Objectif Soins n° 277 du 01/10/2020

 

Actualités

Anne Lise Favier  

Société

Depuis le début de la crise sanitaire, et avec l'avènement des réseaux sociaux, les théories du complot pullulent autant que les avis de tout un chacun sur la situation sanitaire. Au point de faire naître des défiances à l'égard des institutions. Exemple avec les anti-masques.

« Les masques ne sont pas utiles, pire ils nous asphyxient », « l'épidémie n'a jamais existé », « l'Etat ne veut pas reconnaître l'hydrochloroquine comme traitement car ce n'est pas un traitement rentable pour les laboratoires » : voici en substance le ton des théories complotistes qui défient chaque jour les décisions gouvernementales. Une étude menée début septembre par la fondation Jean-Jaurès (1) a cherché à en savoir plus sur les anti-masques. Antoine Bristielle, chercheur en sociologie pour la fondation, s'est infiltré dans les groupes Facebook pour tenter d'en savoir un peu plus en utilisant une méthodologie permettant d'avoir un échantillon représentatif de cette frange de la population. Grâce à cette étude, il a déterminé les quatre principales raisons de la défiance envers ce dispositif de protection. Le masque serait tout d'abord « inutile car il ne filtre pas », la preuve ultime en a été faite, selon eux, par le Gilet jaune Maxime Nicolle qui a laissé passer la fumée de cigarettes à travers un masque, ce qui prouverait l'absence de filtration. Deuxième raison avancée, le masque serait « dangereux car il entraînerait une oxygénation insuffisante et serait un véritable nid à microbes ». Selon les anti-masques, la troisième raison est que le masque ne serait tout simplement pas utile car «  l'épidémie serait terminée, voire n'aurait jamais réellement existé ». Dernier point, le masque constituerait une privation de liberté dans le but d'asservir la population et agirait comme une « muselière » et serait « annonciateur de la mise en place d'un nouvel ordre mondial sans liberté », explique Antoine Bristelle.

Portrait-robot

« Si ces raisons se heurtent à l'ensemble des faits scientifiques, ils en disent néanmoins beaucoup sur le profil des individus qui les développent : défiance institutionnelle, refus des contraintes, croyance dans les thèses complotistes », résume l'auteur de l'étude qui explique que « la confiance dans les institutions a atteint chez ces individus un vide abyssal ». Il en dresse un portrait-type : « les femmes sont sur-représentées à près de 63 %, l'âge de ces individus est relativement élevé avec une moyenne de 50 ans et leur niveau d'éducation est assez haut, avec en moyenne un bac+2 ; les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent 36 % des anti-masques alors que leur poids n'est que de 18 % dans la population française. Les ouvriers et employés ne représentent que 23 % des anti-masques ». Il n'y a pas de réelle convergence entre les Gilets jaunes et les anti-masques même s'ils ont pour point commun de rejeter les institutions et leurs décisions. Un phénomène qui s'accentue avec la viralité des réseaux sociaux et qui inquiète le chercheur qui conclut que cela montre « la fragilité de nos démocraties » et qu'il faut s'attendre à d'autres mouvements de la même nature : selon son étude, 94 % des anti-masques affirment « qu'ils refuseront de se faire vacciner contre la Covid-19 le jour où un vaccin sera disponible ».

(1) C'est une fondation politique proche du parti socialiste dont l'une des missions est de promouvoir les idéaux démocratiques et humanistes par le débat d'idées.