Deux mois après les engagements verbaux du Président de la République envers l'hôpital, le Ségur de la santé ouvre la porte à une réforme rapide et en profondeur du système de santé, favorisant les investissements et la revalorisation des carrières.
Lors de son allocution à Mulhouse pendant le confinement, le président Emmanuel Macron avait annoncé « un plan massif d'investissement et de revalorisation de l'ensemble des carrières » à l'hôpital. Deux mois après cette promesse, le Premier ministre Edouard Philippe et le ministre de la Santé Olivier Véran ont donné le coup d'envoi du Ségur de la santé, du nom de l'avenue où se trouve le ministère de la Santé. Au programme, une grande concertation des acteurs du système de santé au rang desquels on compte les acteurs institutionnels, les élus, les représentants d'usagers, les ARS, l'Assurance maladie, les ordres professionnels, les représentants d'établissements et employeurs du secteur sanitaire et médico-social, syndicats hospitaliers, de praticiens et professions paramédicales, libéraux, représentants des étudiants et jeunes médecins, ceux des transports sanitaires, les collectifs hospitaliers, dans l'unique but de « tirer collectivement les leçons de l'épreuve traversée et faire le lien avec Ma Santé 2022 pour bâtir les fondations d'un système de santé encore plus moderne, plus résilient, plus innovant, plus souple et plus à l'écoute des professionnels ». Une dernière petite phrase qui interroge néanmoins dans les couloirs de l'hôpital. En cause ? Les délais, très ambitieux pour tenir ce Ségur de la Santé : les conclusions sont attendues pour la mi-juillet. « Aura-t-on le temps de tout remettre à plat et surtout de nous écouter, tous ? », s'interroge Murielle, cadre de santé à Lille (59) qui préfère attendre de voir concrètement ce que ce Ségur va apporter.
Les ambitions portées par le Gouvernement reposent sur quatre piliers :
• transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent, une doléance qui devrait faire passer le salaire de certains professionnels au même niveau que ceux des autres pays de l'OCDE et qui taraude beaucoup les soignants ;
• ce Ségur devrait aussi réfléchir à une nouvelle politique d'investissement et de financement au service des soins, ce qui laisse à penser que la tarification à l'activité, tant décriée depuis plus de quinze ans pourrait être remise en cause, du moins dans certaines domaines ;
• un autre pilier concerne la simplification radicale des organisations et du quotidien des équipes, là où la règle des tableaux Excel, des indicateurs et des chiffres font encore les beaux jours de l'organisation des services ;
• enfin, le dernier pilier vise à fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers : au sein des régions se tiendront d'ailleurs plusieurs retours d'expériences territoriaux.
Un vaste programme confié à Nicole Notat, ancienne figure du syndicalisme (elle fut secrétaire générale de la CFDT jusqu'en 2002), qui devrait mener l'animation d'un Comité Ségur national chargé de collecter les retours d'expériences afin d'apporter des solutions mi-juillet.
Si les réactions ne se sont pas fait attendre, beaucoup de professionnels de l'hôpital sont dans l'expectative : « Monsieur le Président, montrez-nous qu'on peut compter sur vous », ont-ils ainsi asséné dans une tribune baptisée « les jours heureux, collectifs de soignants médicaux et paramédicaux » et dans laquelle ils listent toutes les actions « coups de poing » menées avant la crise de la Covid19 pour alerter sur le délitement de l'hôpital : crise dans les Ehpad, grèves de la faim de certains paramédicaux en psychiatrie, grève des urgences, démission administrative massive de chefs de service (1 300). Des signaux qui ont été ignorés du gouvernement. « Et pourtant l'hôpital a su faire face, à la hâte, solidaire, collectif, efficace [mais] l'hôpital n'en peut plus, l'exceptionnel de quelques semaines ne pourra pas tenir plus longtemps », assure le collectif. Prêchant pour les 700 000 infirmiers dont il porte la voix, l'Ordre national infirmier demande « une reconnaissance de la contribution réelle des infirmiers à l'offre de soins et appelle les pouvoirs publics à engager dans les plus brefs délais une révision des textes qui encadrent l'exercice de la profession », avec à la clé une véritable logique de carrière, un suivi de l'évolution des compétences et des souhaits d'orientation et de spécialisation. La Fédération hospitalière de France souhaite de son côté « un new deal de la santé » permettant aux établissements de renouer avec leur vocation originelle, le soin et l'hospitalité : « un plan de rattrapage est indispensable, un grand plan d'investissement est inéluctable », déclarent de concert Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF et Frédéric Valletoux, son président. Au premier jour du Ségur de la Santé, Edouard Philippe a déclaré que « la revalorisation des salaires serait significative », pour rappeler qu'il veut aller vite et fort, comme l'a indiqué son ministre de la Santé.
Rendez-vous en juillet pour entrer dans le vif du sujet.