Dominique Reynaert est directrice des soins à l’hôpital Foch de Suresnes. Elle revient sur son parcours et nous explique en quoi le management participatif est à ses yeux un outil précieux pour accomplir ses missions prioritaires : veiller à la qualité de la prise en charge des patients et à la qualité de vie au travail des soignants.
Directrice des soins à l’hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine) depuis 2010, Dominique Reynaert a toujours été animée par l’envie de participer activement au management hospitalier pour « être décideur, s’impliquer dans les décisions des organisations et des circuits patients ».
Diplômée d’État en 1987, elle a réalisé l’essentiel de sa carrière au sein de cet hôpital, d’abord comme infirmière pendant 8 ans, puis en tant que cadre en service de réanimation. « Un service très technique, mais aussi caractérisé par un important relationnel avec les patients et les familles », se souvient-elle. En 2003, elle a évolué comme cadre supérieur. Les deux premières années, elle a exercé en hospitalisation à domicile – sa seule « infidélité » à l’hôpital Foch –, une expérience qui lui a permis de découvrir le management à distance, avant de réintégrer l’établissement. « Dans ma vision hospitalière, il me manquait l’avant et l’après, ces moments de vie du patient en dehors de l’hôpital, où il retrouve son autonomie dans son parcours de vie. Je me suis questionnée sur la manière dont l’hospitalisation à domicile peut être une alternative ou non à l’hospitalisation et cette expérience a été très enrichissante en termes de management et de connaissance des parcours des patients. »
Dominique Reynaert a toujours pratiqué un management par projet et participatif. « En tant que cadre, je pouvais impulser des projets de réflexion, par exemple sur les conditions de travail, le parcours des patients ou le développement des compétences des infirmiers et aides-soignants. Pour moi, le management est un travail d’équipe dans lequel le cadre apporte son expertise et sa singularité. Au fil des années, j’ai été attirée par la possibilité de faire de la coordination, de créer ensemble, de développer mon leadership et celui de l’équipe. »
En tant que directrice des soins, elle poursuit deux grandes missions. Tout d’abord, veiller à ce que les bonnes pratiques soient respectées dans la prise en charge des patients. « Mon rôle dans ce cadre est de coordonner des actions pour m’assurer que la prise en charge est effectuée dans la sécurité, la bienveillance, que l’individu est pris en considération à part entière à l’hôpital et bénéficie de soins personnalisés. » Parallèlement à l’attention portée aux patients, son rôle consiste aussi à soigner l’environnement de travail du personnel soignant. « À mon niveau, mais aussi à celui des cadres supérieurs, des cadres et de l’institution, il est essentiel de se préoccuper du potentiel de l’équipe. Si on veut que les personnels soignants prennent en charge correctement les patients, il faut aussi les soigner, donner du sens à leur travail. En cela, les cadres ont un devoir d’exemplarité et d’accompagnement. »
À ses débuts comme cadre de santé, Dominique Reynaert avait, comme tout novice, un regard idéaliste de la fonction. Il lui a fallu accepter de consacrer beaucoup de temps à la gestion des stocks et des plannings, à une époque où l’informatique était encore naissant. « Aujourd’hui encore, la gestion des plannings prend un temps fou !, déplore-t-elle. Avec le Covid, la fatigue des équipes, l’absentéisme, les cadres comme les équipes soignantes peuvent ressentir une perte de sens dans leur travail. Ils sont en quête d’une qualité de travail que l’on a du mal à leur donner. »
Pourtant, Dominique Reynaert a toujours eu le soutien de la direction de l’Hôpital Foch, ce qui explique d’ailleurs qu’elle ait effectué l’essentiel de sa carrière au sein de cet établissement. « J’ai la chance de travailler dans une structure qui porte un regard très attentif aux équipes soignantes. Cela a même été renforcé avec la crise des vocations et le départ d’infirmières. Bien que nous soyons confrontés à des postes vacants, nous avons toujours essayé de préserver un ratio soignant/soigné supérieur à la moyenne générale. Nous comptons 1 infirmier pour 10 patients, voire moins dans certains services, alors que la moyenne est plutôt généralement de 1 infirmier pour 12 patients en chirurgie et 14 en médecine. Cela permet de travailler avec une certaine sérénité. »
L’architecture de l’établissement, bâti au 20e siècle, facilite cette organisation : deux binômes d’infirmiers et aides-soignants (ou un binôme la nuit selon la typologie de patients) sont présents sur chacune des ailes du bâtiment, qui comptent 18 à 22 lits. « Il arrive de devoir faire des arbitrages pour respecter l’équilibre financier, admet Dominique Reynaert. Mais l’établissement fait preuve d’une réelle considération envers les personnels soignants et a la volonté de maintenir des effectifs suffisants, ce qui est essentiel pour ne pas faire fuir les personnels ni mettre les patients en danger. »
