Dans le cadre de l'analyse de décisions de jurisprudence relatives à la pratique professionnelle des équipes médicales et paramédicales en 2020, cet article présente l'examen détaillé d'une décision relative à la fin de vie permettant de comprendre le déroulement des étapes à respecter dans ce contexte. L'autre partie de l'article apporte une série de décisions d'actualité : prise en charge défectueuse avec une chute et une infection nosocomiale, voie veineuse centrale et responsabilité, condamnation de moralité pour exercer la profession, burnout imputable au service.
Une décision aussi importante que la limitation des thérapeutiques actives, prise par l'équipe médicale, doit être motivée et immédiatement versée au dossier du patient, un éventuel manquement la rendant illégale.
Un homme âgé de 31 ans, a été retrouvé par sa famille à proximité de son domicile le 11 mai 2020 au soir, le visage tuméfié et présentant des troubles de la conscience. Son état s'étant aggravé, il a été pris en charge dans la nuit par une structure mobile d'urgence et de réanimation et amené, alors qu'il était dans le coma, à l'hôpital Bicêtre de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris. C'est la situation d'un homme jeune, dont la vie bascule du fait d'un accident, et qui a priori n'a pas fait connaitre ses intentions quant à la fin de vie.
Un premier scanner a montré un hématome sous-dural aigu hémisphérique droit, une contusion frontale et temporale droite, une hémorragie méningée gauche ainsi qu'au niveau de la faux du cerveau et une fracture de la paroi inférieure de l'orbite gauche et les examens complémentaires ont révélé de multiples fractures.
Une intervention chirurgicale a été réalisée en urgence pour évacuer l'hématome sous-dural à l'origine d'une hypertension intracrânienne. L'état du patient s'est ensuite amélioré et, lorsque les sédations ont pu être arrêtées le 4 juin, il a été évalué au niveau 8 sur 15 de l'échelle de Glasgow.
Toutefois, un scanner de contrôle réalisé le 9 juin ayant montré l'apparition d'un hygrome sous-dural hémisphérique gauche compressif, une nouvelle intervention chirurgicale a été réalisée le 13 juin.
Dans les jours suivants, l'état du patient a été évalué au niveau 4 ou 5 pour se stabiliser au niveau 4 sur 15 de l'échelle de Glasgow, sans qu'aucune amélioration soit ensuite enregistrée sur le plan neurologique. L'hospitalisation a par ailleurs été marquée par un syndrome de détresse respiratoire aigüe liée à une première pneumopathie acquise sous ventilation mécanique, puis par une nouvelle pneumopathie le 2 juin et un pneumothorax droit découvert le 21 juin.
Le 29 juin 2020, une procédure collégiale a été engagée et une réunion organisée entre les médecins du service, le neuropsychologue attaché au service, l'équipe paramédicale s'occupant du patient et un médecin du service de rééducation post-réanimation sur la conduite à tenir, en considération du coma persistant et de l'évolution prévisible vers un état végétatif persistant, une limitation puis un arrêt des thérapeutiques actives.
L'un des médecins en a informé la famille, qui a refusé dans un premier temps l'extubation. Des réunions ont été organisées avec la famille les 17 et 20 juillet, au cours desquelles la décision de procéder à l'extubation du patient, sauf amélioration de l'examen neurologique au cours des jours suivants, a paru au médecin en charge du patient être acceptée par elle.
Un nouvel examen dans sa langue maternelle le 22 juillet a montré que le patient ne répondait pas aux ordres simples et manifestait seulement un léger mouvement de la main droite paraissant aléatoire par rapport aux ordres. Une nouvelle réunion le même jour avec la famille et un ami parlant français a conduit à évoquer une extubation le surlendemain 24 juillet, pouvant conduire soit, en cas d'autonomie respiratoire du patient, à une poursuite de sa prise en charge dans un centre accueillant les patients en état végétatif chronique ou en état pauci-relationnel, soit, dans l'hypothèse inverse, à son décès.
Le 23 juillet, la famille s'est rapprochée d'un avocat qui a demandé à l'hôpital Bicêtre de poursuivre les soins et de suspendre la mesure d'arrêt des soins.
Le 24 juillet, les parents du patient et sa sœur ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce que ce juge suspende l'exécution de la décision d'arrêt de traitement, enjoigne à l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris de poursuivre les traitements et les soins et ordonne une expertise en vue de déterminer la situation médicale du patient.
Cette procédure, dite du « référé-liberté » permet d'obtenir des décisions très rapides, en principe en 48 heures.
