Écrits professionnels
Les cadres de la fonction publique hospitalière sont en grande majorité soumis au régime de temps de travail en forfait annuel en jours, basé sur le temps de repos maximal, et non sur le temps de travail. Alors que le forfait annuel en jours est strictement encadré pour les salariés de droit privé, les cadres hospitaliers peuvent être confrontés à des excès, en contradiction avec la nécessaire protection de leur sécurité et de leur santé : un cadre juridique à connaître.
Le temps de travail des cadres hospitaliers en forfait annuel en jours bénéficie d'un cadre plus souple, justifié par l'autonomie nécessaire à leurs missions.
C'est le décret no 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, qui indique en son article 12 « (...) Sans préjudice du respect des garanties mentionnées à l'article 6, les personnels exerçant des fonctions d'encadrement définies par arrêté peuvent choisir annuellement entre un régime de décompte horaire et un régime de décompte en jours de leur durée de travail. Dans ce dernier cas, ils bénéficient de 20 jours de réduction du temps de travail. »
Ce même décret précise en son article 6 que « L'organisation du travail doit respecter les garanties ci-après définies. La durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours. Les agents bénéficient d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum. Le nombre de jours de repos est fixé à 4 jours pour 2 semaines, deux d'entre eux, au moins, devant être consécutifs, dont un dimanche. »
En conséquence, il ressort que les cadres en forfait annuel en jours ne doivent pas travailler plus de 48 heures au cours d'une période de 7 jours. De plus, ils doivent bénéficier au moins d'un repos quotidien de 12 heures consécutives, et d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives.
Les cadres concernés sont listés par l'arrêté du 24 avril 2002, relatif aux personnels de la fonction publique hospitalière exerçant des fonctions d'encadrement, qui indique en son article 1 et en annexe, les fonctions d'encadrement (en application du décret susvisé), qui ouvrent droit au décompte en jours de leur durée de travail. Il s'agit des fonctions exercées par tous les personnels des corps et grades de la fonction publique hospitalière, qui assurent soit des fonctions d'encadrement d'équipes, soit une mission transversale ou de projet, soit une mission de formation initiale ou continue ou de recherche.
Ce cadre juridique obéit à la Directive 93/104/CE du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail en son article 3, selon lequel « les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives », et en son article 5 précisant que « les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de sept jours, d'une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s'ajoutent les onze heures de repos journalier prévues à l'article 3 ».
De plus, en toute hypothèse l'article 6 impose « les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs : (...) 2) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires ».
Cette directive s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391/CEE (principes généraux concernant la prévention des risques professionnels et la protection de la sécurité et de la santé).
D'ailleurs, suite à la question d'une parlementaire sur la situation des agents de la fonction publique soumis au forfait annuel en jours (1), le ministère répondait notamment qu'« en tout état de cause, les dispositifs réglementaires spécifiques applicables aux agents des trois versants de la fonction publique respectent à la fois les objectifs de la charte sociale européenne révisée de 1996 et les prescriptions fixées par la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 ».
Il en ressort clairement, qu'y compris pour les cadres en forfait annuel en jours, la durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours, qu'ils doivent bénéficier d'un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum, ainsi que d'un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum.
Ainsi, le cadre en présentiel qui a débuté son service à huit heures du matin, doit terminer son service au plus tard à 20 heures.
Toutefois, si mesurer la durée hebdomadaire de travail effectif, heures supplémentaires comprises ne pouvant excéder 48 heures au cours d'une période de 7 jours, parait peu compatible avec l'autonomie des cadres en forfait annuel en jours, il est plus aisé de se baser sur le respect du temps de repos quotidien consécutif de 12 heures, et hebdomadaire de 36 heures.
La notion d'autonomie n'est pas définie spécifiquement, mais peut se déduire des termes de l'arrêté du 24 avril 2002 : encadrement d'équipes, mission transversale ou de projet, mission de formation (initiale ou continue) ou de recherche.
L'autonomie se déduit également des dispositions de l'article L. 3121-58 Code du travail, selon lesquelles « Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année (...) 1o Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif (...) ».
Le décret no 2016-151 du 11 février 2016, relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature, modifié par le décret no 2020-524 du 5 mai 2020, a vocation à s'appliquer y compris aux fonctions d'encadrement. Il précise en premier lieu à l'article 6 que « Les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient des mêmes droits et obligations que les agents exerçant sur leur lieu d'affectation (...) ».
Selon l'article 7, il revient à l'autorité investie du pouvoir de nomination pour la fonction publique hospitalière de fixer notamment « 4o Les règles à respecter en matière de temps de travail, de sécurité et de protection de la santé (...) 6o Les modalités de contrôle et de comptabilisation du temps de travail (...) ».
