OBJECTIF SOINS n° 0283 du 14/10/2021

 

Santé mentale

ACTUALITÉS

Anne Lise Favier  

Les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie comme le sommet « Mind our rights, now ! » viennent de mettre en lumière un sujet parfois relégué au second plan. Et la « vague psychiatrique » alimentée par les bouleversements liés à la pandémie souligne la nécessité de la volonté et des moyens.

Lors des Assises de la santé mentale, tenues fin septembre mais préparées depuis le printemps par une mobilisation collective, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a répété « cette évidence que la santé mentale est un enjeu majeur de santé publique qui appelle une mobilisation collective ». Il a d’ailleurs rappelé que 250 millions d’euros avaient déjà été mobilisés, sur trois ans, pour renforcer l’offre psychiatrique, auxquels s’ajoutera 1,9 milliard sur cinq ans (sur la période 2022-2026). Pour aller plus loin, il a annoncé certaines pistes de progrès. Notamment la prévention de la souffrance psychique, avec la mise en place d’outils de repérage et d’alerte tels que le programme « Premiers secours en santé mentale », dispositif né en Australie en 2001, qui devrait être déployé dans 16 universités d’ici la fin de l’année avec un objectif de formation de plus de 5 000 secouristes. Mais aussi une dynamique interministérielle pour une meilleure appropriation du sujet dans tous ses aspects et surtout sans tabou, avec une prise en compte dans le domaine de la santé au travail. C’est sur le sujet de l’attractivité de la psychiatrie qu’Olivier Véran s’est montré le plus inquiet : « Cette discipline historique et noble ne mérite pas le désintérêt qu’elle semble aujourd’hui susciter chez les jeunes médecins, comme le choix des internes ces dernières années paraît hélas le confirmer ». À cet égard, 20 postes de chefs de cliniques assistants en psychiatrie de l’enfant et dans le champ de l’autisme seront créés.

Des IPA en renfort

Par ailleurs, le ministre de la Santé souhaite augmenter le nombre d’infirmiers en pratique avancée (IPA) en psychiatrie et santé mentale. Trois leviers seront mis en place pour promouvoir ces IPA : approfondir la part de l’addictologie dans leur domaine d’intervention, augmenter les places dédiées à la mention psychiatrie dans les universités et amplifier le financement de la formation professionnelle des IDE vers la fonction d’IPA. Enfin, Olivier Véran a annoncé le déploiement de la recherche dans le domaine de la psychiatrie et le renfort du numérique pour créer de nouveaux modes de prise en charge. Des mesures appuyées par une clôture des Assises par le président de la République, Emmanuel Macron, qui a annoncé le remboursement des consultations des psychologues libéraux (à hauteur de 40 euros pour la première séance, 30 pour les suivantes) et la création de 800 postes en centres médico-psychologiques. Cette visite du chef de l’État a été saluée par les professionnels de la psychiatrie. La fédération Santé mentale France a toutefois regretté que les projets territoriaux de santé mentale n’aient pas reçu la valorisation qu’ils méritaient et que « le discours présidentiel ait insuffisamment abordé toutes les composantes d’une authentique politique de santé mentale », à savoir les leviers sociaux.

Faire progresser les droits

Ces Assises ont permis à la France d’embrayer sur la tenue les 5 et 6 octobre* du 3e Sommet mondial sur la santé mentale (Mind our rights, now !) sur le thème des droits en la matière. Ainsi, argue Franck Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, si la santé mentale est indissociable de la santé globale, ce Sommet aura « fait progresser l’idée que le respect des droits est autant un moyen qu’une fin, un levier pour conduire le changement ». Sophie Cluzel, secrétaire d’État des Personnes handicapées, en conclusion de ce Sommet, a insisté sur le fait que celui-ci devait « permettre à toute personne en situation de souffrance psychique l’accès effectif à une offre de soins respectueuse de la dignité et du droit de la personne » en application du droit international, « dans une société plus inclusive qui accepte l’altérité ».

Un vœu pieux si on se rappelle que, quelques jours avant les Assises de la psychiatrie et ce Sommet, une centaine de soignants de psychiatrie avaient dénoncé dans une tribune publiée dans la presse (Le Parisien - Aujourd’hui en France) l’inflation des contentions physiques et des isolements psychiatriques qui redoublent et aggravent les isolements psychiques et sociaux des personnes déjà fragilisées. Plusieurs fois dénoncées dans des rapports, pointées du doigt par le Conseil constitutionnel, ces pratiques devraient faire l’objet d’un débat national car « sans volonté politique d’envergure et sans une obligation de moyens pour les hôpitaux psychiatriques visant à enrayer ce phénomène délétère, les sangles continueront de se resserrer et les portes de se fermer sur nos concitoyens », concluaient les signataires de cette tribune.

Une hausse inquiétante

Deux études récentes de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) pointent une forte augmentation, en 2020, des problèmes de santé mentale, entre mai et novembre, avec une forte prévalence chez les plus jeunes et particulièrement chez les femmes. Si cette tendance s’est aujourd’hui stabilisée, elle reste néanmoins au-dessus des chiffres de 2019, puisque 70% des généralistes déclarent que leur activité dédiée à la santé mentale reste supérieure à celle d’avant la crise. En France, un Français sur cinq est touché chaque année par un trouble psychique, soit 13 millions de personnes. Avec 23 milliards d’euros par an, les dépenses au titre de la souffrance psychique et des maladies psychiatriques sont le premier poste de dépenses de l’Assurance maladie.

  • *Pour rappel, après Londres en 2018 et Amsterdam en 2019, Paris devait accueillir l’événement en 2020.