Par ordonnance du 27 juillet 2020, le juge des référés a rejeté cette demande, et la famille a formé un appel devant le Conseil d'Etat, qui a rendu sa décision le 6 août 2020.
Cf. encadré.
Les premières références sont deux textes fondamentaux, l'article L. 1110-1 CSP : « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne », et l'article L. 1110-2 : « La personne malade a droit au respect de sa dignité ».
Vient ensuite l'article L. 1110-5 qui définit le droit à des soins de qualité : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l'ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de traitements et de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ».
On aborde alors la question de la fin de vie en milieu médical, avec l'article L. 1110-5-1, qui pose le refus de toute forme d'acharnement thérapeutique : « Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire ».
En continuation, vient l'article L. 1111-4, lorsque le patient n'est pas en mesure d'affirmer sa volonté : « Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible d'entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l'article L. 1110-5-1 et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical ».
Il reste alors le processus collégial, défini par l'article R. 4127-37-2 CSP, issu du code de déontologie médicale :
« II. – Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale.
« III. – La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile.
« IV. – La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. La volonté de limitation ou d'arrêt de traitement exprimée dans les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, ou de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient.
Le Conseil d'Etat, a fait une analyse de synthèse de ces textes et d'une décision du Conseil constitutionnel no 2017-632 QPC du 2 juin 2017 :
« Il appartient au médecin en charge d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté d'arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. En pareille hypothèse, le médecin ne peut prendre une telle décision qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à l'éclairer sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement et, sauf dans les cas mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 1111-11 CSP, dans le respect des directives anticipées du patient ou, à défaut de telles directives, après consultation de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches, ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs ».
Le 24 juillet, soit suite à la requête de l'avocat de la famille qui date du 23, le médecin anesthésiste réanimateur en charge du patient a affirmé que la procédure d'arrêt des thérapeutiques actives du 29 juin était « annulée ».
Le 27 juillet, le même médecin a informé la famille d'une nouvelle réunion avec les médecins et les infirmières du service dès le 29 juillet, pour rendre un avis sur l'arrêt des traitements, mais il a été décidé lors de cette réunion de décaler la réunion collégiale multidisciplinaire devant se prononcer sur l'arrêt des thérapeutiques actives.
Le 30 juillet, la famille a été reçue par le médiateur central de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, avec le médecin en charge du patient et le chef du service de réanimation chirurgicale où celui-ci est hospitalisé, en présence d'un interprète. L'équipe médicale a fait état de leur choix, alors même qu'elle n'y est pas tenue légalement, de ne pas prendre de décision d'arrêt de traitement sans recueillir un assentiment suffisant de la famille. En pratique, ils ont décidé de ne pas prendre de nouvelle décision avant le résultat d'une expertise par un médecin tiers, qui permet à la famille de disposer d'un autre avis médical quant au risque de traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie. La question de l'arrêt des traitements ne se pose plus devant le juge.
En revanche, la décision du 29 juin, qui prévoit la limitation des thérapeutiques actives, n'a pas été retirée. Lors de la réunion du 29 juillet 2020, l'équipe médicale a d'ailleurs confirmé le choix de ne pas traiter une éventuelle complication. Par suite, la famille, qui a pris connaissance de la portée exacte de la décision du 29 juin 2020 par les pièces produites au cours de l'instance, est fondée à soutenir qu'il y a lieu pour le juge de statuer sur cette mesure de limitation de traitement.
Or, la décision du 29 juin 2020, confirmée le 29 juillet, n'a pas été motivée ni inscrite avec ses motifs dans le dossier du patient, en méconnaissance des articles L. 1111-4 et R. 4127-37-2 du code de la santé publique. Par suite, cette décision ne peut être tenue pour légale et, eu égard à l'importance de la garantie ainsi prévue par le législateur, il y a lieu d'en suspendre l'exécution.
L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris souhaite permettre à l'équipe médicale et à la famille du patient de disposer de tous les éléments utiles pour que les décisions médicales prises à son égard soient guidées par le souci de la plus grande bienfaisance et pour que soit rétabli le lien de confiance nécessaire entre les soignants et la famille. Par ailleurs, si une nouvelle décision de limitation ou d'arrêt de traitement était prise à très brève échéance, il est vraisemblable qu'elle ferait l'objet d'une nouvelle contestation par la famille devant le juge des référés.
