PRATIQUE PROFESSIONNELLE
DROIT
Avocat à la cour de Lyon
Extension de l’obligation vaccinale, respect des délais de convocation en vue de l’exclusion d’un étudiant, faute infirmière, discipline, retraite anticipée, rejet de maladie professionnelle… Exposés et commentaires de quelques décisions.
La loi du 5 août 2021 prévoyant l’obligation vaccinale contre le Covid-19 vise largement tous les professionnels de santé, et s’applique aux agents territoriaux affectés dans les établissements de la petite enfance d’une commune (Conseil d’État, Juge des référés, 25 octobre 2021, no 457230).
En raison de l’amélioration progressive de la situation sanitaire, les mesures de santé publique destinées à prévenir la circulation du virus du Covid-19 prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ont été remplacées, après l’expiration de celui-ci le 1er juin 2021, par celles de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Mais après une diminution de l’épidémie, la situation sanitaire, à partir du mois de juin 2021, s’est dégradée du fait de la diffusion croissante du variant Delta qui présente une transmissibilité augmentée de 60 % par rapport au variant Alpha, avec une sévérité au moins aussi importante. Au 21 juillet 2021, le taux d’incidence était de 98,2 pour 100 000 habitants, soit une augmentation de 143 % par rapport à la semaine du 5 au 11 juillet alors que les admissions en service de soins critiques augmentaient de 76 %. Au regard de cette évolution de la situation épidémiologique et alors que la couverture vaccinale de la population, au 20 juillet 2021, n’était que de 46,4 %, soit un taux insuffisant pour conduire à un reflux durable de l’épidémie, la loi du 31 mai 2021 a été modifiée et complétée par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Ses articles 12 à 19 ont institué une obligation de vaccination pour un certain nombre de professionnels.
Par deux notes des 20 et 25 août 2021, la directrice générale des services de la commune de Nanterre a informé les agents de la commune des conditions de mise en œuvre de l’obligation vaccinale contre le Covid-19. Le syndicat CFDT demande la suspension de ces notes en tant qu’elles visent les agents territoriaux affectés dans les établissements de la petite enfance de la commune.
Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. [...] »
Selon l’article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre le Covid-19 :
– les personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1 CSP ;
– tous les professionnels de santé ;
– les étudiants des établissements préparant à l’exercice des professions médicales et paramédicales.
L’article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l’obligation de vaccination contre le Covid-19 notamment en retenant alternativement un critère géographique pour y inclure toutes les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d’établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, et un critère professionnel pour y inclure tous les professionnels de santé. Ce dernier critère conduit à soumettre à l’obligation vaccinale tous les professionnels mentionnés dans la quatrième partie du code de la santé publique quel que soit le lieu d’exercice de leur activité, y compris lorsqu’il ne s’agit pas d’un établissement de santé.
Or les infirmiers et auxiliaires de puériculture font partie des professionnels de santé régis par la quatrième partie du code de la santé publique. Il s’ensuit que même lorsqu’ils exercent leur profession non pas dans un établissement de santé mais dans un établissement de la petite enfance, ils entrent dans le champ de l’obligation vaccinale. En application de l’article 12, sont dès lors aussi incluses les autres personnes travaillant dans ces mêmes établissements de la petite enfance.
L’IFSI qui ne respecte pas le délai de 15 jours pour l’envoi complet du dossier d’un étudiant passant en conseil pédagogique commet une faute mais, si le motif d’exclusion paraît établi, l’indemnisation reste symbolique (CAA de Douai, 19 octobre 2021, no 20DA00033).
Une étudiante infirmière d’un IFSI a fait l’objet d’une décision d’exclusion définitive le 26 janvier 2016.
Elle demande l’indemnisation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi du fait de l’illégalité de la décision du 26 janvier 2016 l’excluant définitivement de la formation au sein de l’institut de formation en soins infirmiers et en raison de l’attitude générale de l’institut qui ne lui a pas permis de connaître les motifs de cette décision pour se défendre utilement.
Le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes ainsi qu’une demande d’indemnisation de son préjudice moral.
En vertu de l’article 10 de l’arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, lorsque le conseil pédagogique est consulté sur la situation individuelle d’étudiants ayant accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge, les membres du conseil reçoivent communication du dossier de l’étudiant, accompagné d’un rapport motivé du directeur, au moins quinze jours avant la réunion de ce conseil, et l’étudiant concerné reçoit communication de son dossier dans les mêmes conditions que les membres du conseil.
