pratique hospitalière
DROIT
Fautes de l’État pendant la pandémie de Covid-19, éventuelles conséquences des vaccinations obligatoires, inhumation d'en enfant mort-né, défaut d’information et préjudice d’impréparation, défenestration d’un patient en cure de désintoxication, prise en charge urgente d’une cardiopathie, prise en charge d’un état comicial ou d’un AVC grave... Quelques décisions de jurisprudence en matière de santé publique et de responsabilité hospitalière.
L’insuffisance des masques disponibles et le discours officiel affirmant le port du masque inutile sont des fautes, mais elles n’engagent la responsabilité que si est apportée la preuve d’un lien de causalité avec les données cliniques, en l’occurrence une pneumonie liée au coronavirus (Tribunal administratif de Paris, 28 juin 2022, n° 2012679)
Hospitalisée du 21 au 30 mars 2020 pour une pneumonie liée au coronavirus, une femme a engagé un recours en responsabilité contre l’État.
Elle soutient que la décision de confiner la population a été trop tardive, que la politique de dépistage a été insuffisante et que l’État est responsable de la pénurie de gel hydroalcoolique au début de l’épidémie. Ces éléments sont écartés. Le juge relève en particulier que les réactifs pour le dépistage manquaient dans le monde entier et que l’on pouvait se laver les mains avec de l’eau et du savon.
Plusieurs rapports nationaux et internationaux avaient souligné l’importance des masques, et l’État s’était fixé, dès 2009, l’objet d’acquérir un milliard de masques FFP2 et un milliard de masques chirurgicaux. Or, au début de la pandémie, le stock d’État était constitué de 117 millions de masques chirurgicaux et de 1,5 million de masques FFP2. De telle sorte, l’État a commis une faute en s’abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène.
Le gouvernement affirmait alors l’inutilité du masque pour la population générale. Or, les recommandations scientifiques disponibles faisaient état de l’utilité du port de masques respiratoires par la population générale, notamment dans les transports en commun, dans l’hypothèse de la survenue d’une épidémie causée par un agent respiratoire hautement pathogène. Ainsi, de telles déclarations, qui ont pu avoir notamment pour effet de dissuader la population d’avoir recours à des masques alternatifs, revêtent, compte tenu de leur caractère contradictoire avec les données scientifiques disponibles, un caractère fautif.
Le tribunal retient ensuite quatre éléments de contexte :
- la nature particulièrement contagieuse du virus responsable de la Covid-19 et au caractère néanmoins aléatoire de sa transmission d’un individu à un autre,
- l’absence de caractère infaillible de la mesure de prévention que constitue le port d’un masque respiratoire,
- les autres mesures disponibles pour se protéger, en particulier le respect de distances physiques et le lavage régulier des mains, dont l’application a été largement recommandée par les autorités françaises,
- l’absence de tout élément particulier sur la situation personnelle de la requérante.
Ainsi, les fautes commises – l’absence de mise à disposition de masques et la communication fautive – ne présentent un lien de causalité suffisamment direct avec la contamination de la patiente par le virus responsable de la Covid-19. Le recours est rejeté.
L’Etat, via l’Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), assume la responsabilité sans faute des vaccinations obligatoires, mais il faut que soit établi, de manière scientifique, un lien de causalité entre les troubles médicaux et la vaccination en cause. (CAA de Nantes, 1er juillet 2022, 21NT02721)
Une infirmière a été vaccinée à plusieurs reprises entre 1992 et 2002, à titre obligatoire (CSP, art. L. 3111-4) en raison de ses activités professionnelles, d'une part contre l'hépatite B et, d'autre part, contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. À partir de novembre 2007, elle a ressenti divers troubles à type de paresthésie et de fourmillements dorso-lombaires, et les a attribués à des symptômes d'une myofasciite à macrophages. Cette pathologie a été diagnostiquée en avril 2009. L’infirmière considère que ces symptômes sont en lien avec ses vaccinations.
La réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire est assurée par l'Oniam (CSP, art. L. 3111-9).
Lorsqu'il est saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, le juge doit tout d'abord s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un lien existe entre l'injection du vaccin et les symptômes attribués à la pathologie dont cette personne est atteinte.
S’il ressort de l'état des connaissances scientifiques qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, il rejette les demandes d’indemnisation. Dans l'hypothèse inverse, il procède à l'examen de toutes les circonstances de l'espèce et il ne peut retenir l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires et les symptômes ressentis par la personne que si ceux-ci sont apparus postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents. Enfin, il vérifie que ces troubles ne résultent pas d'une autre cause que ces vaccinations.
La probabilité d'un lien de causalité entre des vaccins comportant ou non des adjuvants aluminiques et la survenue d'une symptomatologie spécifique liée à une lésion histologique de myofasciite à macrophages sont débattus, et avant tout chose, la Cour demande à l'Académie nationale de médecine de présenter des observations écrites, de caractère général, de nature à l'éclairer sur le point de savoir si, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'y a aucune probabilité qu'un lien de causalité existe entre la survenue de symptômes pouvant se rattacher aux manifestations cliniques caractéristiques d'une myofasciite à macrophages et l'administration de vaccins comportant des adjuvants aluminiques, et éventuellement d'autres vaccins ne comportant pas de tels adjuvants.
Affaire à suivre.
S’agissant de l’inhumation d’un enfant mort-né, l’hôpital doit respecter les dispositions définies par décret, et non la circulaire de 2019, qui n’a pas de valeur juridique (CAA de Nantes, 1er juillet 2022, n° 21NT02616).
Une femme, née en 1993, enceinte de son deuxième enfant, a été prise en charge par le service des urgences d’un centre hospitalier le 7 août 2013, en raison d'un risque imminent d'accouchement prématuré et elle a accouché, le même jour, à 20h20, d'un enfant né sans vie.
Le lendemain de l'accouchement, le 8 août 2013, alors qu'ils quittaient le centre hospitalier, les deux parents ont signé un document prévoyant que les formalités de l'inhumation soient effectuées par le centre hospitalier en leur lieu et place.
Le centre hospitalier ayant obtenu le 9 août 2013, l'autorisation de crémation délivrée le maire de la commune, par un courrier du 13 août 2013, il a informé les parents qu’il ne serait pas procédé à une autopsie, médialement non justifiée, et il a fait procéder à la crémation du corps de l'enfant le 13 août 2013 au sein du crématorium de la commune de l’établissement.
Dans une démarche du 2 août 2018, la mère demande l'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait de la faute commise par le centre hospitalier dans la prise en charge de la dépouille mortelle de son enfant.
La circulaire interministérielle du 19 juin 2009(1) demande aux médecins d’informer les parents des différentes possibilités de prise en charge du corps de l'enfant.
Les médecins n’ont pas délivré les informations en question, mais il n’en résulte pas une illégalité fautive, dès lors que les ministres qui ont édicté les dispositions de cette circulaire n’avaient la compétence pour ce faire, de telle sorte que cette circulaire n’a pas de valeur réglementaire.
Un médecin n'est pas tenu de faire droit à la demande des proches de pratiquer une telle autopsie, la décision devant reposer sur une indication médicale (CSP, art. L. 1211-2, L. 1232-1 et L. 1232-4).
Les médecins ayant procédé à la prise en charge en litige disposaient d'éléments pour déterminer les causes de la mort de l'enfant, et l’autopsie n’était pas justifiée.
La famille ou, à défaut, les proches, disposent d'un délai de dix jours pour réclamer le corps de la personne décédée dans l'établissement. La mère ou le père dispose, à compter de l'accouchement, du même délai pour réclamer le corps de l'enfant pouvant être déclaré sans vie à l'état civil (CSP, art. R. 1112-75).
En cas de non-réclamation du corps dans le délai de dix jours, l'établissement dispose de deux jours francs pour prendre les mesures en vue de procéder, à sa charge, à la crémation du corps de l'enfant pouvant être déclaré sans vie à l'état civil ou, lorsqu'une convention avec la commune le prévoit, en vue de son inhumation par celle-ci (CSP, art. R1112-76 II).
La mère n’a pas réclamé la dépouille de l'enfant après le 8 août 2013, et notamment après avoir été informée, par un courrier du 13 août 2013, qu'il ne serait pas procédé à une autopsie. Sa première réclamation a été bien postérieure. Vu les circonstances, en procédant à l'inhumation de l'enfant avant l'expiration du délai de dix jours, le centre hospitalier n'a pas commis de faute.
La mère n'a pas été informée de la date et du lieu de la crémation de son enfant. Ce fait, pour regrettable qu'il soit, ne constitue pas une faute, dès lors qu'aucune disposition législative ne prévoit l'obligation de délivrer cette information, alors au surplus que les parents avaient consenti à la prise en charge de l'inhumation de leur enfant par le centre hospitalier.
Le défaut d’information, qui est une faute, n’engage la responsabilité que si cette faute a fait perdre au patient des chances d’éviter le dommage. Si tel n’est pas le cas, doit être analysée l’existence d’un préjudice d’impréparation (CAA de Douai, 21 juin 2022, n° 20DA00225)
Présentant une tuméfaction graisseuse du creux axillaire gauche (lipome), une femme alors âgée de quarante-huit ans, a consulté le 24 mai 2013 un praticien d’un centre hospitalier à la demande de son gynécologue. Après la réalisation d'une mammographie, d'une échographie et d'une IRM, une intervention chirurgicale a été pratiquée dans cet établissement le 16 juillet 2013 pour une exérèse de ce lipome. À la suite de l'apparition d'une masse lymphatique douloureuse au niveau de la cicatrice, plusieurs ponctions ont été réalisées ainsi que des examens bactériologiques qui n'ont révélé aucune infection.
Toutefois, la patiente a présenté des complications postopératoires par l'apparition de douleurs persistantes au membre supérieur gauche et au niveau de l'épaule, et un syndrome douloureux régional complexe a été diagnostiqué. La pratique clinique n’est pas en cause, mais la patiente fait valoir le défaut d’information.
Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent, ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (CSP, art. L. 1111-2). Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Elle est délivrée au cours d'un entretien individuel.
Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.
La patiente a été suffisamment informée sur l'intervention chirurgicale envisagée lors de plusieurs consultations en pré-opératoire dont l'une pré-anesthésique le 27 juin 2013, mais aucune information préalable sur le risque de possibles complications postopératoires, en particulier sur le risque d'écoulement lymphatique et sur le retentissement sur l'épaule, ne lui a été donnée. L’apparition de ces risques en postopératoire n'est pas rare, et cette information aurait dû être portée à la connaissance de l'intéressée. La faute est établie.
Le seul traitement possible de la masse douloureuse du creux axillaire, qui aurait continué à grossir et serait devenue ainsi de plus en plus invalidante et qui nécessitait un examen anatomo-pathologique pour en affirmer la bénignité, était la chirurgie, dont le retard n'était pas envisageable. Il ne serait pas raisonnable de soutenir que la patiente, informée de ces risques. aurait pu se soustraire à cette intervention si l’on tient compte de l'état de santé, de son évolution prévisible, du risque de développer une affection maligne et en l'absence d'alternative thérapeutique à l'intervention chirurgicale. Dès lors, le manquement au devoir d'information n'a privé la patiente d'aucune chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé, et le recours en indemnisation du préjudice est rejeté.
Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles. Il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident. En revanche, la souffrance morale que l'intéressée a endurée lorsqu'elle a découvert, sans y avoir été préparée, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
La patiente a subi un préjudice résultant de la souffrance morale endurée à la découverte des conséquences postopératoires de l'intervention, qui doit être présumé. Même si le lymphocèle dont elle a été atteinte est guéri, compte tenu de la persistance des difficultés et des douleurs dont elle reste atteinte au niveau de l'épaule gauche consistant en un syndrome douloureux régional complexe, il a été fait une juste appréciation du préjudice moral résultant du manquement du centre hospitalier à son obligation de l'informer des conséquences possibles de l'intervention au regard de ces complications et de la survenue de cet aléa thérapeutique, en lui allouant une somme de 3 000 euros.
Un service général qui accueille un patient psychiatrique ne peut pas être tenu au même régime de responsabilité qu’un service spécialisé, mais il engage toutefois sa faute si des carences dans l’organisation sont établies. (CAA de Marseille, 2 juin 2022, n° 21MA00087)
Une patiente, admise dans un centre hospitalier général pour une cure de désintoxication alcoolique, s'est défenestrée après avoir absorbé de l'alcool à 90° et s'être soustraite à la mesure de contention qui avait été prise à son encontre.
Pour établir l'existence d'une faute dans l'organisation du service hospitalier au titre du défaut de surveillance d'un patient atteint d'une pathologie psychiatrique, le juge doit notamment tenir compte, lorsque l'état de santé de ce patient fait courir le risque qu'il commette un acte agressif à son égard ou à l'égard d'autrui, non seulement de la pathologie en cause et du caractère effectivement prévisible d'un tel passage à l'acte, mais également du régime d'hospitalisation, libre ou sous contrainte, ainsi que des mesures que devait prendre le service, compte tenu de ses caractéristiques et des moyens dont il disposait.
Un service d'hépato-gastro-entérologie, quand bien même il peut recevoir des patients en cure de désintoxication alcoolique, n'est pas un service spécialisé dans la prise en charge des maladies psychiatriques. Dans ces conditions, ne peuvent être qualifiées de faute dans l'organisation du service la présence sur un chariot de soins d'un flacon d'alcool camphré que la patiente a été en mesure de subtiliser, et l'absence de sécurisation des fenêtres du service.
Toutefois, dès lors qu'il avait été décidé de placer cette patiente sous contention en raison de son comportement agressif et violent consécutif à son absorption d'alcool, le fait qu'elle ait été en mesure de s'extraire des liens réalisés aux niveaux de ses poignets et de ses chevilles révèle l'existence d'une faute tenant au caractère inadéquat et insuffisant de cette contention. Le fait que le service ne disposait pas du matériel spécifiquement adapté à la morphologie de la patiente et son poids de 47 kg n’est pas exonératoire.
Cette faute, qui a permis la divagation puis la défenestration de cette patiente alors qu'elle cherchait à s'enfuir dudit service, est directement à l'origine des blessures consécutives à sa chute dans le vide, et entraîne la responsabilité entière de l’établissement.
Examen de la prise en charge urgente d’une cardiopathie grave qui révèle une faute du médecin régulateur du SAMU et, s’agissant de la prise en charge, d’un défaut de qualité par inadaptation des moyens, au regard de ce qui est attendu d’un centre hospitalier. (CAA de Nantes, 1er juillet 2022, n° 19NT03741)
Un homme, né en 1943, s'est présenté le samedi 1er décembre 2012, accompagné de son épouse, dans un centre hospitalier en raison d'une fatigue persistante et inhabituelle. Il a été examiné par le médecin de permanence, qui lui a prescrit une prise de sang avant de le renvoyer chez lui.
Son état de santé s'étant dégradé dans la nuit du dimanche 2 décembre au lundi 3 décembre 2012, l’épouse a contacté à 3h06, 4h05 puis 4h45 le Samu, qui dépend du centre hospitalier Bretagne Atlantique. Le patient a été pris en charge par les pompiers à 5H15. A son arrivée au centre hospitalier, son état s'est brusquement dégradé et il est décédé à 7h10.
Les professionnels de santé et les établissements de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de diagnostic et de soins qu'en cas de faute (CSP, art. L. 1142-1).
Selon le rapport d’expertise, la prise en charge par le centre hospitalier le 1er décembre 2012 a été conforme aux règles de l'art. Le praticien a conduit un examen clinique complet et a prescrit un bilan sanguin complémentaire. En l'absence de diagnostic de l'affection à l'origine de la fatigue, il ne peut être reproché au médecin de ne pas avoir soupçonné à ce stade d'origine cardio-vasculaire.
La prise en charge par le Samu le lundi vers 3 heures.
La prise en charge par le Samu à compter de l'appel de l’épouse le lundi 3 décembre 2012, à 3h06 du matin, n'a pas été conforme aux règles de l'art. Devant la présentation clinique qui était faite, le médecin régulateur aurait dû retenir une défaillance vitale et engager immédiatement le service médical d'urgence. Cette prise en charge est fautive en raison d'un retard du Samu d'une heure et demie environ.
À son arrivée au centre hospitalier, vers 6 heures du matin, le patient était inconscient et il présentait une détresse respiratoire, une détresse circulatoire associée à une chute de la pression artérielle et des marbrures, puis, un arrêt cardiorespiratoire. Il a alors fait l'objet d'une réanimation cardiorespiratoire prolongée, par massage cardiaque externe et ventilation au masque.
Selon l’expert, les professionnels médicaux ayant prodigué les soins, à savoir un médecin généraliste et de personnel paramédical habituellement affecté dans un service de soins de suite, ont fait de leur mieux, compte tenu notamment de leur peu de pratique de la réanimation en service d'urgence, mais il a conclu que cette prise en charge ne correspondait pas à celle qui est recommandée en matière d'intervention d'un personnel médical formé sur des arrêts cardiorespiratoires.
La faute n’est pas dans la conduite personnelle de l’équipe, mais dans un standard de soin qui ne correspond pas aux bonnes pratiques.
La faute du Samu a entraîné un retard de prise en charge de la défaillance vitale qui peut être estimé à une heure trente minutes environ. Compte tenu des soins qui auraient pu lui être prodigués durant cet intervalle de temps, tels qu'un remplissage, une oxygénation correcte via une intubation séquence rapide, le taux de perte de la chance perdue d'échapper à l'aggravation de son état de santé doit être fixé à 20 %.
En revanche, la prise en charge de l'arrêt cardiorespiratoire à compter de 6 heures du matin le 3 décembre 2012 par le centre hospitalier, bien que fautive en elle-même, n'a pas eu d'impact appréciable sur la perte de chance de survie de la victime, dès lors que celle-ci se trouvait, au moment de cette prise en charge, en état de choc compliqué qu'une tachycardie ventriculaire, puis d'une asystolie de mauvais pronostic, et que ses chances de survie auraient été quasiment nulles, même avec la prise en charge la plus adéquate.
Examen de la prise en charge d’un état comicial grave, faisant apparaître une faute dans le diagnostic, par le défaut de ponction lombaire, et dans la prise en charge d’une crise, du fait d’un sous-dosage du traitement. (CAA de Bordeaux, 9 juin 2022, n° 20BX01098)
Un enfant, né en 2005, a présenté une fatigue et des douleurs abdominales à partir du 12 août 2010, alors qu'il séjournait en vacances avec sa famille. Son état s'est aggravé avec des diarrhées et des vomissements. Le 15 août, il a été orienté par le centre de régulation des urgences vers le médecin de garde qui l'a examiné vers 12 heures 30 et a diagnostiqué une gastro-entérite. Vers 14 heures, sa sœur aînée l'a découvert en état convulsif et sans réaction à la stimulation. Le médecin de garde s'est déplacé à 15 heures, alors que l'enfant était somnolent mais réactif avec une température de 38°3. Il a diagnostiqué une convulsion fébrile qu'il a traitée par une injection de Valium®, et il a appelé le Samu pour un transfert à l'hôpital.
Lors de son admission au centre hospitalier à 17 heures, le jeune patient était conscient, bien orienté, avec une température de 37°1. Les examens clinique et neurologique se sont avérés normaux, de même que les résultats du bilan biologique réalisé à 18 heures 30. Une perfusion veineuse de soluté glucosé a été posée, et l’enfant a été placé sous surveillance infirmière.
Au cours de la nuit, l’enfant s’est réveillé à trois reprises, a tenté d’arracher son cathéter, a tenu des propos incohérents, et une fièvre à 38°4 est apparue. Le 16 août à 9 heures 30, il a été conduit dans un état asthénique mais conscient en salle d’électroencéphalographie où une absence prolongée, des vomissements et une perte d’urine sont survenus durant l’examen. Le scanner et la ponction lombaire prescrits par le pédiatre n’ont pas pu être réalisés en raison d’un état de mal épileptique résistant aux traitements. Les résultats de l’électroencéphalogramme ayant fait suspecter une encéphalite virale, un traitement antiviral d’acyclovir (Zovirax®) a été administré à 11 heures 30.
L’enfant a été transféré dans le service de réanimation pédiatrique du CHU. Il y a été admis à 15 heures 50, et l’analyse des prélèvements d’une ponction lombaire a permis de poser le diagnostic d’encéphalite herpétique. Cette pathologie a causé des lésions du lobe temporal gauche et de l’insula, à l’origine d’un déficit cognitif, de troubles de l’attention et du comportement, et d’une épilepsie.
Selon l’expert judiciaire, devant le constat d'une absence de fièvre et d'un état neurologique normal à l'admission à l'hôpital, le diagnostic de convulsions fébriles simples était plausible. Toutefois, il a estimé qu'il était impératif d'éliminer les diagnostics différentiels potentiellement graves en réalisant une ponction lombaire qualifiée « d'indication immédiate absolue », ce qui n’a pas été fait.
