Performance et innovation dans les établissements de santé. Malakoff : Dunod, 2015. 478 p.
(4) Awad H., Hardy P., Martelli C. Le suicide dans les établissements de santé : données épidémiologiques et prévention. L'encéphale, juin 2009, no 36, p. 83-91.
(5) Awad H., Hardy P., Martelli C. Le suicide dans les établissements de santé : données épidémiologiques et prévention. L'encéphale, juin 2009, no 36, p. 83-91.
(6) Chauvancy M.-C., Dugast C. La contribution de l'encadrement à la performance. In Grandjean Ph., Fermon B. Performance et innovation dans les établissements de santé. Malakoff : Dunod, 2015. 478 p.
(7) Quelle action publique pour demain ? Cinq objectifs, cinq leviers, France Stratégie, avril 2015, 122 p.