Pratique hospitalière
DROIT
*Avocat à la cour de Lyon
**L'auteur déclare ne pas avoir de lien d'intérêt
Faute par un diagnostic hâtif et une intervention chirurgicale inadaptée, suites opératoires d’une sleeve-gastrectomie, recours trop rapide à une arthrodèse avec laminectomie, escalade thérapeutique risquée dans un contexte mettant en jeu le diagnostic vital, retard dans la pratique d’une césarienne, infection nosocomiale suite à une péritonite par fistule : quelques actualités de jurisprudence en matière de responsabilité hospitalière.
Face à un diagnostic difficile, le praticien du CHU commet une faute par un diagnostic hâtif et une intervention chirurgicale inadaptée. L’équipe d’un CHI, intervenue en premier lieu, s’était également trompée sur le diagnostic, mais compte tenu de son plateau technique plus limité, sa faute n’est pas retenue. (CAA de Douai, 22 février 2022, n° 19DA01497)
Le 20 juin 2012, une femme âgée de quarante-trois ans, a consulté un praticien en gynécologie pour un changement de contraception, et celui-ci a prescrit un contraceptif oral œstroprogestatif de deuxième génération, dit pilule Leeloo, dont elle a commencé la prise le 28 juin suivant.
À partir du 13 août 2012, elle a été victime de céphalées inhabituelles et intenses, suivies, le 15 août, d'une hémianopsie latérale homonyme gauche et de paresthésies de la main gauche. Se trouvant alors en vacances en Italie, elle s'est rendue aux urgences du CHI du Pays du Mont-Blanc, où elle a été hospitalisée du 16 au 18 août 2012.
À la suite de la réalisation dans cet établissement d'un scanner et d'une IRM nucléaire cérébrale, puis d'un avis pris auprès du service de neurochirurgie du CHU de Grenoble, un diagnostic de tumeur cérébrale a été posé.
Exerçant la profession d'infirmière anesthésiste au sein du CHU de Rouen, elle a été autorisée à sortir le 18 août 2012 pour consulter un neurochirurgien de cet établissement. Ce praticien a confirmé le diagnostic de tumeur et a prescrit, pour son exérèse, une intervention de lobectomie pariétale droite complète qui a eu lieu le 28 août suivant. Au décours de l'intervention, la patiente a souffert de graves troubles moteurs et sensitifs, et l'évolution de son état a été marquée par la persistance d'une hémiparésie gauche prédominante des membres inférieurs avec une héminégligence spatiale.
Les résultats anatomo-pathologiques n'ont pas confirmé le diagnostic de tumeur et, à la suite d'examens complémentaires, les médecins ont retenu le diagnostic de thrombophlébite cérébrale, qui a été traitée par anticoagulants. Il a également été détecté, après l'accident thromboembolique, la présence d'une mutation du facteur V à l'état hétérozygote dit de Leiden.
L’expertise conclut à la survenue d'une thrombophlébite cérébrale constitutive d'un accident médical non fautif dû à la prescription récente d'un contraceptif oral œstroprogestatif de deuxième génération.
Selon les experts, la prise en charge au CHI du Pays du Mont-Blanc a été conforme aux règles de l'art, mais il y a eu une erreur de diagnostic et un défaut de traitement de première intention adapté au CHI du Pays du Mont-Blanc et au CHU de Rouen, ce qui a fait perdre à la patiente des chances sérieuses de récupérer des seules séquelles de la thrombose. Ils estiment que le CHU est entièrement responsable des préjudices liés au déficit sensitivomoteur de l'hémicorps gauche survenu dans la suite de l'opération chirurgicale du 28 août 2012, qui aurait pu être évité.
Lors de l'hospitalisation dans cet établissement du 16 au 18 août 2012, un scanner et une IRM nucléaire cérébrale ont été réalisés, ce qui était la bonne méthode. À l'examen de ces imageries, il a été conclu à un aspect de tumeur cérébrale et une sélection de clichés a été transmise par l'intermédiaire du Picture archive and communication system, au service de neurochirurgie du CHU de Grenoble, qui a rendu un avis à la suite duquel le CHI a confirmé le diagnostic.
Selon les experts, les imageries auraient dû permettre de poser le diagnostic de thrombophlébite cérébrale, mais ils soulignent que ce diagnostic était difficile dès lors qu'il s'agissait d'une forme pseudo-tumorale. Or, le CHI ne disposait pas de service de neurochirurgie et il a rapidement donné son accord, le 19 août 2012, pour une poursuite de la prise en charge au CHU de Rouen, un rendez-vous à bref délai étant pris. Dans ces conditions, compte tenu de la difficulté du diagnostic à poser et des moyens effectivement mis en œuvre par le CHI du Pays du Mont-Blanc, l’équipe de cet établissement n'a pas commis de faute médicale de nature à engager sa responsabilité.
Le CHI s'est abstenu de transmettre au CHU de Rouen les Cdroms comportant les examens médicaux alors qu'il était informé de la prochaine admission de la patiente dans cet établissement pour le traitement chirurgical de sa tumeur, ce qui est une faute. Toutefois, une telle transmission aurait-elle, à elle seule, permis de redresser le diagnostic établi par le CHU de Rouen ? Ce n’est pas établi. L’équipe du CHU qui disposait des tirages papier remis par la patiente, n'a pas sollicité les Cdroms et n'a fait procéder à aucun examen complémentaire en dehors d'une IRM nucléaire de neuronavigation. Il n'est ainsi pas établi que ce manquement ait entraîné une perte de chance d'éviter le dommage.
Le neurochirurgien du CHU de Rouen n'a pas sollicité la transmission des Cdroms des imageries réalisées au CHI du Pays du Mont-Blanc, et il n'a procédé à aucun examen complémentaire autre que l’IRM de neuronavigation, ce alors que ces investigations pouvaient être réalisées dans cet établissement qui dispose d'un service de neurochirurgie. En outre, les experts ont indiqué que le diagnostic de thrombophlébite cérébrale était possible par ce praticien spécialisé au seul vu des examens réalisés au CHI. Le praticien a commis une faute médicale dans l'établissement du diagnostic de thrombophlébite, qui est de nature à engager la responsabilité du CHU.
La prescription d'un traitement anticoagulant à Rouen dès l'admission de la patiente aurait conduit à une guérison avec des séquelles moindres, alors que l'intervention chirurgicale d'exérèse large réalisée le 28 août 2012 pour suspicion de gliome, qui était inutile, a provoqué un déficit sensitivo-moteur hémicorporel en sus de l'hémianopsie gauche et des paresthésies de la main gauche résultant de la thrombophlébite. En outre, il ne résulte d'aucune pièce médicale qu'une opération chirurgicale décidée en cas d'échec du traitement de la thrombophlébite par anticoagulants aurait présenté les mêmes risques que l'opération de lobectomie pariétale droite complète effectivement réalisée. Dans ces conditions, l'ensemble des préjudices neurologiques consécutifs à cette intervention, indépendamment des conséquences de la thrombophlébite, trouvent leur origine dans la faute commise par le praticien du CHU de Rouen dans l'établissement du diagnostic et le choix thérapeutique.
De telle sorte, le CHU est condamné à indemniser l'ensemble des séquelles dont la patiente est restée atteinte dans les suites de l'intervention de lobectomie pariétale du 28 août 2012, à l'exclusion des séquelles imputables à la thrombophlébite cérébrale initiale.
Dans les suites opératoires compliquées d’une sleeve-gastrectomie, l’équipe du CHU commet une faute si elle ne rectifie pas la faute commise par une première équipe hospitalière, alors que les dommages sont encore évolutifs. (CAA de Paris, 31 janvier 2022, n° 20PA02735)
Une femme, née le 31 mai 1987, souffrait d'obésité morbide. Elle a été hospitalisée du 5 au 16 mai 2014 au centre médico-chirurgical de la baie de Morlaix pour une intervention de sleeve-gastrectomie réalisée le 6 mai 2014.
À la suite de cette opération, son état a présenté des anomalies la rendant incapable de s'alimenter et rendant nécessaire une alimentation parentérale exclusive. Le 30 mai 2014, elle a été transférée à l'hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP) où l'alimentation parentérale a été poursuivie.