Le centre hospitalier produit un avis médical critique, exposant qu'il n'est recommandé de pratiquer une ponction lombaire qu'en cas de suspicion de méningite, pathologie hautement improbable dans le cas de convulsions fébriles simples sans altération de la conscience.
Le tribunal a estimé, contrairement à l'expert, qu'une méningite ne pouvait être suspectée dès le 15 août 2010 à 17 heures, alors que l’enfant était apyrétique, bien orienté et conscient, et que la prescription en urgence d'une ponction lombaire qui aurait permis d'établir le diagnostic n'aurait été justifiée qu'à partir de 2 heures 45 le 16 août, compte tenu de l'apparition d'une fièvre et de la tenue de propos incohérents. En revanche, le tribunal a retenu la faute du centre hospitalier à raison d'un retard de prise en charge adaptée et du caractère insuffisant de la dose d'acyclovir injectée le 16 août à 11 heures 30.
L'enfant a été admis au décours d'une première crise épileptique clonique généralisée de durée indéterminée survenue après trois jours d'évolution d'un tableau digestif aigu évocateur de gastro-entérite. Cette crise a justifié l'injection intra-rectale de Valium® par le médecin appelé au domicile, lequel a constaté un décalage fébrile modéré à 38°3.
Le tableau clinique n'était pas caractérisé par une simple crise convulsive dès lors que celle-ci était survenue après une dégradation de l'état général de l'enfant, dont la fièvre avait été masquée par l'injection de Valium® pratiquée juste avant l'admission à l'hôpital.
Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, cette situation particulière justifiait ainsi une ponction lombaire dès l'admission, et les prélèvements auraient nécessairement permis d'identifier le virus qui l'a été après la ponction réalisée ultérieurement au CHU de Limoges, de sorte qu'un retard de diagnostic fautif est imputable à l’équipe médicale à partir du 15 août vers 18 heures 30 compte tenu du délai de réalisation des examens. La durée de ce retard peut être évaluée à 17 heures, comme l'a retenu l'expert en tenant compte du traitement par acyclovir administré le 16 août à 11 heures 30.
L'expert a évalué à 30 % la perte de chance d'échapper à la gravité des séquelles en lien avec le retard de diagnostic et la dose insuffisante d'acyclovir administrée au centre hospitalier en se fondant sur une série rétrospective suédoise de 236 patients adultes traités, avec des résultats de 15 % de mortalité, 20 % de séquelles sévères, 27 % de modérées, 27 % de minimes et 14 % de guérison sans séquelles.
Le centre hospitalier se prévaut d'une étude de 2007 portant sur 16 cas d'encéphalites herpétiques de l'enfant traitées par acyclovir, selon laquelle des séquelles neurologiques ont été observées dans 63 % des cas, d'un article de 2007 sur les encéphalites de l'enfant et de l'adolescent qui fait état de déficits neurologiques significatifs affectant près des deux tiers des patients ayant bénéficié d'un traitement précoce, et enfin d'une étude française de 2010 portant sur 85 enfants, constatant la persistance de séquelles constituées par une épilepsie (56 %) et un retard mental (42 %). Seuls 27 % des enfants étant sans séquelles neurologiques.
Ces résultats étant du même ordre, il y a lieu de retenir le taux de perte de chance de 30 % fixé par l'expert.
Examen de la prise en charge d’un accident vasculaire cérébral (AVC) grave laissant apparaître des lacunes dans le fonctionnement hospitalier, mais ces lacunes ne sont pas considérées comme des fautes l’hôpital, malgré ses efforts, ne parvenant pas à recruter dans des conditions satisfaisantes. (CAA de Marseille, 2 juin 2022, n° 20MA03704)
En raison d'un AVC, un pharmacien, âgé de 63 ans, a été pris en charge le 27 mars 2010 à 13 heures 57, dans l'officine dans laquelle il exerçait, par le Smur relevant du Samu rattaché au centre hospitalier de Bastia, où il a été transporté et admis à 14 heures 53. Le patient présentait un AVC avec ischémie du tronc cérébral en rapport avec une thrombose de la partie haute du tronc basilaire. De ce fait, il est resté dans un état de locked-in syndrom, c'est-à-dire dans un état de conscience sans motricité volontaire, hormis l'œil gauche, avec des possibilités limitées de communication et dans un état de dépendance totale pour les gestes élémentaires de la vie courante jusqu'à son décès, le 21 juillet 2016.
Le Samu est arrivé à la pharmacie à 13 heures 57, soit 17 minutes après avoir été appelé par les pompiers, et il a quitté l'officine à 14 heures 30 pour arriver aux urgences du centre hospitalier de Bastia 23 minutes plus tard. Au cours des 33 minutes qui se sont écoulées entre l'arrivée du SAMU et son départ vers le centre hospitalier, le médecin urgentiste était sur place. Il a procédé à un examen clinique, a mis en place des perfusions ainsi qu'une oxygénothérapie et a procédé à une mise sous scope pour contrôle électrocardiographique eu égard aux antécédents cardiaques expliqués par les proches.
Vu la prise en charge avant l’arrivée du Samu par le médecin urgentiste, le délai d'une heure et 18 minutes qui s'est écoulé entre l'arrivée du Samu à l'officine et son retour au service des urgences n’a pas été excessif, et les temps de trajet de 17 minutes à l'aller et de 23 minutes au retour n’ont été d'une durée anormalement longue. La faute est écartée.
Le malaise est survenu au plus tard aux environs de midi, heure à laquelle le patient avait l'habitude de quitter son officine et il a été retrouvé inanimé par sa famille un peu avant 13 heures 30. Le laps de temps pendant lequel une thrombolyse aurait pu être efficacement pratiquée si son état l'avait permis, est d’une durée maximale de 4 heures 30 suivant la survenue d'un aAVC. Aussi, une évacuation sanitaire immédiate, nécessairement par voie aérienne, vers un établissement continental doté d'une unité neuro-vasculaire (UNV) n’était pas envisageable, au moment où le diagnostic a pu être posé, après son admission au centre hospitalier de Bastia.
Compte tenu des moyens dont il disposait et de l'absence de médecins spécialistes possédant les compétences spécifiques requises tant pour interpréter les clichés d'imagerie médicale que pour décider de pratiquer une thrombolyse sans bénéficier d'un avis extérieur, le centre hospitalier de Bastia ne pouvait pas, à la date des faits litigieux, mettre en place une UNV. Compte tenu du faible nombre de radiologues et de manipulateurs spécialisés disponibles et des difficultés de recrutement auxquels il était confronté, le centre hospitalier de Bastia, qui avait sollicité en vain des radiologues privés aux fins de mettre en place des gardes et astreintes, n'était pas en mesure d'assurer le fonctionnement permanent de l'appareil permettant de réaliser une IRM en fin de semaine.
Ces circonstances ne traduisent ni une méconnaissance de dispositions législatives ou réglementaires s'imposant à un centre hospitalier de la nature de celui de Bastia, ni d'un manquement aux conditions de son accréditation ou de sa certification (CSP, art. L. 6113-4) ou aux conditions de l'autorisation de détention d'un appareil d'IRM (CSP, art. L. 6122-1 et R. 6122-26). L’impossibilité tant de pratiquer une IRM un samedi, ainsi qu'en toutes circonstances, une thrombolyse, ne révèlent pas, seules, un défaut dans l'organisation du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.
Le patient a bénéficié d’une prise en charge et d'une surveillance adaptées à son état de santé, y compris après son admission le 27 mars 2010 à 18 heures 30 au sein du service de médecine polyvalente, pendant la nuit du 27 au 28 mars au cours de laquelle la dégradation de son état de santé, notamment sur le plan de la vigilance, a conduit le médecin de garde à prescrire une aspiration et une surveillance de la diurèse, pendant la journée du dimanche 28 mars 2010 au cours de laquelle deux scanners ont été pratiqués sans puis avec injection et, enfin, au cours de son séjour en réanimation du 28 mars au 7 mai 2020.
(1) Circulaire interministérielle DGCL/DACS/DHOS/DGS du 19 juin 2009 relative à l'enregistrement à l'état civil des enfants décédés avant la déclaration de naissance et de ceux pouvant donner lieu à un acte d'enfant sans vie, à la délivrance du livret de famille, à la prise en charge des corps des enfants décédés, des enfants sans vie et des fœtus.