Pour renforcer la qualité de vie au travail, les soignants ont accès à des séances de sophrologie, massage assis ou allongé, ont à leur disposition des fauteuils de relaxation et une mini-salle de sport… « Les paramédicaux ne les utilisent pas autant que ça, confie-t-elle, mais cela existe, c’est un moyen de souffler, de se poser avant ou après leur prise de poste. C’est aussi une marque de considération de la part de la direction de l’établissement. »
À l’image du concept d’"hôpital magnétique", où il fait bon travailler, qui se répand notamment au Canada et en Belgique, Dominique Reynaert veille à ce que tous les personnels paramédicaux (infirmiers, manipulateurs en radiologie, aides-soignants, kinésithérapeutes, secrétaires, diététiciens, techniciens de laboratoire) et les sages-femmes travaillent dans de bonnes conditions. « Pendant leurs études, on met l’accent sur la bienveillance, le soin relationnel dans la prise en charge des patients. Mais s’ils ne retrouvent pas ces concepts sur leur terrain de stage, ils peuvent « blacklister » un établissement, voire ne pas se projeter dans le métier dont les valeurs et l’image qu’ils s’en font ne correspondent pas à la réalité. La construction de l’identité professionnelle est délicate lorsque ces jeunes se retrouvent confrontés à des personnels usés, qui ne leur portent pas forcément l’attention nécessaire pour réussir leur intégration. »
Dominique Reynaert concède ne pas avoir de recette miracle. Mais elle sensibilise les cadres sur l’importance de maintenir la meilleure ambiance possible de travail. « En Commission médicale d’établissement, j’insiste sur ce point, et la communauté médicale adhère car je pense que les médecins ont ces mêmes sujets de préoccupation avec les internes. »
Nourrir le besoin de formation des personnels soignants est un autre défi à relever en cette période tendue. « C’est un véritable enjeu de maintenir et de développer les connaissances des équipes, souligne la directrice des soins. Pour tout infirmier, il est important d’apprendre à développer la clinique infirmière, de comprendre les décisions médicales, d'approfondir ses connaissances dans le soin et les pathologies afin de mieux faire le lien entre les soins prodigués et les prescriptions médicales. Bien sûr, il est difficile pour les cadres de laisser partir leur personnel en formation lorsqu’il y a des postes vacants... mais c’est essentiel ! Dans tous les cas, il faut être attentif à l’individu pour savoir comment l’aider à construire son identité professionnelle et développer sa compétence technique, clinique. C’est le rôle des cadres des unités, qui aujourd’hui peuvent être englués dans une gestion complexe liée au Covid, à l’urgence, au nombre de lits disponibles… et moins agiles pour passer plus de temps avec l’équipe ou la personne qui en a besoin. Ce n’est pas simple à vivre pour eux mais il faut être hyper-vigilant dans cette écoute, montrer l’exemple dans la posture et la tenue professionnelle. »
Pour varier les modes de formation, elle a initié dès 2012 la création d’une chambre des erreurs médicamenteuses au sein de l’Hôpital Foch. À raison de trois sessions par an, sur des scénarios différents, les soignants sont sensibilisés par des méthodes pédagogiques de type formation-action à l’importance de la sécurité médicamenteuse. « Cette chambre des erreurs nous permet de former 200 personnels, de jour et de nuit, en une semaine. Devant le succès que nous avons rencontré, nous avons décidé de l’étendre à d’autres contenus : la sécurité transfusionnelle, l’hygiène, les accidents d’exposition au sang », explique-t-elle.
Le fonctionnement est désormais bien rodé : un copil se réunit 4 fois par an en présence d’un référent par thème, chargé d’imaginer de nouveaux scénarios pour que les soignants soient toujours dans la découverte. « Au début, les séances étaient individuelles, désormais ce sont des sessions collectives de 30 minutes à une heure ; nous fournissons un contenu aux participants en amont, un scénario, et nous débriefons à l’issue de la séance. » Réalité virtuelle, serious game, escape game… de nombreux outils sont utilisés pour renforcer l’impact des formations.
Autant d’initiatives au service d’un hôpital qui revendique son implication dans l’expérience patient, une réflexion visant à « transformer la manière de penser le parcours de soins à l’hôpital et de renouveler la pratique d’implication des publics » en faisant du patient un acteur à part entière de l’écosystème hospitalier.