Aux termes de l’article 11 de cet arrêté :
« Lorsque l’étudiant a accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes soignées, le directeur de l’institut de formation, en accord avec le responsable du lieu de stage, peut décider de la suspension du stage de l’étudiant, dans l’attente de l’examen de sa situation par le conseil pédagogique qui doit se réunir, au maximum, dans un délai de quinze jours à compter de la suspension ;
« Lorsque le conseil pédagogique se réunit, il examine la situation et propose une des possibilités suivantes :
– soit autoriser l’étudiant à poursuivre la scolarité au sein de l’institut ; dans ce cas, le conseil pédagogique peut alerter l’étudiant sur sa situation en lui fournissant des conseils pédagogiques pour y remédier ou proposer un complément de formation théorique et/ou pratique ;
– soit soumettre l’étudiant à une épreuve théorique, soit le soumettre à une épreuve pratique complémentaire sous la responsabilité du tuteur, selon des modalités fixées par le conseil. À l’issue de cette épreuve, le directeur de l’institut décide de la poursuite de la formation ou de l’exclusion définitive de l’institut de formation ;
– soit exclure l’étudiant de l’institut de façon temporaire ou définitive ».
Le centre hospitalier produit le courriel du 12 janvier 2016 adressé aux membres du conseil pédagogique portant convocation à une réunion le 25 janvier 2016 qui précise qu’il « fait partir ce jour le dossier préparatoire », ainsi que le compte rendu de ce conseil auquel sont annexés les rapports de stage de l’étudiante des semestres 3 et 5, mais ces documents ne suffisent pas à justifier que les membres de cette instance ont bien reçu, dans le délai de quinze jours précédant le conseil pédagogique ayant examiné la situation de l’intéressée, un rapport motivé du directeur ainsi que le dossier complet de l’étudiante.
Le centre hospitalier n’établit pas davantage que l’appelante aurait reçu son dossier complet et le rapport de saisine du conseil pédagogique préalablement à la séance qui s’est tenue le 25 janvier 2016, ni même communication du compte rendu de stage du semestre 5 ayant conduit à la tenue de ce conseil. L’étudiante n’a pas été mise à même de préparer utilement sa défense, et elle est donc fondée à soutenir que la décision du 26 janvier 2016 est entachée d’un vice de procédure.
L’irrégularité ainsi commise, qui a privé l’étudiante d’une garantie, alors même que la décision d’exclusion définitive était justifiée au fond, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.
Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral dont l’étudiante a souffert qui trouve son origine dans la circonstance qu’elle n’a pas été informée, en temps utile pour pouvoir se défendre, des faits incompatibles avec la sécurité des personnes soignées qui lui étaient reprochés et n’a pu disposer de l’ensemble des éléments lui permettant d’en prendre conscience, en lui allouant une somme de 2 000 euros.
Une infirmière qui néglige la surveillance d’une première cure de chimiothérapie, est alertée de l’extravasion par l’époux de la patiente, tarde à arrêter la perfusion et n’engage aucune mesure de sauvegarde commet une série de fautes qui engagent la responsabilité (CAA de Paris, 23 septembre 2021, no 20PA01902).
Une patiente, née en 1958, qui présentait un adénocarcinome du sein avancé, diagnostiqué en mai 2014, a reçu le 27 mai 2014 dans un centre hospitalier une première cure de chimiothérapie palliative pendant laquelle elle a été victime d’une extravasation.
La toxicité du produit injecté lui a causé des douleurs et une nécrose des tissus affectés dont le traitement a nécessité notamment douze interventions chirurgicales dont une greffe de peau.
La patiente est décédée le 16 janvier 2015 des suites du cancer.
Le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné le centre hospitalier à verser des indemnités.
La responsabilité est engagée en cas de faute.
La cure de chimiothérapie prescrite était adaptée à la maladie. La mise en place du site implantable et la pose du cathéter la veille de la première cure de chimiothérapie le 26 mai 2014 ainsi que les vérifications préalables à l’injection des produits le lendemain ont été réalisées dans le respect des règles de l’art. Ainsi, lorsque la cure de chimiothérapie a débuté à 14h15, le dispositif était bien en position intra-cavitaire et était perméable.
Cependant, alors qu’une première cure de chimiothérapie est la plus délicate avec un risque important d’allergie et nécessite une surveillance particulière, la patiente n’a pas bénéficié d’une surveillance appropriée pendant l’injection des produits de chimiothérapie qui lui ont été administrés, ce qui a conduit à ce qu’un délai de trente minutes s’écoule entre le début de l’injection de l’épirubicine à 15 heures et le diagnostic d’extravasation effectué par une infirmière à son arrivée au chevet de la patiente, après avoir été alertée par son mari qui venait de la rejoindre.
En outre, la perfusion n’a pas été arrêtée par l’infirmière, comme elle aurait dû l’être, immédiatement après le diagnostic d’extravasation, un délai de 15 minutes s’étant encore écoulé entre ce diagnostic et l’arrêt de l’injection.
L’infirmière n’a pas tenté non plus de retirer le maximum de produits résiduels de la chambre du dispositif intraveineux, ni effectué une injection par une seringue de 5 à 10 ml de chlorure de sodium isotonique pour diluer les produits toxiques.
Or, ces actions immédiates auraient permis d’atténuer la toxicité des produits en tentant d’en retirer le maximum ou de les diluer dans les tissus alentour.
Il ressort également du rapport d’expertise que, au moment des faits, il n’existait aucune procédure particulière relative à la prise en charge d’une extravasation au sein du centre hospitalier, alors que l’injection d’un produit de chimiothérapie par la voie d’un cathéter nécessite une surveillance médicale spécifique avant et pendant le traitement, que le risque d’extravasation est la toxicité aiguë la plus redoutée survenant dans 3 % des cas et qu’il convient, si une extravasation se produit, d’agir immédiatement pour limiter la gravité des lésions de nécrose cutanée.
Par suite, ces manquements dans le diagnostic et la prise en charge immédiate de l’extravasation dont a été victime la patiente sont constitutifs d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.
Pour déterminer dans un cadre disciplinaire si un agent a constitué et utilisé un faux, le directeur d’établissement, auquel il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels il inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen, et peu importe que l’enquête pénale ait été classée sans suite (CAA de Marseille, 21 octobre 2021, no 20MA03267).
Un agent, qui exerçait ses fonctions d’infirmier depuis 2011 au sein de l’établissement la Timone de l’AP-HM à Marseille, a été admis le 10 mai 2017 sur la liste principale des candidats au concours d’entrée à l’école d’infirmier anesthésiste diplômé d’État. En revanche, il a vu ses demandes de prise en charge d’un congé de formation professionnelle refusées par le comité de gestion régional du congé de formation professionnelle de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) à deux reprises, le 7 juillet 2017 puis le 22 septembre 2017, sa formation n’étant pas prioritaire et les crédits disponibles étant insuffisants. Le 24 juillet 2017, la directrice adjointe des ressources humaines de l’AP-HM l’a informé que la commission d’attribution des financements de promotion professionnelle hospitalière au titre de l’année 2017 avait émis un avis défavorable à sa demande de financement de sa scolarité et l’a invité à se rapprocher de la direction des écoles afin de conserver le bénéfice de sa scolarité. En outre, le directeur des soins de l’hôpital de la Timone a émis, le 14 novembre 2017, un avis défavorable à la demande d’autorisation d’absence pour un congé de formation professionnelle présentée par cet infirmier.
À la suite des informations qui lui ont ainsi été délivrées, et bien qu’il lui ait été expressément rappelé par un courriel du 10 novembre 2017 de la directrice adjointe des ressources humaines de l’AP-HM que la transmission de son dossier à l’ANFH devait se faire sous couvert du service de formation de l’établissement, l’infirmier a adressé directement à l’ANFH un courrier daté du 29 septembre 2017 revêtu de la signature et du tampon d’un directeur adjoint du groupe hospitalier la Timone lui accordant une autorisation d’absence pour congé de formation professionnelle du 2 octobre 2017 au 30 septembre 2019. Le 21 novembre 2017, ce directeur adjoint a informé la direction des ressources humaines que, bien que ce courrier comportât son nom, son cachet et sa signature, il n’en était pas l’auteur. Il a déposé une plainte pour faux et usage de faux le 29 novembre.
À la suite d’une procédure disciplinaire diligentée à son encontre le 7 décembre 2017 par la direction des ressources humaines de l’hôpital de la Timone à Marseille, l’agent s’est vu infliger une sanction d’exclusion temporaire de fonction pour une durée de deux ans à compter du 1er novembre 2018 par une décision du 9 octobre 2018.
La plainte pénale, après enquête, a fait l’objet d’un classement sans suite au motif que les faits n’avaient pu être clairement établis.
L’infirmier relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d’annulation de cette dernière décision.
Droit applicable
L’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen.
Analyse
La sanction contestée est fondée sur le motif tiré de ce que le courrier du 29 septembre 2017 portant la signature et le tampon du directeur adjoint adressé à l’ANFH constituait un faux confectionné par l’infirmier en vue de solliciter à nouveau le financement de sa scolarité auprès du comité de gestion régional du congé de formation professionnelle.
S’il conteste formellement être l’auteur des faits qui lui sont reprochés, l’infirmier admet ne pas avoir respecté la procédure applicable aux demandes de congé de formation professionnelle, qui lui avait pourtant été expressément rappelée, sans toutefois apporter la moindre explication sur les raisons qui l’ont conduit à s’affranchir de cette procédure, et à s’abstenir d’y joindre l’avis défavorable du directeur des soins de l’hôpital de la Timone.
De plus, ce courrier du 29 septembre 2017, qui se présente comme un courrier sur papier libre de l’infirmier lui-même sollicitant le renouvellement d’une autorisation d’absence pour formation professionnelle, s’il porte le nom et la signature du directeur adjoint que ce dernier a reconnu comme pouvant être la sienne au cours de l’enquête diligentée à la suite de la plainte qu’il a déposée, ne correspond pas au formulaire utilisé pour ce type de demande. En outre, il est revêtu d’un tampon qui ne correspond à aucun de ceux utilisés par l’administration hospitalière et il ne précise pas le sens de l’avis, favorable ou défavorable, que son auteur doit donner à la demande qui lui a été soumise.
Eu égard à l’ensemble des éléments concordants qui viennent d’être rappelés, qui ne sont pas utilement contredits par le classement sans suite de la plainte du directeur adjoint – lequel n’a pas autorité de chose jugée – c’est sans renverser la charge de la preuve que le tribunal a retenu que les faits reprochés à l’infirmier devaient être regardés comme établis et revêtaient la nature d’une faute justifiant que lui soit infligée une sanction disciplinaire.
Droit applicable
Il appartient à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire, pour apprécier la gravité des faits reprochés à un agent et déterminer en conséquence le choix d’une sanction, de tenir compte des éléments et des circonstances de l’époque à laquelle ces faits ont pris place et qui en constituent le contexte.
Analyse
La falsification de documents administratifs et leur utilisation à des fins personnelles contraires aux décisions de l’autorité hiérarchique constituent un manquement particulièrement grave aux obligations d’intégrité et de probité qui s’imposent à l’ensemble des fonctionnaires et agents publics. Bien qu’ayant revêtu un caractère isolé de la part d’un agent n’ayant aucun antécédent disciplinaire et bénéficiant d’évaluations professionnelles correctes, une telle faute présente un caractère de gravité suffisante pour justifier, sans erreur d’appréciation, la sanction de l’exclusion temporaire pour une durée de deux ans, le requérant ne pouvant utilement se prévaloir des pièces médicales des 8 juin et 12 juillet 2017 selon lesquelles il présentait un « état anxieux réactionnel avec une composante dépressive réactionnelle » en cours de chronicisation avec un sentiment de « mise au banc » en lien avec son milieu professionnel.
Le fonctionnaire qui se trouve dans l’impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d’infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peut être mis à la retraite par anticipation, soit sur sa demande soit d’office, et a droit à la pension rémunérant les services (CAA de NANCY, 21 octobre 2021, no 21NC0235)
Une agente exerçait les fonctions d’aide-soignante au sein d’un CHU. Le 26 janvier 2010, alors en service de cardiologie, elle a été agressée sur son lieu de travail verbalement et physiquement par un collègue infirmier, qui lui a asséné un coup de pied sur la cuisse droite et une gifle sur le côté gauche du visage. Il en est résulté, pour l’intéressée, une surdité totale de l’oreille gauche et un traumatisme d’ordre psychique.
À la suite de l’avis favorable de la commission de réforme du 10 septembre 2010, le CHU a reconnu, le 24 novembre 2010, l’imputabilité au service de cet accident et a pris en charge les arrêts de travail successifs et les soins dont l’agente a bénéficié du 27 janvier 2010 jusqu’au 16 avril 2011.