Dans ces conditions, il est nécessaire de compléter la médiation confiée au professeur, ancien chef de service à l'hôpital Bicêtre, en disposant de l'avis d'un ou plusieurs praticiens extérieurs, rendu dans le cadre d'une expertise ordonnée par le juge, susceptible d'apporter tous éléments utiles sur l'état actuel du patient, et sur les perspectives d'évolution de cet état. Aussi, est ordonnée une expertise médicale, confiée à un collège de deux médecins disposant des compétences appropriées, aux fins de se prononcer, après avoir examiné le patient, rencontré l'équipe médicale et le personnel soignant en charge de ce dernier ainsi que sa famille et pris connaissance de l'ensemble de son dossier médical, sur l'état actuel du patient et de donner toutes indications utiles, en l'état de la science, sur les perspectives d'évolution qu'il pourrait connaître, de façon à éclairer le choix de prendre ou non une décision de limitation puis, le cas échéant, d'arrêt de traitement à son égard.
Il résulte des échanges au cours de l'audience publique que le médecin en charge du patient ne prendra pas de nouvelle décision de limitation ou d'arrêt de traitement avant la connaissance de l'expertise médicale. Aussi, il n'y a pas lieu de prononcer à l'encontre de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris une injonction de poursuivre les traitements du patient.
Cas de responsabilité hospitalière engagée pour un double motif : un défaut de surveillance qui a été la cause d'une chute, et la survenance d'une infection nosocomiale.
En raison d'une insuffisance cardiaque, un patient a été hospitalisé, le 5 janvier 2015, au CHR de Metz-Thionville. Dans la soirée du 8 janvier, il s'est fracturé le col du fémur à la suite d'une chute dans sa chambre.
Le 17 janvier 2015, il a subi une intervention chirurgicale consistant en une ostéosynthèse de la fracture avec enclouage. Dans les suites de cette intervention, il a présenté un syndrome infectieux.
Estimant qu'une faute avait été commise dans sa prise en charge, le patient a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation du CHR de Metz-Thionville à l'indemniser de ses préjudices.
Par un jugement du 31 juillet 2018, le tribunal a condamné le CHR de Metz-Thionville.
En application de l'article L 1142-1 I CSP, les établissements de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Le patient a fait une chute, dans la soirée du 8 janvier 2015, devant la porte de la salle de bains de sa chambre, provoquant une fracture du col du fémur.
Lors de son admission dans le service, le risque de chute avait été clairement identifié compte tenu de son âge, de sa locomotion limitée avec deux cannes et d'antécédents de chute. Toutefois, le dossier médical du patient ne présentait aucune mesure préventive pour éviter ce risque de chute lié à son obésité sévère, à une insuffisance cardiaque limitant ses déplacements et à une arthrose évolutive des genoux nécessitant l'usage de deux cannes. Les médiateurs, intervenus à la suite de cet accident, ont souligné l'absence de mesures telles qu'une restriction de lever ou de l'usage obligatoire de cannes.
L'équipe de soins a fait valoir qu'elle avait mis à la disposition du patient une sonnette et qu'elle procédait à un contrôle toutes les heures, mais ces mesures ne peuvent être regardées comme suffisantes au regard du risque de chute que ce patient présentait du fait de ses diverses pathologies.
Il est exact que les circonstances exactes de la chute n'ont pu être déterminées, mais le patient soutient qu'il a appelé l'infirmière avec la sonnette et qu'elle lui a demandé de se rendre à la salle de bains en refusant de lui donner ses cannes qui n'étaient pas à portée de main.
Le dossier infirmier et les transmissions ciblées comportent deux versions différentes des faits, l'une, datée du 8 janvier 2015, précisant que le patient a chuté de sa hauteur au pied de la porte de la salle de bains, l'autre, rédigée le lendemain dans le dossier infirmier, mentionnant qu'il aurait glissé de son lit et chuté. De plus, selon les éléments du dossier infirmier, le patient aurait été couché le 8 janvier 2015 à 19 heures « barrière en place », ce qui rend peu probable une chute du lit quelques heures plus tard. Ces éléments divergeant sur les circonstances exactes de la chute tendent à accréditer la version des faits du patient.
Dans ces conditions la faute est établie.
De plus, cette chute, alors même qu'elle ne constitue pas un évènement indésirable au sens de l'article R. 6111-1 CSP aurait dû donner lieu à une déclaration.
Selon l'article L 1142-1 CSP, les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
Selon la jurisprudence, doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
Le patient qui a subi une intervention chirurgicale le 17 janvier 2015, a présenté, le 20 janvier suivant, une infection urinaire à l'Escherichia coli et au Staphylocoque doré méti S et secondairement une bactériémie à ce même Staphylocoque doré qui a été traitée par une antibiothérapie.
