Gestion de crise : Le Sénat épingle les couacs de la crise sanitaire - Objectif Soins & Management n° 276 du 01/09/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 276 du 01/09/2020

 

Actualités

Anne Lise Favier  

Politique

Après trois mois de travaux, la commission des lois du Sénat a rendu début juillet ses conclusions sur la gestion de la crise sanitaire en France. Elle pointe du doigt une impréparation évidente et propose des pistes d'amélioration.

C'est au décours de 61 auditions que le président de la commission, Philippe Bas, a rendu les conclusions de son enquête : « pendant l'état d'urgence sanitaire, le Gouvernement a bénéficié de pouvoirs exorbitants du droit commun pour lutter efficacement contre l'épidémie. Depuis le début de la crise, la commission des lois a exercé un contrôle parlementaire exigeant pour s'assurer que les mesures prises soient strictement proportionnées et puissent faire l'objet d'un recours effectif. Nous avons constaté plusieurs lacunes : des services publics essentiels – comme la justice ou la Poste – se sont quasiment arrêtés, des droits et libertés ont été remis en cause, notamment avec la prolongation des détentions provisoires. Ces erreurs ne doivent pas être reproduites si une nouvelle vague de l'épidémie, voire une nouvelle pandémie, devait survenir », alerte-t-il. Il souligne l'impréparation du pays dès le mois de février où les premiers frémissements alertant de la catastrophe à venir sont survenus. Ainsi, de nombreuses administrations n'ont pas pu maintenir une activité minimale, ce qui témoigne d'une totale inadaptation des plans de continuité de l'activité, qui étaient même parfois inexistants. Le Sénat pointe également les choix contestables de l'Etat pour veiller au respect du confinement (par exemple, emploi de drones, prolongation des détentions provisoires ou interdiction de réunions dans les lieux de culte).

Précipitation

Le Sénat rappelle que 64 ordonnances ont été adoptées pendant la crise sanitaire, un record qui s'est fait sans l'aval des parlementaires, sans débat, et parfois dans une grande précipitation selon les travaux de la Commission. D'autres choix adoptés amènent les parlementaires à s'interroger : malgré les risques de saturation du SAMU, les pompiers et les acteurs de la sécurité civile ont été trop peu associés à la gestion de la crise ; les ARS n'ont pas suffisamment dialogué avec les préfectures. Enfin, l'application Stop Covid, particulièrement coûteuse, n'a pas eu le succès escompté : trois semaines après son lancement, seulement 14 utilisateurs avaient été avertis d'un risque de contact (au moment de notre bouclage, l'application avait été téléchargée 2,3 millions de fois mais n'avait permis de notifier que 72 contacts à risque, NDLR). Pour tirer les leçons de ce qui n'a pas fonctionné, le Sénat émet un ensemble de propositions visant à renforcer les réponses territoriales et mieux préparer les services publics à faire face aux crises. Il s'agit notamment de constituer une « task force » auprès du préfet qui lui permettrait ainsi de coordonner l'ensemble des services du territoire. Il faudrait aussi assurer la continuité de la justice avec des plans de continuité dans les cours d'appel, déclinés par juridiction et également de dématérialiser (via la numérisation) le service public judiciaire pour lui permettre de travailler à distance. Le Sénat rappelle également qu'il doit y avoir un renforcement de l'accompagnement dans les prisons, en considérant notamment le personnel pénitentiaire comme un personnel prioritaire au titre du dispositif d'accueil des enfants dans les écoles.

Anticiper

Pour assurer la sécurité des concitoyens, le Sénat estime que même si le ministère de l'Intérieur a globalement su s'adapter, il faudrait à l'avenir que les scénarios de crise soient actualisés pour permettre une meilleure réactivité des forces. Il ajoute qu'il faut donner toute sa place aux acteurs de la sécurité civile, en créant des plateformes communes entre Samu et pompiers. Enfin, le recours aux procurations permettrait d'adapter le droit électoral aux périodes de crise : le Sénat évoque même la possibilité d'un vote par correspondance papier qui pourrait être expérimenté. Ces travaux sénatoriaux ont été transmis au Premier ministre et serviront à l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies.