Grève des cadres au CHU de Nantes - Objectif Soins & Management n° 278 du 01/12/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 278 du 01/12/2020

 

Actualités

Adrien Renaud  

Social

Le 13 novembre dernier, les cadres de santé du CHU de Nantes étaient en grève à l'appel du syndicat Acteurs santé CFE-CGC. Une mobilisation rarissime qui aimerait faire des émules.

Un mouvement social de cadres de santé, cela n'arrive pas tous les jours. C'est pourtant ce qui s'est passé le 13 novembre dernier au CHU de Nantes : à l'initiative du syndicat Acteurs santé CFE-CGC, tous les membres du personnel d'encadrement étaient appelés à se mettre en grève pour crier leur désarroi face à la gestion de l'absentéisme dans les services, qui les met souvent en porte-à-faux avec leurs valeurs professionnelles.

« Au CHU de Nantes, nous avons 9 500 agents non-médicaux, et entre 900 et 1 000 sont absents tous les jours, explique Jacqueline Le Pennec, co-responsable du syndicat dans l'établissement. Et qui se retrouve à devoir trouver des solutions au quotidien pour avoir le bon nombre d'infirmières, le bon nombre d'aides-soignantes, pour rappeler les agents ? Ce sont les cadres. Certaines collègues passent 80 % de leur temps à gérer les plannings, or on n'a pas fait cadre pour faire ça. Nous sommes épuisées car c'est nous qui nous retrouvons à mettre en œuvre la politique de l'établissement et à être maltraitantes avec nos équipes. »

Du côté de l'administration pourtant, on assure que des solutions sont sur la table face au problème de l'absentéisme. Contactée par Objectifs Soins & Management, la direction du CHU de Nantes cite « des actions portant sur la qualité de vie au travail (prévention des troubles musculosquelettiques, prévention des risques psycho-sociaux...) », mais aussi des recrutements. « Plus de 100 emplois ont été créés en 2019 », indique l'établissement, qui avance par ailleurs « un taux de remplacement en moyenne de 66 % avec des remplacements à hauteur 100 % sur certains postes (infirmier de nuit, secteurs normés, par exemple) ».

Le dialogue social mis en cause

Mais pour les cadres d'Acteurs santé CFE-CGC, ces arguments ne tiennent pas. « Bien sûr qu'ils remplacent les infirmières de nuit, ils n'ont pas le choix, c'est la loi, s'emporte Jacqueline Le Pennec. D'ailleurs, on ne dit pas qu'ils ne font rien, on dit qu'ils ne nous écoutent pas. » Et c'est justement ce manque de dialogue social entre l'encadrement et la direction qui justifie le mouvement social des cadres. « C'est pour retrouver notre place, et pour pouvoir parler d'égal à égal avec la direction, que nous avons créé ce syndicat », poursuit-elle.

Reste à savoir si le mouvement du 13 novembre a été assez puissant pour remettre la communication en route. D'après la direction, le taux de mobilisation n'a été que de 10,3 %. Un chiffre qu'Acteurs santé CFE-CGC conteste, assurant que si on ne compte que les cadres de santé, et non pas l'ensemble du personnel d'encadrement, le taux de mobilisation est de 39 %. Mais, querelle de chiffres mise à part, la direction assure qu'elle « est consciente de la complexité de la fonction cadre », qui tient notamment « aux tensions sur certains métiers avec peu de professionnels disponibles sur le marché du travail (aide soignants, manipulateurs en électroradiologie, masseurs kinésithérapeutes...) », ainsi qu'au « contexte sanitaire actuel » qui « accentue ce ressenti et rend leur exercice quotidien éprouvant ».

La politique du groupe de travail

Et le CHU de Nantes souligne que loin de nier ces difficultés, il a « lancé une réflexion sur les conditions de vie au travail de l'encadrement de santé », à laquelle « 50 % des cadres de santé ont répondu » et qui doit servir de base à « un travail sur des thématiques ciblées » pour « identifier des actions concrètes È court et moyen termes ». Une initiative qui fait sourire Jacqueline Le Pennec. « Dès qu'on évoque des problèmes, on nous répond par un groupe de travail, comme si les difficultés qu'on rapporte n'étaient pas la réalité du terrain, soupire-t-elle. Cela fait deux ans que nous réclamons un véritable projet managérial, avec une réflexion sur le temps de travail des cadres : cela ne peut plus durer, on a une vie privée ! »

Car, la militante l'admet, la question de l'absentéisme n'est que l'arbre qui cache la forêt, et ce sont les conditions de travail des cadres dans leur ensemble que son organisation a voulu dénoncer en appelant à la grève. Elle estime d'ailleurs que ces difficultés ne sont pas spécifiquement nantaises, et que le mouvement peut prendre ailleurs. « Nous sommes en contact avec de nombreuses autres cadres dans d'autres établissements qui vivent la même chose que nous », prévient-elle. Cadres de tous les hôpitaux, unissez-vous !