L’Ordre national des infirmiers se félicite des progrès obtenus pour l’exercice de la pratique avancée. Et, par la voix de son président, plaide pour une révision systémique de notre système de santé en faveur d’une meilleure définition du rôle des uns des autres.
En effet, on ne peut que se féliciter que, trois ans après la parution du décret autorisant l’exercice des infirmiers en pratique avancée (IPA) en France, on soit déjà en train de le revoir. Nous sommes dans un processus d’évolution et petit à petit nous avançons, par le biais d’expérimentations, pour obtenir ce que nous n’avons pas pu obtenir initialement. Le texte initial est trop contraignant pour permettre d’améliorer véritablement le service rendu au patient. Il faut donner plus de marge de manœuvre aux professionnels de santé pour favoriser un exercice complet, à la hauteur de la demande et des besoins. La parution en octobre du décret créant le domaine d’intervention « urgences » pour les IPA a représenté un premier pas. La primo-prescription, qui constituait véritablement un frein, en est un autre.
Le prochain sujet à mettre sur la table est très polémique : il concerne l’accès direct du patient à l’IPA au sein d’une équipe coordonnée, sans passer par le médecin. Cette mesure n’a pas été retenue dans le PLFSS 2022 en raison de freins corporatistes. Cela nous a amenés à publier dans le Monde une tribune commune avec Pascale Mathieu, présidente de l’Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, intitulée « Les professions paramédicales doivent évoluer car cette progression tire vers le haut l’ensemble du système de santé ». Le rapport de l’OCDE publié en 2010 sur le développement des pratiques avancées établit que celles-ci apportent une amélioration des soins. Plus récemment, l’étude Cochrane « Les infirmiers(ères) en tant que substituts des médecins de soins primaires », parue en 2018, va également dans ce sens. Les professionnels de santé ont l’habitude au quotidien de travailler en interprofessionnalité. Il faut aujourd’hui que des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) se développent et que, au sein de ces équipes coordonnées, on se répartisse la charge de travail en fonction des besoins et de l’offre de soins.
Les patients ont tout à y gagner car il n’existe pas de désert infirmier en France, contrairement à d’autres professions, et les infirmiers présentent l’avantage d’offrir une continuité entre l’hôpital et la ville, en réseau. La période Covid que nous traversons a montré à quel point les infirmiers sont compétents et répondent présents malgré des conditions de travail difficiles. Ils sont en première ligne pour faire évoluer le système de santé vers plus de prévention au lieu du tout-curatif.
Le problème est que, en France, on fait les choses sans vision globale des soins. On a monté des spécialités mais, avec l’universitarisation des études, il est devenu nécessaire de repenser le système. Comment inclure l’entrée des infirmiers à l’université dans le parcours professionnel n’a pas été pensé, anticipé ? Aujourd’hui, il faut mettre plusieurs acteurs autour de la table, notamment les infirmiers anesthésistes mais aussi les puéricultrices, les infirmiers de bloc opératoire, car il est nécessaire d’éviter tout clivage au sein de la profession et d’articuler les spécialités – qui datent d’avant la création des IPA en 2015 – avec les IPA. Ce travail doit être mené avec les universités et l’ensemble des parties prenantes concernées. L’enjeu est de savoir, en se projetant sur dix ans, comment on articule les spécialités et comment on peut les intégrer au processus universitaire.
Je suis persuadé que, par la formation, on doit arriver à trouver une place pour chacun. Sans quoi nous allons voir des rivalités se développer, ce qui serait contraire à notre mission au service des patients. Nous ne sommes pas tous sur les mêmes champs d’intervention ni de compétences. Il faut réaliser un exercice d’éclaircissement au niveau de la définition et de la place de chacun des professionnels de santé sur le territoire au sein du système de santé. La prochaine loi Santé devra porter sur l’organisation systémique au bénéfice du patient.