OBJECTIF SOINS n° 0286 du 31/03/2022

 

Guide : Adultes sensibles et doués, trouver sa place au travail

Récits : Réussir son burn-out

Analyse : Le mirage du leadership à l’épreuve des neurosciences

Essai : L’anti-manuel de management dans les Ehpad

Documentaire : Funambules, qui sont les fous ?

À relire : Ici et maintenant : vivons pleinement

Parfois il arrive que l’intuition, l’intelligence ou la sensibilité conduisent certaines personnes à se ressentir en décalage dans le monde professionnel. Cet ouvrage, écrit conjointement par une psychologue et un cadre du tertiaire, apporte des clés de compréhension tant pour les personnes qui se sentent différentes que pour les managers qui les accompagnent. L’objectif étant qu’une confiance et une perspective professionnelle plus épanouissante puissent se développer pour ces agents au sein de leurs équipes.

Partant de la construction difficile des adultes doués et de leur comportement parfois trop fragile dans le cadre du travail, les auteurs éclairent certaines situations et témoignages par des explications qui permettent de sortir du normatif et du mal-être pour, ainsi, révéler un potentiel certain pour la personne qui souffre de cet écart ; cela tout en leur permettant de trouver une place et réussir dans un environnement parfois trop en déphasage avec ce qu’ils peuvent éprouver.

Loin d’une caractérisation grossière, cet ouvrage peut se concevoir davantage comme une aide apportée à l’autre dans la relation de travail.

Adultes sensibles et doués. Trouver sa place au travail et s'épanouir, Arielle Adda et Thierry Brunel (Éditions Odile Jacob, février 2022), 304 pages

Comment transformer l’épreuve du burn-out en ressources pour les autres ? Souvent, le statut de victime dans lequel peuvent s’installer les professionnels qui subissent le surmenage et le mal-être au travail ne permet pas d’y répondre. Ici, à partir du groupe, les sept autrices, qui ont toutes subi ce sentiment négatif, témoignent d’une réflexion sur le lien social et l’entraide pour contribuer à prévenir les effets des souffrances au travail ; cela, pour rebondir et porter leurs voix auprès de ceux qui vivent ce genre de situations. Véritable analyse de leurs pratiques professionnelles, ces récits constituent un possible pour d’autres qui souffrent également du stress et de la perte d’estime d’eux-mêmes dans le cadre du travail. Bien plus, il montre le chemin complexe et multiforme que constitue le rétablissement.

Réusir son burn-out. Récits de résistantes, sous la direction de Corinne Le Bars (Érès, janvier 2022), 192 pages

Malgré une valorisation de la fonction de leader dans le monde des organisations, les conduites de changement et les projets innovants n’en sont pas pour autant optimisés. Grâce à l’aide des neurosciences, les auteurs proposent de relire l’évolution de cette fonction avec les connaissances actuelles autour du fonctionnement du cerveau. Évoquant les biais capitaux que sont notamment le moindre effort, le conformisme social, ou encore l’égocentrisme, ils soulignent les freins cognitifs aux tentatives de travail en équipe. Cela concerne notamment l’innovation qui ne peut exister que par une maîtrise des prédispositions cognitives. L’ouvrage renvoie donc à une approche adaptative pour penser la prise en compte des affects ou le rapport à l’engagement dans la relation de travail, dans une forme de complémentarité avec les nouvelles connaissances des sciences cognitives pour ouvrir sur une coopération propice aux évolutions.

Au travers d’exemples de transformation et de conseils pratiques, les auteurs viennent appuyer leur propos pour gérer le changement plus efficacement et ainsi proposer une stratégie apprenante et durable sur la coopération.

Le mirage du leadership à l’épreuve des neurosciences, James Teboul et Philippe Damier (Éditions Odile Jacob, janvier 2022), 320 pages

L’actualité récente nous l’a montré : certains établissements médico-sociaux comme les Ehpad subissent de plein fouet les conséquences d’un mode managérial qui fait entrer en conflit rentabilité et qualité des services rendus à la personne.

Dans un essai dénonçant notamment les confusions entre fins et moyens, l’autoritarisme inadapté, le contrôle par les chiffres ou les travers de la démarche projet, le médecin de santé publique et socio-économiste Michel Bass évoque les biais de ce type de management qui empêcherait « de réfléchir à ce qu’il se passe concrètement dans les établissements médico-sociaux ». Heureusement, subsistent encore des espaces de réflexion où les démarches participatives permettent aux professionnels de se réapproprier des libertés d’agir.

Loin d’une critique des agents et des managers, l’auteur évoque l’Ehpad comme une structure gérée à présent comme un petit hôpital ; selon lui, penser l’organisation comme un modèle qui a vécu et dont il faudrait maintenant pouvoir réinventer la distance avec l’usager nécessite un engagement de qualité. « Ce qui imposera une transformation profonde des manières dont sont conçus et gérés les établissements ».

L’anti-manuel de management dans les Ehpad et autres établissements médico-sociaux, Michel Bass (Érès, janvier 2022), 290 pages

Aube a trente ans. Elle vit chez ses parents. Mais veut partir vivre une histoire d'amour avec un punk. Sa vie n'est qu'un grand mélange de formes et de couleurs. C'est parfois un jeu : elle imite une présentatrice. Ou une représentation : elle danse. Yoan, lui, marche en cercle et scande des phrases acérées. Il entraîne celui qui l'observe dans un vertige de mouvements et de mots. Il est solaire, charismatique, drôle. L'un et l'autre, à leur manière, hypnotisent. Marcus, lui, vit dans son bordel « dyogènique » et qu'importe ceux qui pourraient en penser du mal. Tous trois, et d'autres qui suivront, sont patients de psychiatrie, filmés dans leur vie quotidienne hors les murs. Le réalisateur Ilan Klipper, déjà à l'origine du documentaire Sainte-Anne, hôpital psychiatrique, compose avec Funambules une galerie de personnages aux univers intimes marqués, des existences à la marge, et dépeint une autre normalité. D'une petite lucarne à l'autre, d'un portrait à l'autre, c'est dans la fragilité d'un équilibre qui a trop vacillé que le spectateur avance. Des plans serrés, des monologues, du rythme, une poésie intense habite ce documentaire sans égal non pas sur des patients mais avec eux. Hors du temps, hors des normes, Aube, Yoan, Marcus, Jean-François, Abderrezak, Anaïs vivent de l'autre côté d'une frontière fébrile, dessinée ici sans jugement.

Funambules, Ilan Klipper (Les Films du Balau), au cinéma le 16 mars 2022, 75 minutes

Cet ouvrage paru en 2013 reste une leçon de vie. À presque 95 ans, la psychothérapeute, groupe-analyste et psychodramatiste Anne Ancelin Schützenberger nous rappelait qu’à tout âge, il fallait entretenir sa vitalité sans trop donner de prise aux émotions négatives. Tout au long du livre, on retrouve ses réflexions, ses aphorismes ou encore ses poèmes autour de ce qui peut paraître invisible au quotidien mais qui nous fait prendre conscience de la sensation d’être en vie. Cet écrit reste d’actualité et nous fait retrouver ces petits riens qui nous font apprécier d’être toujours présent à soi-même et aux autres. Il peut se lire pour soi ou être médité dans le cadre de l'accompagnement de personnes en souffrance ou en fin de vie ; car jusqu’au bout, comme le rappelle l’autrice, il y a « une force de vie », des plaisirs et de la joie à profiter de chaque instant pour qui sait les voir.

Ici et maintenant : vivons pleinement, Anne Ancelin Schützenberger (Éditions Payot, septembre 2013), 96 pages