Toutefois, par une nouvelle décision du 12 décembre 2011, prise à la suite de l’examen du médecin expert du 31 août 2011 et de l’avis défavorable de la commission de réforme du 28 octobre 2011, cette prise en charge a été refusée pour les arrêts de travail et les soins postérieurs à la date du 17 avril 2011, à l’exception de ceux liés à la perte d’audition au niveau de l’oreille gauche.
L’agente ayant épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, le CHU, après avis du comité médical départemental du 12 juillet 2013, l’a placée, le 27 août 2013, en disponibilité d’office pour raison de santé pour la période allant du 20 mars au 19 septembre 2013. Puis, par trois autres décisions des 25 juillet 2014, 17 avril 2015 et 1er juillet 2015, a maintenu l’intéressée en disponibilité d’office au titre des périodes du 20 septembre 2013 au 19 septembre 2014, du 20 septembre 2014 au 19 mars 2015 et du 20 mars au 19 septembre 2015.
Par un jugement du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l’annulation de ces décisions pour vice de procédure.
En exécution de ce jugement, le CHU a réexaminé la situation et, par une nouvelle décision du 31 juillet 2017, prise après avis du comité médical départemental du 19 mai 2017, a placé rétroactivement l’intéressée en position de disponibilité d’office pour raison de santé pour la période allant du 20 mars 2013 au 19 septembre 2015. Lors de sa séance du 7 octobre 2016, la commission de réforme a émis un avis favorable à la mise à la retraite d’office pour invalidité en raison de son inaptitude totale et définitive à toutes fonctions.
La CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales) a également émis un avis favorable le 20 mars 2017. Par décision du 23 mars 2017, l’agente a été admise à la retraite pour invalidité totale et définitive à compter du 1er avril 2017.
Par jugement du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir ordonné une expertise, a annulé la décision du 23 mars 2017 au motif que les troubles invoqués par l’aide-soignante trouvaient leur cause directe dans l’accident de service survenu le 26 janvier 2010 et a enjoint aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg de la rétablir dans ses droits dans un délai de trois mois.
Conditions du sursis à exécution d’un jugement de tribunal administratif
Aux termes de l’article R. 811-15 du code de justice administrative : « Lorsqu’il est fait appel d’un jugement de tribunal administratif prononçant l’annulation d’une décision administrative, la juridiction d’appel peut, à la demande de l’appelant, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l’appelant paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement ».
Impossibilité médicale d’exercer les fonctions
Selon l’article 30 du décret du 26 décembre 2003, le fonctionnaire qui se trouve dans l’impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d’office, soit sur demande.
Selon l’article 31 de ce décret, une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d’invalidité qu’elles entraînent, l’incapacité permanente à l’exercice des fonctions.
Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas à l’autorité qui a qualité pour procéder à la nomination, sous réserve de l’avis conforme de la CNRACL.
Enfin, selon l’article 36, le fonctionnaire qui a été mis dans l’impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d’infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d’office, à l’expiration des délais prévus par l’article 30 et a droit à la pension rémunérant les services.
En application de l’article 36 du décret du 26 décembre 2003, la mise à la retraite pour invalidité imputable au service est subordonnée à la condition que les blessures ou maladies contractées ou aggravées en service aient été de nature à entraîner, à elles seules ou non, la mise à la retraite de l’intéressé.
Le moyen soulevé par le CHU selon lequel le tribunal administratif de Strasbourg a méconnu le rapport d’expertise paraît, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement.
En conséquence, il y a lieu de faire droit à la requête du CHU tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du tribunal administratif du 21 juin 2021.
Alors même que les conséquences médicales invalidantes ne sont pas contestées, une maladie professionnelle ne peut être reconnue que si elle est imputable au service, ce qui exclut le cas où elle relève du fait de l’agent (CAA de Nantes, 15 octobre 2021, no 20NT01704).
Une dame, née en 1960, a été recrutée en 1991 par un établissement public de santé mentale (EPSM) en qualité d’agente de service intérieur et a exercé, à compter de 1999, les fonctions de secrétaire médicale dans un centre médico-psychologique.
Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 22 avril 2016 jusqu’au 6 mai 2016 pour une anxiété généralisée réactionnelle.
Le 23 avril 2016, elle a demandé au directeur de l’établissement public de reconnaître la pathologie dont elle souffre comme maladie professionnelle. Par un arrêté du 13 décembre 2017, le directeur de cet établissement a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de cette affection.
Par un jugement du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de l’agente et celle-ci relève appel de ce jugement.
Congés maladie et congés pour maladie professionnelle
Selon l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, le fonctionnaire en activité a droit à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois, et ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants.
Toutefois, si la maladie provient d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident.
Notion de maladie professionnelle
Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.
Dans le cas, l’imputation au service de la maladie ou de l’accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales.
L’agente produit plusieurs courriers et attestations émanant du psychiatre en charge de son suivi depuis septembre 2016, ainsi que le rapport d’un autre psychiatre du 6 mars 2017, qui se prononcent en faveur d’une imputabilité au service de cette pathologie. Elle fait état de l’avis favorable rendu le 27 avril 2017 par la commission de réforme sur cette imputabilité à la suite du rapport effectué sur sa demande par le dernier médecin.
Toutefois, deux autres experts, également psychiatres, ont conclu à l’absence d’imputabilité au service de la pathologie dont souffre l’agente : le premier dans son rapport effectué à la suite de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle et le second dans son rapport du 30 novembre 2017, établi à la demande du directeur d’établissement compte tenu de la contrariété des conclusions exprimées par les deux experts précédents.
Pour expliquer les motifs de sa pathologie ayant conduit au congé maladie du 22 avril 2016, la requérante s’est plainte d’un dysfonctionnement d’encadrement infirmier au sein de son service, qui s’est accru lors de la dernière année, résultant d’une mouvance de ces infirmiers, du peu de fiabilité de leurs plannings dont elle était tributaire pour son travail et d’un manque de communication général, ce qui a engendré son incrédibilité auprès de différents interlocuteurs, entraînant notamment pour elle du stress et des troubles du sommeil.
Elle s’est également plainte de n’avoir été invitée à aucune réunion informelle lors de l’installation de l’infirmier d’accueil et d’orientation (IAO) afin de définir son rôle dans la nouvelle organisation mise en place, en particulier s’agissant de l’articulation entre son bureau et le secrétariat, l’organisation qui a été convenue n’ayant été au demeurant pas respectée.
Elle critiquait, enfin, le fait qu’il ait été décidé, malgré sa proposition de créer un agenda commun et visible de tous, de continuer avec l’agenda papier commun au secrétariat, lequel est complexe à établir et crée des perturbations dans le service. Selon elle, elle ne disposait plus, dans ces conditions, malgré sa volonté de s’adapter à l’évolution du service ainsi qu’aux différentes équipes, des moyens d’effectuer efficacement son travail.
Selon les différents rapports médicaux produits à l’instance et qui sont tous concordants sur ce point, l’agente n’a souffert avant ces événements d’aucun antécédent psychiatrique personnel ou familial.
Toutefois, l’agente exerçait les fonctions de secrétaire médicale qui consistent en l’accueil et le renseignement des patients, en la planification des activités (agenda des consultations, admissions, convocations, etc.) et en la gestion, la saisie et le classement des informations relatives aux dossiers des patients.
Il ressort d’un avis médical que la pathologie dont souffre l’agente, qui n’est pas contestée, résulte de la frustration que cette dernière a ressentie depuis la création du poste d’IAO, l’intéressée se sentant dépossédée du rôle polyvalent qu’elle s’était attribué et acceptant mal de se recentrer sur les fonctions de secrétaire médicale. En outre, l’organisation infirmière, qui ne la concerne pas directement, n’a été contestée par aucun des principaux intéressés.
Un rapport d’expertise présente l’intéressée comme un « sujet hyper consciencieux, très soucieux du travail accompli, avec une volonté de maîtrise ». Selon cet expert, elle a pu alors se sentir spoliée, voire dépossédée de certaines de ses fonctions et se trouver en difficulté d’adaptation dans la nouvelle organisation du service, projetant la responsabilité sur ses supérieurs hiérarchiques. Selon un autre expert, « là où tout lui réussissait dans une organisation personnelle et rationnelle, elle ne s’y retrouve plus, toute la mobilité psychique est disparue ».
Alors qu’il ne ressort pas du dossier que la nouvelle organisation mise en place dans le service présentait un caractère pathogène, le développement de la maladie est dû à un fait personnel de l’agente conduisant, de ce fait, à détacher sa survenance du service.
Par suite, le directeur de l’EPSM a à bon droit rejeté la demande de l’agente de reconnaître sa pathologie anxiodépressive comme imputable au service.