OBJECTIF SOINS n° 0284 du 09/12/2021

 

EDITO

Roselyne Vasseur

   directrice des soins

  

Après deux ans de crise Covid et une 5e vague à l’œuvre, les paramédicaux n’en peuvent plus et n’y croient plus. L’épuisement, la désillusion, l’absence de perspectives, les conflits de valeurs et la perte de sens les ont submergés. Ils se sont battus pour sauver des vies – dans des conditions parfois effroyables. Et ils ont cru aux promesses : tout allait changer.

Exit les décennies d’alertes et de mobilisations vaines, la classe politique et la société avaient enfin compris leurs besoins et leur combat. Tout serait réévalué : effectifs, matériel, conditions de travail, salaires, considération, reconnaissance des diplômes, compétences et responsabilités, contribution aux débats et décisions… On pourrait enfin dispenser des soins conformes à l’enseignement reçu et aux valeurs fondant l’engagement soignant.

Certes, le Ségur de la santé a apporté une légère amélioration salariale mais les infirmières françaises sont toujours en deçà de la moyenne européenne : la France est le seul pays du G20 à « offrir » un salaire infirmier inférieur au salaire moyen. Les tentatives d’amélioration de la QVT déployées dans les hôpitaux et les Ehpad ne suffisent pas à enrayer la pénurie de soignants, aggravée par les départs de professionnels diplômés et les abandons en cours d’études en IFSI. Les cadres de santé s’épuisent à soutenir les équipes pour tenter de maintenir les soins.

Pourtant, des solutions existent pour briser la spirale conduisant aux fermetures de lits et aux reports de soins avec pertes de chances pour les usagers contraints d’être « patients ». Surmonter la frilosité et la résistance médicale en upgradant les professions paramédicales ouvrirait des perspectives soignantes (IPA, expertises, coopérations, recherche…) et contribuerait à résorber les déserts médicaux – les micro-avancées ne sauraient suffire quand le retard français en la matière est scandaleux. Ne plus parler en lieu et place des paramédicaux, invisibles et inaudibles dans les médias, débats et décisions, mais les reconnaître comme partenaires aux côtés des directeurs, médecins et « décideurs », à l’hôpital comme en ville.

Sortir de l’archaïque toute-puissance directoriale et médicale suppose de reconfigurer les missions et relations dans une stratégie de complémentarité gagnant/gagnant pour le patient et l’ensemble des professionnels de santé. Les jeunes attirés par le soin aspirent à un métier porteur de sens – mais pas dans les conditions actuelles.

Face à ces questions, stop à la sinistrose et à la désespérance : exigeons plutôt l’engagement des candidats à l’élection présidentielle.