L'ancien président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), Georges Fenech, publie un livre dans lequel il s'alarme de la montée des dérives sectaires dans le monde de la santé. Il craint la disparition de la Mission.
« C'est un cri d'alarme » : c'est en ces mots que Georges Fenech, ancien député et président de la Miviludes de 2008 à 2012, résume son ouvrage paru début septembre. « Gare aux gourous, santé, bien-être », paru aux éditions du Rocher, est une « enquête sur les dérives thérapeutiques d'aujourd'hui ». Plusieurs pratiques non conventionnelles sont référencées et le glissement progressif de certaines pratiques pointées du doigt : selon Georges Fenech, le phénomène s'infiltre partout, « jusque sur les bancs de l'Assemblée nationale où un groupe de méditation a été mis en place en décembre 2017 », dénonce l'ancien président de la Miviludes, qui s'émeut même que l'hôpital soit aussi investi par des pratiques qu'il qualifie de « charlatanisme ». Celui qui décrit un « scandale d'Etat », s'inquiète du sort de l'instance qu'il a présidée. Plusieurs signaux lui font craindre le pire : « celui qui m'a remplacé, Serge Blisko, parti à la retraite en 2018, n'a pas été remplacé. Ensuite, au premier janvier de cette année, la Miviludes a été transférée au ministère de l'Intérieur alors qu'elle avait toujours été placée sous l'autorité du Premier ministre ce qui lui conférait une dimension interministérielle », détaille Georges Fenech. Il craint ainsi que la vision transversale autrefois permise par le rattachement de la Miviludes à Matignon n'isolent les ministères compétents (Santé, Travail, Education, etc.) dans leur lutte contre les dérives sectaires. Dernièrement, en plein mois de juillet, les membres de la Miviludes ont même déménagé, placé sous l'autorité du secrétaire général du comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).
Une mise au placard que ne comprend pas l'ancien député : « il y certes une notion commune qui est celle de l'enrôlement mais les problématiques ne sont pas les mêmes » plaide-t-il. Il avait pourtant appelé de ses vœux un rapprochement de la Miviludes et du CIPDR lorsqu'il était lui-même président auprès de Manuel Valls alors Premier ministre. « La Miviludes est parfaitement adaptée pour traiter des phénomènes de radicalisation ; il aurait été plus logique de tout lui confier plutôt que de l'intégrer au sein du CIPD dont la vocation originelle est la prévention de la délinquance et auquel on a ajouté récemment le R de radicalisation. C'est d'autant plus incohérent que la Miviludes s'occupe de ruptures familiales, professionnelles et de soin, ce qui n'est pas la vocation du CIPDR ». Et aujourd'hui, avec le déménagement, que vont devenir les nombreuses archives qu'il consultait régulièrement pour instruire ses dossiers ? « Lorsque je présidais la Miviludes, nous réunissions des responsables de chaque ministère, il existait un maillage territorial important pour que chaque victime puisse trouver un interlocuteur où il le fallait. Aujourd'hui, les victimes savent-elles seulement où s'adresser », s'alerte-t-il ?
Place Beauvau, on se veut rassurant : « les missions de la Miviludes restent inchangées, tout comme les méthodes et l'organisation de la mission, tempère Anne Josso, responsable de la mission au ministère de l'Intérieur. Le rapprochement avec le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, déjà engagé depuis plusieurs mois, et qui va se traduire par le déménagement de la Miviludes dans des locaux communs d'ici quelques semaines, n'a pas d'incidence sur les effectifs et le travail des conseillers. Le secrétaire général du CIPDR, qui a pris récemment les fonctions de directeur de cabinet de Madame la ministre Déléguée, chargée de la Citoyenneté (Marlène Schiappa, NDLR), laquelle a en charge la question des dérives sectaires, a souhaité donner une impulsion nouvelle dans la conduite de l'action publique préventive et répressive à l'encontre du phénomène sectaire. Selon Anne Josso, dans les mois qui viennent « plusieurs initiatives devraient marquer l'engagement du gouvernement sur un sujet qui est bien pris en compte dans toutes ses dimensions. En effet, les problèmes liés aux cultes et à la radicalisation n'occultent pas le phénomène sectaire et les autres formes de radicalités dangereuses, dans le domaine de la santé notamment ». Elle affirme que « la coordination interministérielle et la coopération avec les autorités de santé ou avec les conseils de l'ordre se poursuivent ». Les usagers ne sont pas oubliés puisqu'un site dédié leur est toujours accessible pour déposer un signalement ou adresser des questionnements. Reste que pour Georges Fenech, il ne faut pas baisser la garde car si la Miviludes a fait ses preuves, c'est qu'elle disposait de moyens dont elle a plus que jamais besoin.