Le 19 juin 2014, elle a subi une intervention de conversion de la sleeve-gastrectomie en bypass gastrique sur anse en oméga par voie cœlioscopique. Le 22 juin 2014, alors qu'elle présentait des troubles de la conscience et une polypnée, elle a subi une intubation et une ventilation mécanique, puis a été transférée en réanimation chirurgicale. Le 8 juillet 2014, lors du transfert en unité de soins continus, il a été noté des difficultés de mobilisation post-réanimation et d'équilibration.
Le 17 juillet 2014, elle a été transférée au centre hélio-marin de Roscoff. Du 16 mars au 29 mai 2015, elle a suivi des soins de suite et de réadaptation au centre de Perharidy. Le 17 juin 2015, lors d'une consultation neurologique au CHRU de Brest, il a été conclu à un syndrome cérébelleux statique avec élargissement du polygone de sustentation, ataxie à la marche, dysarthrie et nystagmus horizontal bilatéral. Le 26 janvier 2017, la patiente a subi une intervention de conversion du bypass en oméga en bypass sur anse en Y par cœlioscopie, en raison d'une malabsorption.
Le défaut d'apport en vitamines et en oligoéléments subi du 6 mai 2014 au 3 juillet 2014 est directement à l'origine d'une encéphalopathie carentielle ayant entraîné un syndrome cérébelleux statique avec une dysarthrie importante, un nystagmus bilatéral ainsi que des troubles neurocognitifs. Cette carence est intervenue la suite de l'opération de sleeve-gastrectomie subie le 6 mai 2014 qui a rendu la patiente incapable de s'alimenter par voie digestive et a conduit à la placer sous alimentation parentérale exclusive.
Les diététiciennes et les infirmières qui ont pris en charge la patiente à partir du 30 mai 2014, date de son transfert à l'HEGP, n'ont pas pris en compte le diagnostic acquis par l'équipe médicale, notamment la sténose totale gastrique dont elle était victime, pour adapter en conséquence son alimentation.
Les fautes initiales à l'origine de la nécessité de l'alimentation parentérale, constituées par la suture accidentelle, puis par le retard au diagnostic et au traitement de celle-ci, ont été commises par le chirurgien du centre médico-chirurgical de Morlaix, ce qui engage sa responsabilité. L'AP-HP reconnaît les fautes retenues par les experts, mais soutient que, sans les fautes d’origine commises au centre médico-chirurgical de Morlaix, le dommage ne se serait pas produit.
En outre, selon l'AP-HP, il n'est nullement établi qu'un apport en vitamines et en oligoéléments dès l'admission au sein de l'HEGP aurait permis d'éviter, de manière certaine, la survenance de troubles neurologiques dus à la carence subie depuis 24 jours au centre médico-chirurgical de Morlaix.
Toutefois, la patiente n’avait pas subi l'intégralité des dommages résultant de cette carence avant son transfert à l'HEGP, alors que la prolongation de la carence en vitamines et en oligoéléments à l'HEGP pendant 34 jours a aggravé les dommages. Dans ces conditions, cette carence de l'HEGP est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP.
L’AP-HP est retenue comme responsable pour la moitié des dommages subis.
Le choix thérapeutique inadapté et une prise en charge insuffisante tant dans sa préparation que dans son exécution, constituent des fautes de nature à engager la responsabilité. (CAA de Nantes, 25 février 2022, n° 19NT01850)
Un patient souffrait, depuis l'âge de 25 ans, de crises de lombalgies qui duraient quelques jours. En octobre 2012, alors âgé de 41 ans, il a présenté une crise de lombosciatique droite. Son médecin traitant a prescrit un scanner lombaire et les douleurs ont régressé sous l'effet du traitement médical et de séances de kinésithérapie.
Le 27 juillet 2013, il a été atteint d'une nouvelle crise de lombosciatique droite. Pris en charge par le service des urgences de l'hôpital de Flers, qui lui prescrit un traitement médical, il lui a été conseillé de s'orienter vers un spécialiste en chirurgie du rachis. C'est dans ces conditions qu’il a consulté, le 8 août 2013, un chirurgien du service de neurochirurgie du CHU de Caen. Ce chirurgien a diagnostiqué « des lombalgies chroniques ainsi qu'une sciatique S1 droite avec paresthésies L5 droites » et une « hernie discale volumineuse en L5-S1 droite avec une discopathie importante » pour laquelle une « arthrodèse circonférentielle est de rigueur ».