Il ne résulte pas de l'expertise que cette infection était présente ou en incubation lors de l'hospitalisation de l'intéressé le 5 janvier 2015. L'expert, après avoir relevé que le patient était porteur d'une sonde urinaire et de plaies cutanées de l'inter-pli inguinal, a considéré que cette infection par un germe endogène revêtait un caractère nosocomial dès lors qu'elle s'était manifestée précocement après l'opération.
Le CHR fait valoir que cette infection peut avoir eu pour origine les plaies de l'inter-pli inguinal, mais il n'apporte aucun élément pour établir la prévalence de cette cause sur les soins prodigués au patient et, en particulier, sur la pose d'une sonde urinaire. Ainsi, en l'absence de preuve qu'elle a une autre origine que la prise en charge de l'intéressé, cette infection doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial. Par suite et dès lors qu'aucune cause étrangère n'est invoquée, elle est, comme l'a jugé le tribunal, de nature à engager la responsabilité du CHR.
Cas de responsabilité hospitalière pour une série de fautes dans l'indication, la mise en place et la surveillance de la voie veineuse centrale.
Le 31 octobre 2008, un jeune enfant, né le 18 août 2007, a été examiné au service des urgences de l'Hôpital Femme-Mère-Enfant, dépendant des HCL, en raison d'une boiterie droite sans fièvre et a été autorisé à quitter l'établissement hospitalier. Toutefois, le lendemain, ses parents se sont présentés à nouveau au service des urgences de l'établissement hospitalier compte tenu de l'état fébrile de l'enfant et de son impotence fonctionnelle persistante du genou droit, chaud et douloureux. A l'issue des examens pratiqués, l'enfant a été hospitalisé dans le service de chirurgie orthopédique où une arthrite septique a été diagnostiquée.
Le 3 novembre 2008, cette arthrite septique a été ponctionnée et une double antibiothérapie a été administrée en raison d'une infection par le germe Kingella Kingae. L'évolution clinique de l'enfant étant favorable, il a été décidé, le 5 novembre, de la pose d'une voie veineuse centrale.
Les deux premières injections ont pu être réalisées via cette voie centrale. Le 6 novembre 2008, à 11 h 00, il a été procédé à une troisième injection.
La mère de l'enfant, restée à son chevet, a constaté, vers 16 h 30, que l'enfant présentait un déficit du membre supérieur gauche. Devant un tableau clinique associant asymétrie faciale, parésie du membre supérieur gauche, perte d'équilibre et trouble du comportement, un scanner cérébral et thoracique a été réalisé et a mis en évidence un accident vasculaire cérébral par embolisation gazeuse sur une cathétérisation artérielle.
La voie d'abord sous-clavière a été retirée. L'enfant a été transféré en urgence au centre de médecine hyperbare de l'hôpital Edouard Herriot pour des séances de caisson hyperbare.
Le 7 novembre 2008, une IRM cérébrale a montré l'existence d'une lésion ischémique thalamique droite récente et d'autres lésions ponctuelles dans les régions pariétales bilatérales.
Le 10 novembre, l'enfant a été transféré en réanimation pédiatrique puis en neurologie pédiatrique. Le 14 novembre 2008, il a été autorisé à quitter l'établissement hospitalier.
L'enfant souffre des séquelles de l'accident vasculaire cérébral avec des troubles de l'apprentissage se manifestant par une déficience des fonctions attentionnelles et exécutives.
Le rapport d'expertise a retenu des manquements dans l'indication, la mise en place et la surveillance de la voie veineuse centrale, à l'origine exclusive de l'embolie gazeuse responsable d'un accident vasculaire cérébral invalidant.
Le jeune enfant a présenté une arthrite septique du genou droit qui nécessitait l'administration d'une antibiothérapie intraveineuse. Dès le deuxième jour de traitement, devant les difficultés à maintenir une voie veineuse périphérique, il a été décidé de la mise en place d'une voie veineuse centrale. Le traitement intraveineux étant relativement court, environ une semaine, le choix de la mise en place d'une voie veineuse centrale apparaît excessif pour la pathologie de l'enfant.
Selon les experts, aucune négligence, imprudence ou manquement aux règles de l'art ne peut être retenu dans la réalisation de la mise en place d'une voie veineuse centrale sous-clavière compte tenu de ce que cette mise en place, se faisant à l'époque sans l'aide de l'échographie, est un geste difficile et délicat. Ils soulignent toutefois qu'il aurait été prudent et indiqué de demander un avis radiologique quant au positionnement correct de cette voie dès lors que le caractère correct du positionnement d'un cathéter central est un impératif absolu avant son utilisation.
De plus, malgré les difficultés d'utilisation de la seringue automatique et les difficultés d'injection manuelle au niveau de cette voie veineuse centrale, il est anormal que les infirmières aient eu recours à l'injection manuelle et n'aient pas alerté le médecin anesthésiste de cette difficulté.
