OBJECTIF SOINS n° 0288 du 31/08/2022

 

Conditions de travail

ACTUALITÉS

Anne Lise Favier

  

Plus d’un salarié de l’hôpital sur deux a travaillé dans des services consacrés à la prise en charge des patients atteints de Covid-19. C’est dire l’ampleur de la crise et l’implication du personnel hospitalier. Une étude de la Drees livre quelques enseignements.

De mars 2020 à l’été 2021, l’hôpital était en apnée : plus de la moitié de son personnel a en effet été mobilisé pour la gestion de la crise sanitaire, selon une nouvelle étude* de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). La part de ces personnes est un peu plus importante à l’hôpital public (53 %) qu’en clinique privée (45 %) et se répartit principalement dans trois corps de métiers : les médecins (mobilisés à 65 %), les aides-soignantes (60 %) et les infirmières et sages-femmes (59 %). La moitié des agents d’entretien a également été entièrement dévolue à la gestion de la crise sanitaire et un peu plus d’un quart des personnels administratifs.

Une surcharge dans toutes les strates

Parmi le personnel mobilisé, nombreux ont été ceux qui ont changé de service pour aller apporter du renfort là où il le fallait : la Drees estime qu’un personnel sur cinq a changé de service entre mars 2020 et l’été 2021, les infirmières et sages-femmes ainsi que les médecins étant les plus concernés par ce phénomène. Près de 70 % des salariés du secteur hospitalier ont connu un surcroît de travail, une situation qui était particulièrement prégnante chez les médecins et infirmières, mais également chez les agents d’entretien. Ceci s’explique aisément par les mesures d’hygiène drastiques requises pour le bon fonctionnement de ces services. Cette surcharge s’est également retrouvée chez les personnels administratifs : en l’absence de visite des familles, ils ont parfois dû se faire le relais auprès des patients, mais aussi répondre aux besoins en matériel et personnel et assurer en partie l’organisation.

Impact sur les services

Hors unité Covid, l’hôpital a aussi subi des surcharges de travail dans d’autres services, conséquence directe de la crise : ainsi les psychologues et psychothérapeutes ont été touchés aux deux tiers par une augmentation de leur charge de travail s’expliquant aisément par l’augmentation des syndromes dépressifs. Crise sanitaire oblige, le déploiement des plans blancs a également mobilisé des professionnels en vacances : 26 % du personnel hospitalier déclare avoir été incité à reprendre le travail, 36 % dans les services Covid. Une incitation qui allait même plus loin, puisque 19 % des personnels hospitaliers ont subi cette pression alors qu’ils étaient malades du Covid, ce chiffre atteignant près d’un quart dans les services accueillant des patients Covid.

Très forte charge émotionnelle

En plus de la charge de travail supplémentaire globale, le personnel hospitalier relève une charge émotionnelle plus importante qu’à l’accoutumée : en raison des consignes sanitaires strictes concernant les visites et avec le confinement, le personnel hospitalier a souvent dû pallier l’absence de visiteurs pour les malades en leur apportant du soutien, même dans certaines situations critiques : cette charge incombait, pendant la crise sanitaire, le plus souvent aux infirmières, sages-femmes et aides-soignantes : 61% d’entre elles ont déclaré avoir davantage accompagné leurs patients. Une présence qui n’a pas été sans conséquence : 32 % du personnel ont déclaré qu’ils leur était arrivé souvent, voire tous les jours, d’être bouleversé, secoué, ému par la situation. Les soignants étaient aussi impactés par la situation à titre personnel, craignant pour leur santé : l’absence ou le rationnement d’équipement de protection individuelle a sans doute été grandement responsable de cette situation. Malgré cela, 89 % d’entre eux ont continué à travailler pour ne pas nuire à l’équipe avec laquelle ils collaboraient. Dernier point observé dans cette étude, la forte adaptabilité du personnel : 22 % des personnes interrogées ont en effet déclaré avoir fait très souvent des choses qu’elles n’avait jamais faites et 27 % estiment avoir travaillé avec beaucoup plus d’autonomie. Cette situation a toutefois apporté des désaccords et des tensions dans les équipes, peu ou prou de reconnaissance, entraînant un ras-le-bol : seulement la moitié des salariés hospitaliers se sent désormais capable de poursuivre le même travail jusqu’à la retraite, conclut l’étude.

  • *Cette étude a été menée sur la base de l’enquête Epicov, une vaste enquête statistique sur l’état de santé et les conditions de vie en lien avec l’épidémie due au coronavirus, avec 85 000 répondants dont 2900 salariés du secteur hospitalier.