Le chirurgien a décidé d'opérer rapidement le patient, le 24 septembre 2013, pour un retour à domicile le 27 septembre.
Toutefois, en raison de la persistance des douleurs, le patient a été revu en consultation les 18 et 24 octobre 2013 par le chirurgien puis par la cheffe du service de neurologie et un médecin de l'hôpital spécialisé dans la douleur. À compter du 14 août 2014, il a été pris en charge par un nouveau chirurgien de l'hôpital qui, après avoir réalisé un bilan par IRM complémentaire, a proposé une reprise chirurgicale, opération effectuée le 22 juin 2015. Le patient a quitté le service quatre jours après l'intervention, sans complication. Il a ressenti, grâce à cette opération, une amélioration quant aux douleurs lombaires mais une persistance des douleurs neuropathiques séquellaires et une raideur du dos avec des lombalgies, ce qui nécessite une prise en charge kinésithérapeutique régulière.
Pour la pathologie dont souffrait le patient, la bonne pratique est de proposer préalablement à toute intervention chirurgicale, une prise en charge rééducative avec éventuellement des infiltrations qui doivent être prescrites par le médecin spécialiste alors même que le médecin traitant ne les aurait pas conseillées.
Surtout, en présence d'un patient relativement jeune souffrant d'une lombosciatique, il n'est pas proposé d'emblée une arthrodèse avec laminectomie, qui connaît un taux d'échec de l'ordre de 20 à 25 %, mais une chirurgie plus simple de discectomie ou, éventuellement, une prise en charge médicale et rééducative.
L'opération réalisée le 24 septembre 2013 était inadaptée à la pathologie pour avoir été proposée d'emblée alors qu'une autre thérapie présentant moins de risque aurait dû être mise en œuvre. De plus, cette opération s'est avérée incomplète du fait que les foramens n'ont pas été libérés convenablement. Le montage était insuffisant, ce qui a nécessité une nouvelle opération, le 22 juin 2015, avec une reprise d'arthrodèse, l'ablation du matériel d'ostéosynthèse postérieure et la mise en place d'une cage intersomatique.
Le choix thérapeutique inadapté décidé lors de la prise en charge le 24 septembre 2013, laquelle était en outre insuffisante tant dans sa préparation que dans son exécution, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHU de Caen.
La prise en charge proposée d’emblée n'était pas adaptée à la pathologie et a fait perdre au patient une chance d'améliorer son état de santé et d'échapper à son aggravation.
Le patient, certes, souffrait déjà de crises de lombalgies de courte durée s'intensifiant dans le temps, et il aurait dû, en tout état de cause, subir une intervention chirurgicale. Un bilan IRM lombaire et la pose d'un corset auraient été nécessaires. Mais ceci reste sans incidence pour apprécier la perte de chance du patient de voir son état de santé s'améliorer ou ne pas s'aggraver du fait d'une prise en charge inadaptée et insuffisante. L'ampleur de cette perte de chance est estimée à 50 %.
Dans un contexte mettant en jeu le pronostic vital, et alors qu’aucune autre prise en charge thérapeutique n'était envisageable, l’option est l’« escalade thérapeutique », avec les risques de complications. (CAA de Paris, 15 février 2022, 20PA02582)
Une enfant, alors âgée de neuf ans, qui souffrait de douleurs abdominales, de vomissements et d'une forte fièvre, a été hospitalisée le 18 juillet 2007 au sein du service des urgences de l'hôpital Robert-Debré. Un syndrome néphrotique a été diagnostiqué, et a été traité par corticothérapie à compter du 22 juillet 2007. À partir de cette date et à la suite de rechutes, l'enfant a été hospitalisée à plusieurs reprises au sein du service de néphrologie. La corticothérapie a été poursuivie et un traitement à base d'immunodépresseurs lui a également été administré. L’enfant a par ailleurs souffert de difficultés respiratoires consécutives à un épanchement pleural, qui se sont aggravées.
En décembre 2007, l’enfant a été transférée en réanimation pédiatrique, à l'hôpital Robert-Debré. Le 9 décembre 2007, son état respiratoire s'est encore dégradé. Le 13, la présence d'un Candida albicans et d'un virus respiratoire syncytial a été mise en évidence. Du 17 au 24, l'état de l'enfant s'étant brutalement aggravé, le traitement à base de corticoïdes a alors été augmenté et une assistance respiratoire extracorporelle mise en place. Le 23, l’enfant a été transférée dans le service de réanimation du département de chirurgie cardiovasculaire de l'hôpital européen Georges-Pompidou. À la suite d'une nouvelle dégradation de son état, une biopsie pulmonaire a été réalisée, qui a révélé l'existence d'une fibrose extensive, sans possibilité de récupération.
La réalisation d'une transplantation cœur-poumon a été consécutivement écartée par un staff multidisciplinaire. Dans la nuit du 6 janvier 2008, l'état de l’enfant s'est aggravé avec l'apparition d'un pneumothorax bilatéral compressif. Après retrait de l'assistance respiratoire, l'enfant est décédée le 7 janvier 2008.
La mère soutient, en se prévalant d'études, qu'en cas de corticorésistance et d'absence d'amélioration de la protéinurie, une biopsie rénale doit être réalisée et qu'un surdosage de corticothérapie, a fortiori conjugué à l'administration d'immunosuppresseurs, peut avoir des conséquences particulièrement dramatiques, entraîner des effets secondaires pulmonaires et infectieux. Dans un contexte de risque infectieux important, majoré dans le cadre d'administration de doses importantes de corticoïdes, l'administration du traitement a entraîné une infection pulmonaire et un syndrome de détresse respiratoire aiguë dans les 48 heures suivant l'injection du produit. De plus, la survenance n’a été contrôlée que tardivement par la réalisation d'une biopsie pulmonaire qui a mis en évidence l'existence d'une fibrose, sans espoir de récupération en l'absence d'alvéoles.
Aussi, ce n’est pas l'état antérieur de l’enfant et l'absence d'alternative aux traitements administrés qui a conduit au décès, mais les trop forts dosages de corticoïdes et le choix de prescrire du rituximab.
Le décès de l'enfant est survenu dans un contexte d'insuffisance respiratoire aiguë, associée à des insuffisances cardiaque et rénale sévères. Plusieurs facteurs ont pu intervenir dans l'explication de ce syndrome : un œdème pulmonaire par surcharge chez une patiente anurique et néphrotique, une surinfection pulmonaire virale et possiblement mycotique ainsi que bactérienne à l'occasion d'un sepsis à point de départ digestif, une décompensation cardiaque aiguë et une pneumopathie interstitielle aiguë secondaire au rituximab.
Eu égard à la gravité de la maladie sous-jacente, à savoir un syndrome néphrotique sévère corticodépendant, il n'existait malheureusement pas d'autre alternative pour tenter de sauver l'enfant qu'une « escalade thérapeutique », quand bien même celle-ci devait-elle avoir pour conséquence attendue une immunodépression importante et un risque infectieux consécutif, difficilement évitables, sans possibilité de contrôle in fine du processus pathologique. Aussi, l'administration de traitements immunosuppresseurs était nécessaire et inévitable.
Dans un contexte mettant en jeu le pronostic vital, où aucun autre choix de prise en charge thérapeutique n'était envisageable, le risque de complication infectieuse pulmonaire qui s'est réalisé, entraînant la survenance d'un œdème pulmonaire, puis d'une défaillance respiratoire, nécessitaient, sans alternative possible, l'administration d'un traitement d'immunosuppression.
Le diagnostic et le traitement ont été rapides et les traitements proposés font partie des choix classiques recommandés.
La surveillance, à la fois clinique et biologique, a été constante, tant au cours des différentes hospitalisations qu'à domicile.
La complication – à savoir la défaillance respiratoire – a été observée au cours de l'hospitalisation et a justifié le transfert rapide en réanimation sans qu'une faute n'ait été commise du fait de l'absence de réalisation précoce de biopsies rénale et pulmonaire, le choix ayant été fait, à juste titre, d'administrer de nouveaux corticoïdes.
Aussi, la prise en charge a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque des faits. Les protocoles suivis ont été conformes à ceux attendus et il n'y a eu aucune perte de chance pour l'enfant de se soustraire à l'issue fatale du fait de l'AP-HP.
Un délai de 35 minutes entre le diagnostic de rupture utérine et la césarienne est anormalement long, mais l'unique salle opératoire de la maternité dont disposait le centre hospitalier était déjà occupée par une parturiente qui devait également subir une césarienne en urgence. (CAA de Nantes, 4 février 2022, 21NT00243)
Une femme a donné naissance, le 27 avril 2012, a un premier enfant par la voie de la césarienne, opération qui s'est, ensuite, compliquée par des saignements utérins.
Au cours de sa seconde grossesse, elle a été prise en charge par le centre hospitalier de Redon. Le 9 août 2014, alors qu'elle devait accoucher par voie basse, elle a donné naissance à une fille après une césarienne pratiquée en urgence pour suspicion de rupture utérine. L'enfant est née avec un score de vitalité très faible, et a immédiatement été prise en charge en réanimation. Elle est restée affectée de graves séquelles neurologiques et est décédée le 18 septembre 2016 d'un arrêt cardiaque, dans les suites d'un encombrement bronchique survenu à domicile.
Il résulte du rapport des experts et des recommandations émises en 2012 par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) pour la pratique clinique concernant les accouchements en cas d'utérus cicatriciel, que l'accouchement pratiqué en première intention par tentative de voie basse après césarienne (TVBAC), présente un risque limité d'environ 0,2 à 0,8 %, soit un risque supérieur à celui d'une césarienne programmée après césarienne (CPAC). La TVBAC reste néanmoins, selon les recommandations du CNOGF, l'option à privilégier dans la grande majorité des cas.
Il n'y avait pas d'indication pour réaliser, avant le travail, une césarienne. Par suite, le centre hospitalier de Redon a pu, sans commettre de faute, décider de procéder à une TVBAC en première intention.
Le secteur de naissance d’un établissement tel le centre hospitalier de Redon doit disposer d'au moins une salle d'intervention de chirurgie obstétricale, permettant, y compris en urgence, la réalisation de toute intervention chirurgicale abdomino-pelvienne liée à la grossesse ou à l'accouchement nécessitant une anesthésie générale ou loco-régionale (CSP, Art. D. 6124-41).
Le travail avait débuté à 9 h 29. La mère s'est plainte de douleurs abdominales violentes à partir de 15 h 30. Après que le diagnostic d'une rupture utérine a été posé à 15 h 40, la parturiente a été prise en charge en urgence pour un accouchement par césarienne. Selon le compte-rendu opératoire, la mère est arrivée en salle d'intervention à 16 heures, soit vingt minutes après la pose du diagnostic et l'incision a été réalisée à 16 heures 10. La naissance est intervenue à 16 h 15.
Selon le rapport d'expertise, un délai de 35 minutes entre le diagnostic de rupture utérine et la césarienne est anormalement long étant donné l'urgence de la situation, la prise en charge devant se faire, en règle générale, dans un délai qui ne saurait excéder vingt minutes.
Toutefois, lorsque la rupture utérine s'est produite, l'unique salle opératoire de la maternité dont disposait le centre hospitalier était déjà occupée par une parturiente qui devait également subir une césarienne en urgence.
Dans ces conditions, eu égard aux préparatifs préalables indispensables pour assurer la prise en charge de la requérante en salle d'opération, le délai observé pour que la mère puisse effectivement occuper cette salle s’explique. Compte tenu de ce délai de vingt minutes, le transfert vers une autre maternité n’aurait pas permis d'assurer sa prise en charge dans de meilleurs délais.
Les parents ne sauraient faire grief à l'établissement hospitalier de ne disposer que d'une salle d'intervention de chirurgie obstétricale dès lors que la structure est conforme aux dispositions précitées de l'article D. 6124-41 CSP.
Par suite, le retard retenu par les experts ne saurait être regardé comme constituant une faute, ce retard étant dû au fait que l'établissement hospitalier était confronté à un concours de circonstances exceptionnelles par la survenue simultanée de deux césariennes à réaliser en même temps.
Les recommandations du CNOGF ont été respectées s'agissant de la présence d'un obstétricien maîtrisant les techniques de chirurgie d'hémostase, de l'information de l'obstétricien de garde en début de travail et du suivi du travail par la même personne dès lors que ces circonstances sont sans lien avec le dommage qui est advenu.
Au surplus, l'obstétricien qui a réalisé la césarienne est qualifié en chirurgie gynécologique et il était assisté par un chirurgien général. C'est ce même obstétricien qui a vu la mère en consultation le jour de l'accouchement, à 7 h 30, lui expliquant notamment les risques et les avantages d'un accouchement par voie basse.