Par suite, ces manquements relatifs à la mise en place de la voie veineuse centrale présentent le caractère de fautes de nature à engager la responsabilité entière des HCL dans les conséquences dommageables de l'accident vasculaire cérébral par embolie gazeuse dont l'enfant a été victime.
Une condamnation pénale pour une affaire de mœurs n'entraine pas ipso facto une interdiction d'exercer la profession infirmière, mais le conseil de l'ordre doit en prendre connaissance, et au vu d'une analyse générale, en tirer les conséquences.
Aux termes de l'article L. 4311-16 du CSP, le conseil départemental de l'ordre des infirmiers refuse l'inscription au tableau de l'ordre si le demandeur ne remplit pas les conditions de compétence, de moralité et d'indépendance exigées pour l'exercice de la profession, s'il est frappé d'une interdiction temporaire ou définitive d'exercer la profession en France ou à l'étranger, ou s'il est frappé d'une suspension prononcée en application de l'article L. 4311-26.
La demande d'inscription d'un infirmier au tableau de l'ordre des infirmiers a été rejetée pour manquement à l'obligation de moralité par une décision du 20 décembre 2017 du conseil départemental des Alpes-Maritimes de l'ordre des infirmiers, puis rejetée pour le même motif par une décision du 26 février 2018 du conseil interrégional de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse et, enfin, par une décision du 11 juin 2018 du Conseil national de l'ordre des infirmiers.
Par jugement du 10 janvier 2017 du tribunal correctionnel de Saint-Pierre et Miquelon a condamné notamment cet infirmier à l'interdiction définitive d'exercer toute activité professionnelle ou bénévole le plaçant en contact habituel avec des mineurs. Le Conseil national a visé ce jugement, mais il ne s'est pas contenté de l'appliquer.
Le Conseil national a relevé que les faits, revêtus de l'autorité absolue de la chose jugée par le juge pénal et au demeurant non contestés, de détention d'images de mineurs à caractère pornographique entre 2014 et 2016 et de consultation habituelle, à la même époque, d'un service mettant à disposition des représentations pornographiques de mineurs, ne permettaient pas de considérer comme remplie la condition de moralité exigée pour l'exercice de la profession par les dispositions de l'article L. 4311-16 CSP. Ce faisant, le Conseil national de l'ordre des infirmiers a, eu égard à la gravité, à la durée et au caractère récent des faits en cause, fait une exacte application de ce texte.
Un burn out établi par un rapport d'expertise et un avis de la commission de réforme apporte la preuve d'une pathologie, qui présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions, et qui est imputable au service.
Le fonctionnaire en activité a droit à des congés de maladie en cas de maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (loi du 9 janvier 1986, art. 41, 2o). Il conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois, puis ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Toutefois, si la maladie provient d'un accident de service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident.
L'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales.
Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
Selon l'expertise réalisée le 22 février 2017 par un médecin psychiatre à la demande du centre hospitalier de Blois : « Les éléments classiques du burn-out sont réunis : souffrance au travail, difficultés à s'adapter aux exigences nouvelles et grandissantes, à renoncer à une certaine idée de son travail d'infirmière, sentiment d'impuissance et d'humiliation ». Ce médecin ajoute : « Il n'y a pas tellement de doute quant au lien direct entre la souffrance de cette dame et les conditions dans lesquelles elle a exercé son travail au CH de Blois », et il joint des certificats médicaux de confrères allant dans le même sens.
La commission de réforme, dans sa séance du 7 juin 2017, a émis un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie de l'infirmière à compter du 10 avril 2014 et a estimé que son état était consolidé à la date de la tenue de la commission avec un taux d'IPP de 15 %.
L'infirmière, qui dispose d'un rapport d'expertise et d'un avis de la commission de réforme qui sont favorables à sa revendication, doit être regardée comme rapportant la preuve de ce que sa pathologie, qui présente un lien direct avec l'exercice de ses fonctions, est imputable au service.
La procédure utilisée est le « référé-liberté », prévu par l'article L. 521-2 du Code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
Ces dispositions législatives confèrent au juge des référés le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d'évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales.
Toutefois, le Conseil d'Etat a défini une approche spécifique pour les fins de vie. Il peut en effet être saisi d'un recours contre une décision, prise par un médecin et conduisant à arrêter ou ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, un traitement qui apparaît inutile ou disproportionné ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, dans la mesure où l'exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie. Il doit alors prendre les mesures de sauvegarde nécessaires en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable.