OBJECTIF SOINS n° 0282 du 02/09/2021

 

Covid-19

ACTUALITÉS

Anne-Lise Favier  

Le 12 juillet dernier, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé ce qui commençait à se susurrer dans les couloirs des établissements de soins : « La vaccination sera rendue obligatoire pour les personnels soignants et non-soignants des hôpitaux, des cliniques, des maisons de retraite, des établissements pour personnes en situation de handicap, pour tous les professionnels ou bénévoles qui travaillent au contact des personnes âgées ou fragiles, y compris à domicile ». Une décision entérinée par le Conseil constitutionnel qui a voté le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, rendant ainsi l’obligation effective à compter du 15 septembre.

Dans les faits, ce délai court jusqu’au 15 octobre pour les soignants retardataires ayant déjà entrepris un schéma vaccinal, mais qui n’auraientt pas encore reçu les deux doses : dans ce cas, il leur sera possible, entre le 15 septembre et le 15 octobre, de continuer à exercer à condition de présenter à leur employeur ou à l’ARS un justificatif de schéma vaccinal en cours et un test virologique négatif de moins de 72 heures. 

Atteindre le plus grand nombre

Dans les rangs des soignants, la mesure divise : « Nous avons été en première ligne, toujours disponible, obligés de travailler même si nous avions la Covid-19, et maintenant, on nous oblige à nous vacciner. Je ne suis pas contre la vaccination en tant que telle, mais cette obligation me rend dingue. Nous sommes responsables et à même de faire un choix éclairé », explique Sandra, infirmière vaccinée, mais contre l’idée d’une obligation. De son côté, Marylise, cadre de santé, estime que cette obligation va dans le bon sens : « En tant que soignants, nous sommes au contact de population fragile. Dans notre métier, nous avons déjà une obligation vaccinale pour certains vaccins, il est normal que celui contre la Covid-19 en fasse partie. Nous ne pouvons plus dire qu’il faut vacciner en priorité les plus fragiles, maintenant, il y a assez de doses pour tous ».

D’après une étude de Santé publique France publiée mi-août, la vaccination des soignants dans les établissements de santé est en marche : 70,1% d’entre eux sont pleinement vaccinés, et 81,3% ont reçu au moins une dose, avec un coup d’accélérateur impulsé par l’annonce présidentielle. Parmi les plus vaccinés figurent les médecins puis les infirmières et dans une moindre proportion les aides-soignants, et ce, d’autant que la population est jeune (élève infirmier, interne), ce qui n’est que le reflet global d’une plus faible couverture vaccinale chez les moins de 30 ans.

D’ici peu, l’obligation vaccinale sera donc effective. Elle fait craindre chez certains des désertions de postes : « Avec la crise sanitaire, certains soignants ont rendu leurs blouses, las de ne plus pouvoir poser de congés, de travailler sans masque, sans protection au tout début de la crise, et on peine parfois à recruter. Alors si en plus on les oblige à se vacciner, je crains que ça ne soit la goutte d’eau… », témoigne Mireille, cadre dans un hôpital public. D’autres sont plus optimistes : « Les soignants sont responsables et beaucoup d’entre nous ont souhaité se faire vacciner dès que cela a été possible. Pour les plus réticents d’entre nous, on voit que ça avance et nous sommes de plus en plus nombreux à franchir le pas. Les équipes sont solidaires entre elles et sans pression, les non-vaccinés finissent par céder pour pouvoir être présents dans les équipes », assure Isabelle, infirmière de nuit.

Et pour celles et ceux qui ne voudraient pas du vaccin ? L'argument de l’absence de connaissances suffisantes autour de l’injection en agace plus d’un, mais c’est pourtant le frein principal : « Dans le doute, je préfère préserver ma santé plutôt que de me faire injecter ce vaccin que je ne connais pas », explique Fabrice, qui compte rendre sa blouse d’aide-soignant.

Suspension de travail, de salaire et droit aux congés

Qu’adviendra-t-il dès lors du personnel qui se sera pas vacciné au 15 septembre ? « Si vous êtes soignant et que vous n'êtes pas vacciné, vous ne pourrez plus travailler et vous ne serez plus payé », avait asséné le ministre de la Santé Olivier Véran. Le Conseil constitutionnel a précisé que tout agent qui n’aurait pas satisfait à l’obligation vaccinale serait suspendu, avec une interruption de versement de la rémunération sauf si l’agent dispose encore de congés payés. En revanche, certains droits comme celui des congés, de l’ancienneté, de l’avancement, ne seront pas comptabilisés durant le temps de suspension, suspension qui serait levée une fois que le schéma vaccinal serait satisfait.

Cette vaccination obligatoire était devenue incontournable pour les principales fédérations à l’image du Synerpa (syndicat des Ehpad), qui estime que « L'obligation vaccinale s'imposait  aujourd'hui pour ne pas perdre le fruit de tous nos efforts des derniers mois et continuer à protéger les plus fragiles contre le virus du Covid-19 et ses variants ». Au CHU de Lille, où 93,5 % du personnel est vacciné, l’heure est à la pédagogie : « Notre objectif n’est pas d’être dans une logique répressive puisque l’on a besoin de tout notre personnel, nous communiquons donc pour atteindre l’adhésion des plus réticents, détaille Audrenn Asselineau, DRH adjointe. « Et puis, nous avons la chance d’avoir obtenu dès le départ une très bonne adhésion à la vaccination : avant les annonces présidentielles, nous étions déjà à 75% de personnes vaccinées et nous poursuivons à un rythme soutenu pour atteindre le plus grand nombre d’agents », ajoute le Pr Annie Sobaszek, responsable du service de médecine au travail du CHRU.

Une adhésion qui prend forme

Dans certains services, comme les urgences ou la réanimation, la couverture vaccinale a atteint les 100 %. « Ce sont dans les services techniques où il y a plus de questions face à la vaccination, car le personnel n’est pas forcément dans le domaine du soin. Nous leur proposons donc des rencontres avec le corps médical pour lever les interrogations », ajoute la responsable des ressources humaines. Quant aux plus réticents, peu nombreux, le Pr Sobaszek avoue ne pas avoir trouvé la recette miracle pour les convaincre, mais il y en aura peu, elle en est convaincue. Les vérifications de l’obligation vaccinale menées dans les services finissent de les convaincre. Et pour ceux qui voudraient jouer la contre-indication médicale délivrée par leur médecin traitant, ils ont réorientés vers un allergologue ou un spécialiste pour vérifier qu’il s’agit d’une contre-indication formelle. Impossible, dès lors, de passer à travers les mailles du filet sanitaire. Cette obligation vaccinale permet aussi à tous les personnels du CHU de satisfaire à l’obligation du passe sanitaire dans leur vie personnelle. Peut-être une occasion supplémentaire, s’il en fallait, de s’y prêter de bonne grâce ?