De même, la mère a été laissée vingt minutes dans le couloir sans surveillance du rythme cardiaque fœtal alors que le centre hospitalier ne disposait pas de monitoring mobile. Or, d’une part, ce fait est sans lien avec le dommage dès lors que cette absence de surveillance est intervenue après la survenance de la rupture utérine et pendant la prise en charge en urgence de la parturiente pour la transférer en salle d'opération. D’autre part, si les experts regrettent l'absence du monitoring, ils notent toutefois que les moyens techniques étaient conformes et que la cause principale du dommage résulte dans le délai trop long entre le diagnostic et la césarienne.
Présente un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. (CAA de Douai, 1er février 2022, n° 20DA01230)
Le 7 décembre 2014, un homme souffrant d'une polypose adénomateuse familiale qui avait nécessité une colectomie totale en 2008, a été admis au centre hospitalier de Lens pour y subir une intervention chirurgicale aux fins de coloprotectomie avec anastomose iléo-anale, après la découverte de nombreux polypes au niveau rectal.
L'intervention a eu lieu le 8 décembre et a permis de libérer la totalité du grêle jusqu'à l'anastomose iléo-rectale, mais dans la nuit du 10 au 11, le patient a présenté une hyperthermie avec tachycardie. Un écoulement purulent de la cicatrice a été constaté le 16 décembre avec vomissements. Un scanner abdominal réalisé le 19 a objectivé une péritonite avec de multiples plages liquidiennes. Le 22, des examens microbiologiques ont mis en évidence une infection au germe Escherichia coli et la survenue d'un nouveau choc septique brutal a nécessité une intervention chirurgicale de reprise. Le 30 janvier 2015, un prélèvement sanguin a mis en évidence la présence de la bactérie Pseudomonas aeruginosa.
Le 4 février, le patient a pu regagner son domicile en dépit de la persistance d'un écoulement modéré au niveau de la cicatrice. Il est resté sous antibiothérapie et a bénéficié de soins infirmiers biquotidiens. Dans le cadre de son suivi médical, une fistule qui alimentait la suppuration pariétale chronique a été remarquée. Elle s'est refermée spontanément quelques mois plus tard mais sa réouverture en octobre 2015 a nécessité plusieurs interventions chirurgicales urgentes entre octobre et décembre 2015.
Les suites de ces opérations ayant été satisfaisantes, le patient a pu reprendre son activité professionnelle à mi-temps thérapeutique le 6 juin 2016, puis à plein temps à compter du 1er septembre 2016.
Les établissements de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (CSP, Art. L. 1142-1). Présente un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
Dans les suites de l'intervention chirurgicale pratiquée le 8 décembre 2014, le patient a subi une inflammation aiguë du péritoine ayant une origine infectieuse par fistule anastomotique. Cette péritonite dite par fistule est considérée comme une complication connue en chirurgie digestive, dont le taux de survenue s'élève à 6 % des cas, et elle ne peut être attribuée à une faute dans la réalisation du geste de coloprotectomie avec anastomose iléo-anale.
En revanche, cette complication révèle la survenue d'un mécanisme infectieux au cours de la prise en charge du patient. Ainsi, à deux reprises, le 22 décembre 2014 s'agissant du germe Escherichia coli puis le 30 janvier 2015 s'agissant du Pseudomona aeruginosa, la présence des deux germes à l'origine de cette infection puis de la surinfection au niveau pariétal a été constatée. Or, le patient n'avait pas encore rejoint son domicile et rien n’indique que ces deux infections auraient été présentes ou en incubation avant la prise charge au centre hospitalier de Lens.
S'agissant de la première infection à Escherichia coli, rien ne montre qu'elle aurait une origine autre que cette prise en charge, alors que ce germe n'a pu devenir pathogène qu'en raison de l'intervention elle-même. S'agissant de la surinfection, au niveau pariétal, à Pseudomona aeruginosa, le centre hospitalier de Lens ne prouve pas qu'elle aurait une autre origine que la prise en charge hospitalière. Dans ces conditions, le centre hospitalier de Lens doit être tenu pour responsable de ces deux infections nosocomiales.