Les scientifiques et médecins sont apparus sur le devant de la scène depuis le début de la crise sanitaire, avec parfois des avis discordants. L'hypermédiatisation de ces experts a-t-elle entrainé une défiance préjudiciable à une bonne gestion de la pandémie ?
« L'usage du masque en population générale n'est pas recommandé et n'est pas utile ». La phrase, prononcée par le ministre de la Santé au début de la crise sanitaire tourne encore dans toutes les têtes et est même raillée dans certaines émissions comme étant celle d'un mensonge des autorités sanitaires. Elle est à la base issue d'une recommandation des experts de l'Organisation mondiale de la santé qui connaissent encore mal le virus au printemps 2020 et qui craignent que les porteurs de masques, en ne les utilisant pas correctement, se croient faussement protégés. Sans compter que les stocks français d'alors ne sont pas suffisants si l'on doit en distribuer à la population : il faut donc réserver les masques aux seuls soignants. Peu à peu, les connaissances sur le virus évoluent et avec elles, la doctrine concernant les gestes barrières. D'inutile, le masque est devenu l'outil le plus prisé dans la lutte contre la pandémie. Las, pour certains, le masque demeure une muselière qu'ils refusent de porter. Cet exemple montre à quel point vivre en temps réel une pandémie à l'heure de l'hypermédiatisation, où toute information circule très vite, présente un risque : produire des informations contradictoires qui brisent la confiance et induisent la défiance. Comment dès lors comprendre les tenants et les aboutissants d'une crise qui n'en finit plus d'apporter son cortège de questions : en faisant appel à des experts, qui se sont multipliés dans les médias. Matinale radio, plateau télé, interview pleine page dans les grands médias nationaux, infectiologues, épidémiologistes, biostatisticiens, réanimateurs, virologues, tous se sont exprimés sur un aspect de la crise. Avec des figures médiatiques qui ont déchainé les passions à l'image du Pr Didier Raoult, qui déclare la « fin de partie » pour le virus en brandissant l'hydroxychloroquine comme le remède miracle de cette nouvelle maladie qu'est la Covid-19.
Certains ont depuis fait amende honorable et reconnu qu'ils se sont trompés au début de la crise sanitaire, qualifiant la Covid de « grippette » ou affirmant même à une époque que la France ne craignait rien, plus organisée qu'elle était que l'Italie qui confinait sa population. Une tournure impensable pour de nombreux experts qui ont vécu comme tout le monde la crise en temps réel. Le tout accompagné d'une pression des médias qui leur demandaient bien souvent une réponse tranchée : blanc ou noir, alors que le discours scientifique est bien souvent nuancé d'un camaïeu de gris. Toute la difficulté, pour les experts étant de réussir à communiquer, d'apporter une réponse claire et précise, sans affoler, mais aussi sans minimiser les choses. Avec parfois la sensation que certains avis vont à l'encontre d'autres. Un véritable exercice d'équilibriste auquel les médecins et scientifiques ne sont pas tous habitués. Mais le propre de la science et du discours scientifique est d'avancer dans le doute, une attitude toutefois difficile à appréhender pour le grand public et même certains professionnels de santé qui attendent les avis d'experts pour mettre en place certains protocoles. Aujourd'hui, les combats de spécialistes continuent : y-aura-t-il une quatrième vague ? Les vaccins à ARN sont-ils dangereux? Faut-il vacciner obligatoirement ? Les débats restent nombreux et avec eux, le cortège des spécialistes qui se suivent et dont les discours ne se ressemblent pas. Comment, dès lors, restaurer la confiance ? En expliquant sans relâche et sans faille, en reconnaissant son ignorance lorsqu'on ne sait pas, mais en argumentant.
Et peut-être envisager qu'un minimum de culture scientifique permettrait à la population de faire preuve d'un peu de recul pour éviter aux théories complotistes d'émerger en lieu et place des connaissances évolutives sur un sujet donné.