Seuls 52 % des infirmiers hospitaliers seraient satisfaits au travail - Objectif Soins & Management n° 0289 du 30/09/2022 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0289 du 30/09/2022

 

Santé au travail

ACTUALITÉS

Pauline Machard

  

Le baromètre MNH-Odoxa, publié en septembre 2022, explore les raisons du mécontentement des hospitaliers et met en lumière leurs propositions de solutions.

« Je ne peux m’abîmer davantage. Je rends ma blouse », écrivait Marion Broucke(1), infirmière en soins palliatifs à l’AP-HP. Si nombre de secteurs peinent à garder ou attirer les salariés, celui de la santé, en particulier l’hôpital, est très touché. « On entend dire que certains établissements ont perdu jusqu’à 30 % d’effectifs d’infirmières », rapportait Médéric Monestier, directeur général de la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) en septembre.

Pour prendre la mesure du différentiel avec la population générale, la MNH a commandé une étude à Odoxa(2), auprès de deux échantillons : l'un de 1 005 Français de 18 ans et plus ; l'autre de 1 325 professionnels de santé (703 infirmiers, 233 aides-soignants, 137 médecins, 252 cadres de santé et personnels administratifs).

Un exercice usant

Selon le sondage, l’exercice des hospitaliers est plus âpre que celui des autres actifs. Les professionnels de santé travaillent plus que prévu contractuellement (40 heures vs 37 heures) et davantage que les autres actifs (+ 2 heures). Ils ont plus de contraintes : 58 % font des heures supplémentaires (+ 12 points), 76 % travaillent le week-end (+ 20 points).

Ils sont plus souvent sujets à des sources de stress communes (surcharge, tâches administratives, etc.), et ont, en plus, des sources de stress spécifiques : confrontation à la souffrance morale (76 %) ou physique (68 %), aux incivilités (43 %), à l’agressivité (37 %) des patients.

Résultat : quand 27 % des Français jugent leur métier « fatigant », les professionnels de santé à l’hôpital sont 72 %, les infirmiers 79 %. Ces derniers sont usés, ce qui n’est pas sans conséquences sur leur santé, et fait écho aux résultats de l’enquête de la Fnesi(3) sur l’impact des conditions de formation sur les étudiants.

Une santé abîmée

Sur les soignants sondés, 66 % (+ 16 points par rapport aux Français) disent avoir, au cours des quatre semaines précédant l’enquête, éprouvé des douleurs physiques les limitant dans leur travail ou activité domestique ; 63 % avoir accompli moins que souhaité en raison de leur état physique (+ 19 points).

Ils sont 64 % à faire part de difficultés pour dormir au moins une fois par semaine (+ 17 points) et pour 82 % (vs 59% des actifs), cela est lié au travail. Conséquence : 31 % (vs 23% des Français) disent consommer des somnifères ou tranquillisants. Et dans 25 % des cas, leurs arrêts sont liés à un stress professionnel (vs 14 % pour les autres actifs).

Enfin, 24% des soignants hospitaliers (vs 15% des Français) jugent être en mauvaise santé dont 24 % d’infirmiers. C’est plus que les médecins (14 %), mais moins que les aides-soignants (29 %). « Il y a presque un gradient de l’état de santé en fonction du groupe professionnel », observe le Dr Yann Bourgueil, de la Chaire santé de Sciences-Po. Autre donnée : pour 69 % des hospitaliers – dont 74 % d’infirmiers – l’employeur ne se préoccupe pas de les maintenir en bonne santé.

Changer la donne

L’enquête n’aborde pas la question du sens au travail, mais elle explique en partie les 52 % seulement d’infirmiers satisfaits au travail ; 54 % des professionnels de santé à l’hôpital le sont, et 77 % des autres actifs. Les infirmiers le sont plus que les aides-soignants (51 %), mais moins que les médecins (82 %), qui sont « plus autonomes », soulève le Dr Bourgueil.

Les priorités des soignants pour améliorer l’attractivité ? Organisation du travail, effectifs, temps de travail, rémunération. Ils prônent certaines réformes : revalorisation du diplôme (92 %) ; de la rémunération (91 %) ; refonte de la gouvernance via l’ouverture aux soignants (90 %) ; autonomisation des services. Une dose d’autonomie qui aurait, relaie Médéric Monestier, donné de l’air durant les phases dures du Covid-19, mais depuis, « le soufflé est retombé ».

Pour le Dr Bourgueil, « On sous-investit la gestion, la prévention », de la ressource humaine, « condition de la qualité des soins et de la performance d’un système de santé ». Inverser la tendance serait une des clés pour contrer la désaffection des infirmiers hospitaliers qui préfèrent se tourner vers d’autres pays francophones, entreprendre une pratique libérale, ou se reconvertir. Et pour éviter que les étudiants ne se détournent du métier.

1. https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/perte-sens-desesperance-2022-03-08-1201203875

2. http://www.odoxa.fr/sondage/urgence-pour-les-soignants-fatigues-stresses-ils-apparaissent-uses-par-leur-travail/

3. https://www.fnesi.org/api-website-feature/files/download/18703/ddp-__-enquete-bien-etre-2022-de-la-fnesi-version-presse-2__1_.pdf