La Haute Autorité de santé (HAS) a publié début 2022 son 4e rapport annuel sur les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) pour l’année 2020. Cette publication est l’un des outils destinés à recenser, analyser et agir contre les EIGS afin d’améliorer la sécurité du patient, comme l’explique le Dr Laetitia May, chef du service Évaluation et outils pour la qualité et la sécurité des soins de la HAS.
La Haute Autorité de santé est chargée de collecter et d’analyser les données reçues au niveau national sur les EIGS déclarés afin d’élaborer des préconisations pour améliorer la sécurité des patients. Au-delà du recensement des EIGS, l’objectif du rapport annuel est donc de faire un retour d’expérience national sur ces événements et apprendre des erreurs déclarées.
Ce 4e bilan annuel* rend compte d’un nombre croissant de déclarations d’EIGS reçues par la HAS au cours des quatre dernières années (figure 1). La plus forte augmentation annuelle a eu lieu en 2019 (+45%). La baisse observée sur l’année 2020 doit être évaluée au regard de la crise sanitaire traversée.
La dynamique de déclaration reste hétérogène sur l’ensemble du territoire national.
Une majeure partie des EIGS restent déclarés par les établissements de santé. Il y a deux explications à cela : les établissements de santé réalisent des soins de complexité variable chez des patients également plus complexes ; ils ont une culture du signalement plus avancée que les autres secteurs que sont la ville et le médicosocial.
Depuis 4 ans, les thématiques d’EIGS qui reviennent le plus souvent sont les suicides, les chutes et les erreurs médicamenteuses. Sur ces dernières, c’est l’erreur de dose de médicament qui est la plus fréquemment déclarée, devant l’erreur de médicament ou l’erreur de patient.
En 2020, 1 081 EIGS ont été analysés par la HAS, ce qui porte à 3 088 le nombre cumulé d’EIGS transmis depuis 2017. Ce nombre de déclarations ne reflète pas la réalité du nombre d’EIGS survenant en France chaque année, comme le confirment les résultats préliminaires de la troisième Enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins (ENEIS 3) qui mettent en évidence la survenue de 4 EIGS par service de 30 lits et par mois.
Les analyses nationales d’EIGS mettent donc en évidence une persistance de la sous-déclaration de ces événements et une formation insuffisante des professionnels à l’analyse approfondie de ceux-ci, associée à un défaut de culture de sécurité : il existe une crainte de dévoiler l’événement.
Fortes de ces constats, les productions de la HAS suivent deux axes :
- favoriser la culture de sécurité, alerter et encourager les soignants à déclarer. La HAS propose depuis juin 2021 une nouvelle collection : les Flash sécurité patient (FSP)*. Ces fiches ont pour objectif de sensibiliser les professionnels sur des risques spécifiques en prenant appui sur des situations réelles liées à des EIGS déclarés et récurrents. Cette collection contribue à valoriser le retour d’expérience ainsi que l’apprentissage par l’erreur ;
- accompagner la déclaration des EIGS en mettant à disposition un guide pratique*, réalisé en collaboration avec la Fédération des organismes régionaux pour l’amélioration des pratiques (Forap), sur l’analyse d’événements indésirables associés aux soins. L’objectif est d’apporter aux professionnels du soin et de l’accompagnement, quel que soit le secteur dans lequel ils exercent (sanitaire, médicosocial, ville), un outil simple et didactique pour réaliser cette analyse, dont la qualité est insuffisante.
Une préconisation générale est déjà d’encourager à la déclaration. Il faut prendre conscience que le risque existe, et que le fait d’analyser les événements indésirables survenus et d’en comprendre les causes contribuent à réduire leur gravité ou à éviter qu‘ils ne se reproduisent. Aux yeux de la HAS, il est capital de faire comprendre l’enjeu pédagogique du dispositif EIGS et de rappeler aux professionnels et à leurs organisations que leur adhésion à cette démarche est importante pour améliorer la sécurité des patients. En effet, faire en sorte que les erreurs soient signalées et discutées plutôt que cachées ou ignorées contribue in fine à sortir de la culture de la faute.
D’autres préconisations sont publiées dans ce 4e rapport sur des risques spécifiques identifiés dans la base de retour d’expérience des EIGS : les risques en lien avec une chute de patient qui a fait l’objet d’un rapport spécifique**, ceux en rapport avec une tentative de suicide de patient (ce sujet va faire l’objet d’un rapport spécifique et d’un Flash sécurité patient qui vont être publiés prochainement), les risques en lien avec une prise en charge de dialyse, notamment afin de limiter les risques de déconnexion des voies d’abord.
Le rapport annuel revient sur la pandémie Covid-19. Toutefois, celui-ci porte sur les données 2020.
Compte tenu des modalités de fonctionnement du système de déclaration des EIGS, il y a toujours un décalage entre la survenue des événements et la réception des déclarations dans la base nationale.
Ainsi, dans l’ensemble de la base EIGS, au 31 décembre 2020, 10 EIGS en lien avec le contexte de pandémie de Covid-19 ont été retrouvés. Le prochain rapport sur les données 2021 apportera des éclairages supplémentaires, notamment sur les ruptures dans la continuité des soins aux patients, quel que soit le secteur concerné (sanitaire, médicosocial, soins de ville).
- Répartition des EIGS dans les huit groupes les plus fréquents : suicides (230), erreurs médicamenteuses (115), chutes (127), prise en charge des parturientes (58), décès inexpliqués (39), gestes traumatiques (23), management et ressources [personnel inhabituel] (33), défaut de diagnostic (32).
- EIGS déclarés comme évitables : 56 %.
- 53 % des EIGS évitables ont conduit au décès.
- 59 % des erreurs médicamenteuses déclarées sont des erreurs de dose.
- 54 % des EIGS concernent des patients âgés de 60 ans et surviennent à 80 % lors d’un acte thérapeutique, majoritairement (58 %) la nuit, le week-end et les jours fériés.