Enfin, l'article 8 prévoit que « L'autorisation d'exercice des fonctions en télétravail mentionne (...) s'il y a lieu, sa durée, ainsi que les plages horaires durant lesquelles l'agent exerçant ses activités en télétravail est à la disposition de son employeur et peut être joint, par référence au cycle de travail de l'agent ou aux amplitudes horaires de travail habituelles ».
En outre, il convient de préciser que les périodes de repos sus décrites s'imposent, que le cadre soit en service présentiel ou en télétravail. En effet, le cadre qui a débuté son service dans l'établissement à huit heures du matin, et qui a quitté son service à 20 heures, ne saurait recevoir ensuite des appels téléphoniques et (ou) courriels professionnels avant 8 heures le lendemain.
Comme tous les agents publics, les cadres hospitaliers en forfait annuel en jours bénéficient d'une protection de leur santé et de leur sécurité. Tout manquement au respect du temps de repos, entrainant un dommage à un cadre, engage la responsabilité de l'administration.
La protection de la santé des travailleurs constitue une obligation fondamentale du droit social privé comme public.
La loi fondamentale, à l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à l'article 151, qui se réfère à la Charte sociale européenne révisée, ainsi qu'à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, garantissent le droit à la protection de la santé et au repos de tout travailleur, peu importe son lieu d'exercice.
Spécifiquement pour les fonctionnaires et agents publics, la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit à l'article 23 « Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique ».
En outre, l'article L. 4121-1 Code du travail, applicable à la fonction publique hospitalière, dispose que « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », notamment par « 1o Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2o Des actions d'information et de formation », et surtout par « 3o La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés », l'employeur devant veiller à « l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».
A cette fin, l'administration hospitalière est tenue en corolaire à une obligation de moyens. En effet, l'article L. 6143-2 du Code de la santé publique dispose que « Le projet d'établissement (...) prévoit les moyens (...) de personnel (...) dont l'établissement doit disposer pour réaliser ses objectifs. ».
Le Conseil d'Etat rappelle en outre que « la lettre et (...) l'objet des dispositions relatives au temps de travail, (...) visent à assurer la protection de la santé et la sécurité des salariés » (CE, 4 avril 2018, no 398069. Mentionné dans les tables du recueil Lebon).
Enfin, les chefs de service, c'est-à-dire les autorités administratives ayant compétence pour prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous leur autorité, ont la charge de veiller à la sécurité et à la protection de la santé de leurs agents (CE 7 février 1936, no 43321. Publié au recueil Lebon).
Il est logique que le manquement à l'obligation de sécurité vis à vis de ses agents engage la responsabilité de l'administration.
Ainsi, le Conseil d'Etat retient que « les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents ; qu'il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet » (Conseil d'État, 30 décembre 2011, no 330959. Mentionné dans les tables du recueil Lebon).
En outre, le Conseil d'Etat a admis que l'agent peut, en cas de faute de l'administration, prétendre en outre à une indemnisation intégrale du préjudice subi (Conseil d'État, 4 juillet 2003, no 211106, Publié au recueil Lebon).
Il résulte de la jurisprudence précitée que tout manquement aux règles sus décrites, relatives au respect du temps de travail et de repos, constitue une faute de service de l'administration, engageant sa responsabilité en plein contentieux.
Les cadres hospitaliers doivent bénéficier pour l'organisation de leur temps de travail, d'un régime protecteur de leur santé et de leur sécurité, ainsi que d'une juste rémunération du travail.
Sans mesurer le temps de travail, il est impossible de contrôler les périodes de repos, d'éviter des durées préjudiciables à la santé, et d'assurer le paiement de la totalité du travail accompli.
Aujourd'hui, certains cadres hospitaliers effectuent un volume d'heures de travail excessif et (ou) sont soumis à une amplitude de service abusive, sur injonction plus ou moins implicite de leur hiérarchie. Se trouve ainsi violés leur droit à la santé et au repos, droit qui s'applique pourtant à tous les travailleurs sans exception, ainsi que leur droit à une juste rémunération.
Les cadres hospitaliers se doivent de faire respecter préventivement les règles précitées, et savoir que toute conséquence dommageable de ces situations irrégulières, les autorise à mettre en cause la responsabilité de l'administration pour faute. Sur l'aspect préventif, il convient d'user du droit d'alerte, voire de retrait prévu par le code du travail et de recourir au Comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Il s'agit en effet d'un manquement fautif à l'obligation statutaire de l'employeur public, prévue par la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 (article 23) précitée, selon laquelle l'administration doit aux agents « Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique ».
(1) Question No 108273 JO du 10/05/2011, page 4674 – Réponse JO le 06/03/2012, page 20