OBJECTIF SOINS n° 0285 du 10/02/2022

 

Profession infirmière

ACTUALITÉS

Anne Lise Favier

  

Alors que se profile la campagne de la Présidentielle, l’Ordre infirmier dresse un constat sans fard de la situation de la profession et cherche des pistes d’amélioration. Il a d’ores et déjà obtenu une réponse du ministre de la Santé sur la réouverture du chantier du décret-socle.

L’Ordre national des infirmiers (ONI) a publié en janvier 2022 les résultats d’une consultation menée fin 2021 sur l’ensemble des infirmiers inscrits à l’Ordre(1). Résultats ? La crise sanitaire qui s’est installée dans la durée a fatigué les professionnels : si 66% des infirmiers estiment qu’avant la crise, leurs conditions de travail étaient plutôt bonnes voire très bonnes, ils sont désormais 85% à dire qu’elles se sont détériorées depuis le début de la crise sanitaire. La proportion d’infirmiers qui alertent sur leurs conditions de travail a augmenté de 21 points en un an. « Il y a clairement un épuisement professionnel », résume Patrick Chamboredon, président de l’ONI. Et si l’on interroge les infirmiers sur trois mots qui résument leur état d’esprit (parmi 6 : lassitude, angoisse, colère, satisfaction, confiance et sérénité), ils sont 72% à évoquer la lassitude, 51% la colère et 46% l’angoisse, alors que seulement peu évoquent la satisfaction (9%), la confiance (6%) ou la sérénité (3%). « Les infirmiers sont nombreux à déplorer des effectifs insuffisants, pointe Patrick Chamboredon, et un manque de temps dans la prise en charge des patients ». Et cela ne risque pas de s’arranger si l’on en croit les chiffres qui suivent : 15% d’entre eux disent qu’ils comptent changer de métier dans les 12 mois à venir et quasiment un tiers, dans les 5 ans.

Pistes d’amélioration

« L’objectif de cette consultation était de mettre des chiffres sur le mal-être des infirmiers. Une fois le constat posé, nous avons eu envie de faire des propositions d’amélioration, avec le colloque que nous avons organisé avec l’Institut Droit et Santé le 20 janvier sur le thème “Comment construire un système de santé plus proche, plus efficient, plus durable” », poursuit le président de l’ONI. Lors de ce colloque(2), les thèmes de territorialisation, de démocratie sanitaire, et d’évolution des professions de santé ont été abordés, mais aussi ceux de la santé publique et de l’innovation en santé. « Bien sûr, les Présidentielles arrivent et nous voulons bâtir une contribution pour nous faire entendre. La question est de savoir comment on peut réussir à mettre la santé dans le débat », s’interroge Patrick Chamboredon. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, présent en visio-conférence à ce colloque, lui a répondu que la santé était selon lui toujours au cœur de la campagne, « l’accès aux soins, les déserts médicaux, mais aussi le coût des complémentaires santé étant les sujets les plus cités par les Français », a-t-il énuméré pour mieux convaincre. Espérant une sortie de crise, le ministre a reconnu que le moment venu, la santé serait sans doute une thématique dont les Français ne voudront plus vraiment entendre parler, mais qu’il faudra poursuivre les efforts accomplis. Saisissant la balle au bond, Patrick Chamboredon a rappelé le rôle des infirmiers au niveau territorial : « Qui mieux que ces professionnels de santé sont au plus proche des patients ? », notamment pour les questions de prévention, un thème qui pourrait sortir du lot une fois la crise passée. Ce qui a fait dire au ministre qu’un métier tel que celui de “préventologue” confié aux infirmiers pourrait être une clé pour y parvenir. En attendant, Olivier Véran, faisant fi du corporatisme, s’est déclaré pour plus de « décloisonnement » et engagé en faveur de « plus de responsabilités pour les infirmiers dans les mois et années à venir ». Pour marquer cet engagement, le ministre de la Santé a notamment annoncé la réouverture du chantier du décret-socle avant la fin du quinquennat, en « regardant les évolutions souhaitables pour améliorer l’accès aux soins et la complémentarité entre les professions ». Une façon de signer la fin d’un mandat ou d’espérer prolonger son séjour avenue de Ségur ? Toujours est-il que le président de l’ONI s’est réjoui que les promesses faites se matérialisent, avec notamment les questions de l’accès direct, de la prescription ou de la consultation infirmière.