Sabine Valera, une infirmière de réa Présidente de la Fédération nationale des infirmiers de réanimation (FNIR) - Objectif Soins & Management n° 277 du 01/10/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 277 du 01/10/2020

 

Actualités

Claire Pourprix  

Portrait

Venue à la profession d'infirmière alors qu'elle était âgée d'une trentaine d'années, Sabine Valera a découvert la réanimation en stage... pour ne plus la quitter. Un parcours professionnel animé par la passion du travail en équipe et la transmission aux jeunes générations. Avec la création de la FNIR, elle milite pour une formation spécifique aux infirmiers de réanimation afin de mieux les armer pour pratiquer ce métier complexe.

Diplômée d'un BTS de tourisme, Sabine Valera s'est tout d'abord investie dans la direction de centres de vacances itinérants pour les adolescents, à vocation solidaire. Bénévole pour les Restos du cœur et Médecins Sans Frontières à Marseille, elle a ressenti le besoin de se former pour s'investir plus pleinement dans des missions humanitaires. Elle choisit alors la formation d'infirmière avec cette idée en tête : intégrer Médecins du Monde ou Médecins Sans Frontières pour partir en mission et apporter son aide à des populations touchées par la misère. Mais un stage en réanimation à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille, au sein du service de réanimation médicale, détresses respiratoires et infections sévères de l'Hôpital Nord, dirigé par le Pr Laurent Papazian, en décide autrement.

« À l'époque le service travaillait déjà sur des projets dans la prise en charge globale du patient et de ses proches, ce qui était très novateur. J'ai tout de suite été séduite par le service et ses projets et j'y suis restée ! », se souvient-elle.

Infirmière, formatrice et chercheuse

Cela fait maintenant 17 ans que Sabine Valera est infirmière de réa. Si elle ne souhaite pas évoluer vers un poste d'encadrement, trop attachée à la relation au patient et aux familles, elle a développé plusieurs compétences complémentaires. « Très intéressée par la transmission, j'ai rapidement intégré le pool de formateurs du service. Le turnover dans notre profession étant important, nous cherchons à développer des outils permettant d'acquérir rapidement des compétences, tout en étant très pédagogue. » Elle partage son temps de travail entre les soins et la recherche infirmière, notamment sur le thème de la formation. « Je suis porteuse d'un projet de notre équipe destiné à valider l'hypothèse suivante : une formation à la prise en soins des patients en fin de vie et de leurs proches réduirait l'épuisement professionnel, le turnover des soignants et le syndrome post-traumatique des familles à 6 mois. »

Le projet, reporté à cause de la covid, se révèle pourtant particulièrement d'actualité. « L'essentiel de mes collègues en réa sont de jeunes professionnels, qui ne restent pas longtemps en réanimation. Leur quotidien est très violent. Et la covid a renforcé encore cette charge mentale : démarrer sa carrière avec des toilettes mortuaires, prendre en charge les patients graves non-stop, c'est forcément très marquant et cela a un impact sur le moral des équipes. Est-ce que le turnover va s'accentuer avec la covid ? Je ne sais pas, mais l'urgence d'une meilleure formation des soignants en réanimation est une évidence. »

Développer une formation spécifique à la réa

Engagée depuis plus de 10 ans au sein de la Société de réanimation de langue française (SRLF), Sabine Valera est notamment impliquée dans la commission qui coordonne et organise les formations au niveau national. « Nous avons monté un groupe de travail qui a créé un module de e-learning, baptisé FIER pour « Formation Infirmier En Réanimation », allant de l'accueil d'un patient de réa aux techniques les plus pointues comme la circulation extracorporelle. Elle se déroule en deux volets, au rythme de 3 diaporamas par semaine, pendant 12 à 14 semaines, et se termine par une attestation FIER remise en séance présentielle afin de favoriser les échanges entre pairs. « Cette formation, gratuite pour les adhérents de la SRLF, a recueilli un vif succès puisque pas moins de 1 800 infirmiers, jeunes ou plus aguerris, ont été formés en 2 ans », souligne-t-elle.

« Avec la crise de la covid, les outils d'apprentissage mis à disposition en ligne par la SRLF, notamment pour la prise en charge de la détresse respiratoire, ont été très consultés. L'arrivée de nombreux soignants en renfort, non formés à la réanimation, a accentué la nécessité de développer une formation spécifique des infirmiers de réanimation. C'est autour de cette idée que s'est construite la FNIR, la Fédération nationale des infirmiers de réanimation. L'enjeu est de fédérer les professionnels pour devenir une spécialité à part entière, avec une formation dédiée », explique sa présidente. À ce jour, un infirmier de réanimation a une formation en soins généraux et se spécialise sur le terrain, en fonction du service où il travaille. « Le turnover est tellement important dans notre profession que nous manquons d'experts. Nous pensons qu'un minimum de 50 % de soignants qualifiés est indispensable à un service pour assurer la sécurité des patients et des soignants. Il faut donc créer une formation diplômante et la faire valider par les tutelles. »

Créée mi-juin en urgence pour participer au Ségur de la santé, la FNIR est soutenue par les associations de réanimation telles que la SRLF, la Société française d'anesthésie et de réanimation (SFAR), le Groupe francophone d'urgence pédiatrique (GFRUP), la Société française des infirmiers de soins intensifs (SFISI), le Collège inter régional des réanimateurs du Nord Est (CIRNE), le Conseil national professionnel de médecine intensive réanimation (CNP-MIR), l'Association Infirmier en réanimation diplômé d'État (IREADE) et le groupe Infirmiers de réanimation.

« Nous ne sommes surtout pas un syndicat, précise Sabine Valera, chacun son métier ! Notre ambition est de remotiver les équipes en les dotant des compétences nécessaires à leur pratique, car c'est ce qui leur permettra de tenir dans le quotidien difficile de la réa. »