Dix futurs infirmiers d’un Ifsi du Val-de-Marne ont donné fin juin dernier une représentation publique d’une pièce de théâtre. Le projet visait à aider ces étudiants en difficulté dans des domaines comme la lecture, l’expression orale, ou le positionnement.
Certains étudiants infirmiers de l’Ifsi Paul-Guiraud de Villejuif, dans le Val-de-Marne, ont vécu une expérience particulière à la fin du deuxième semestre de leur cursus. En plus des unités d’enseignement classiques que sont la thérapeutique, les soins d’urgence ou encore la santé publique, ils se sont en effet attelés à l’apprentissage d’une nouvelle matière : le théâtre. Accompagnés de leurs enseignants, ils ont donné le 30 juin 2021, sur la scène de la Maison pour Tous Gérard-Philippe de Villejuif, une lecture publique d’Anissa/Fragments, une pièce de l’autrice dramatique Céline Bernard qui relate la mobilisation de lycéens pour soutenir l’une de leurs camarades, menacée d’expulsion car subitement jugée en situation irrégulière sur le territoire français. Une véritable gageure pour ces apprentis soignants qui avaient été ciblés justement parce qu’ils se trouvaient en difficulté dans leurs apprentissages.
Un soutien pour les étudiants en difficulté
« Certains étudiants rencontrent de grosses problématiques, ne serait-ce qu’en termes de lecture ou d’écriture, explique Yannick Moszyk, cadre de santé formateur à l’Ifsi Paul-Guiraud et cheville ouvrière de ce projet. Il faut trouver un moyen pour les accrocher, et mon expérience, c’est que la culture, ça marche. » Le théâtre lui semble justement un bon moyen « d’accrocher » les étudiants en difficulté : incarner un rôle, tenir une posture, maîtriser son expression sont autant de compétences qui s’avèrent aussi utiles quand on monte sur une scène que quand on entre dans la chambre d’un patient. Quand il rencontre des membres de l’association « Les Scènes Appartagées », qui cherche à diffuser le théâtre contemporain en permettant à des familles d’accueillir chez elles un artiste dramatique et de travailler avec lui une œuvre qu’elles lisent devant leurs proches, il comprend tout le bénéfice que pourraient en tirer ses étudiants.
« Nous avons sélectionné les 10 qui se trouvaient le plus en difficulté », précise Yannick Moszyk. Un choix que l’enseignant justifie par la nécessité de travailler de manière plus approfondie avec ces élèves sur des éléments qui peuvent paraître comme des prérequis à l’entrée en Ifsi, mais qui sont en réalité loin d’être acquis pour tous les étudiants de première année. « Il faut savoir que certains des étudiants qui arrivent en première année ont de gros problèmes de logique, de vocabulaire, voire de lecture », souligne le formateur. La volonté de l’Ifsi était également de travailler sur le positionnement. « Nous avons essayé de construire un groupe pour qu’ils apprennent à s’écouter, à se faire confiance, à se mettre à la place de l’autre, poursuit-il. S’ils ont des difficultés en termes de positionnement maintenant, ils en auront avec les patients plus tard. »
Des transformations visibles
Pendant plusieurs semaines, les élèves et leurs enseignants ont donc travaillé le texte d’Anissa/Fragments avec la metteuse en scène Karima El Kharraze. « J’ai été très impressionnée par la manière dont ces étudiants, qui n’étaient pas volontaires au départ, se sont impliqués lors des répétitions », relate l’artiste. De fait, lors de la lecture publique sur la scène de la Maison pour Tous Gérard-Philippe, le sérieux et l’engagement des apprentis acteurs était visible… et, surtout, la joie et la fierté d’avoir accompli un tel travail ensemble pouvait se lire sur les visages.
Le plus important, pour les enseignants, est certainement d’avoir vu certaines transformations s’opérer chez les étudiants. « Dès les premières répétitions, on a vu une amélioration dans la posture, la confiance en soi de certains d’entre eux, se souvient Marie Domingues, autre cadre de santé formatrice qui a participé au projet. Certains, qui étaient extrêmement introvertis, ont rapidement osé parler sans restriction. »
Les étudiants semblent eux aussi avoir cerné les bénéfices qu’ils pouvaient retirer de l’expérience. « Je ne pense pas que cela me sera très utile en deuxième année à l’Ifsi, en revanche, je pense que cette expérience me servira plus tard, dans le cadre de mon métier », confiait l’une des membres du groupe en descendant de scène. Il n’y a plus qu’à espérer que d’autres Ifsi pourront, à l’avenir, bénéficier des bienfaits des « Scènes Appartagées ».