pratique hospitalière
DROIT
Avocat à la cour de Lyon
Mentions péjoratives dans le dossier médical, rappel des principes de la responsabilité hospitalière, diagnostic difficile et examens complémentaires négligés, faute de diagnostic, accident médical doublé de fautes, dégradation de l’état d’une personne âgée en postopératoire, prise en charge d’une crise d’agitation, infection nosocomiale et faute d’un tiers : voici quelques actualités de jurisprudence en matière de responsabilité hospitalière pour le mois d’avril 2023.
Les praticiens doivent inscrire et conserver dans le dossier tous les éléments, même intimes, permettant de connaître la pathologie et d’assurer la meilleure prise en charge. Ils doivent informer le patient de ce qu’il peut demander le retrait de certaines données, mais la responsabilité n’est engagée que si cette omission a causé un dommage (CAA de Paris, 11 avril 2023, n° 22PA01320).
Une femme, née le 27 mai 1980, a été admise au service des urgences de l’hôpital Cochin le 18 novembre 2017 pour une crise d’angoisse et au service des urgences de l’hôpital Saint-Antoine le 12 juillet 2018 en raison d’une anxiété péri-opératoire.
Par un courrier du 24 novembre 2020, la patiente a demandé à l’AP-HP de rectifier les mentions de son dossier médical en ce qu’il comporte des « données personnelles sensibles et erronées », et elle a sollicité le versement d’une indemnité de 15 000 euros en réparation.
Le dossier médical, constitué pour chaque patient hospitalisé, contient au moins les informations formalisées recueillies lors des consultations externes dispensées dans l’établissement, lors de l’accueil au service des urgences ou au moment de l’admission et au cours du séjour hospitalier, dont « b) Les motifs d’hospitalisation, c) La recherche d’antécédents et de facteurs de risques, d) Les conclusions de l’évaluation clinique initiale » (CSP, Art. R. 1112-2).
Ce texte doit être lu en lien avec le règlement général sur la protection des données (RGPD).
Le 18 novembre 2017, la patiente a été conduite à l’hôpital Cochin par les pompiers à la suite d’une crise d’angoisse sur la voie publique. À son arrivée dans le service des urgences où elle a été prise en charge par un psychiatre, elle présentait un état de grande agitation. Dans le dossier, le psychiatre a mentionné des éléments de la vie personnelle et familiale, ainsi que ses antécédents sociaux et familiaux. La patiente, qui s’est rendue seule dans cet hôpital, tenait un discours décousu et des propos suicidaires. Ce compte rendu retranscrit des propos tenus par la patiente lors de l’entretien avec le psychiatre, notamment sur sa vie personnelle et professionnelle. Il porte également la mention « sa révélation sur sa sexualité » lors de la description d’un « discours très négatif » tenu par la patiente. Les éléments ainsi recueillis, qui peuvent contribuer à l’appréciation de son état psychologique et à la prise de décisions thérapeutiques, constituent des données qui peuvent être inscrites au dossier médical de la patiente (CSP, Art. R. 1112-2) et faire l’objet d’un traitement de données à caractère personnel (RGPD, Art. 6, 1, e, et 9, 2, h).
Pour ce même motif, les médecins du service des urgences de l’hôpital Cochin n’étaient pas tenus de recueillir le consentement de la patiente avant de mentionner ces éléments dans son dossier médical, et l’AP-HP pouvait décider de ne pas procéder à l’effacement de ces données personnelles de nature à permettre de contribuer à l’appréciation de l’état de santé et à la prise de décisions thérapeutiques (RGPD, Art. 7, 3, c).
Le service doit informer la personne concernée de l’existence du droit de demander au responsable du traitement l’accès aux données à caractère personnel, la rectification ou l’effacement de celles-ci, ou une limitation du traitement relatif à la personne concernée, ou du droit de s’opposer au traitement et du droit à la portabilité des données (RGPD, Art. 13, 2, b).
Or, le dossier ne montre pas que la patiente ait été informée par l’AP-HP de son droit à demander la rectification des données à caractère personnel présentes dans son dossier médical. Dès lors, en s’abstenant de communiquer cette information à l’intéressée, l’AP-HP a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de la patiente.
La patiente soutient qu’elle a subi du fait de cette faute un préjudice moral lié à une atteinte à l’intimité de sa vie privée en raison de la nature des données personnelles mentionnées dans son dossier médical, lesquelles ont pu être consultées par des professionnels de santé avant qu’elle ne soit informée de son droit de demander leur rectification.
Toutefois, les professionnels de santé pouvant avoir accès aux données personnelles étaient tenus au secret professionnel, et il n’est pas établi qu’ils auraient méconnu leurs obligations à cet égard. Dans ces conditions, d’une part la patiente ne justifie pas d’une atteinte à sa vie, et d’autre part, elle a effectivement exercé son droit à demander la rectification des données personnelles la concernant par un courrier du 5 mai 2020 adressé à l’AP-HP. Dans ces conditions, ni le préjudice allégué par la requérante ni le recours en responsabilité ne sont établis.
Pas de responsabilité de l’hôpital en l’absence de faute ; pas d’indemnisation par l’Oniam [Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales] si les conséquences de l’accident médical ne sont pas supérieures à ce qui serait arrivé en l’absence des soins ; pas de responsabilité de l’hôpital si le défaut d’information n’a pas fait perdre de chance (CAA de Paris, 21 avril 2023, n° 22PA00177).
Un homme, âgé de 79 ans, médecin retraité, a été victime d’une chute le 25 janvier 2016 après avoir buté sur le marchepied d’un restaurant. Il a été transporté à l’hôpital Bichat, où une fracture humérale droite a été diagnostiquée, et il a été opéré le 27 janvier 2016 pour une réduction de la fracture et une ostéosynthèse par enclouage. À l’issue de cette intervention est apparue la survenue d’une complication, caractérisée par une paralysie du nerf radial, avec déficit des extenseurs radiaux et ulnaires du carpe, des extenseurs des doigts, du long abducteur du pouce, ainsi que des muscles supinateurs du métacarpe supérieur droit. La main droite du patient a été immobilisée par une attelle, et il a quitté l’hôpital le 2 février 2016. Malgré une intervention le 21 juin 2016 et des séances de rééducation hebdomadaires, persistent un défaut d’extension et de flexion du coude droit, avec une impossibilité de pronosupination, et une main droite déformée en « main d’accoucheur », avec tendance à l’adduction du pouce.
Le patient soutient que la prise en charge préopératoire a été défaillante, que l’indication opératoire ayant donné lieu à l’intervention du 27 janvier 2016 était contestable, et que la méthode d’enclouage employée est à l’origine de la paralysie du nerf radial.
Un examen clinique et un bilan radiologique ont été effectués le jour de l’hospitalisation, et rien n’imposait la réalisation d’un scanner préalable ou d’examens complémentaires.
Selon les experts, l’indication opératoire par enclouage était justifiée. La réalisation technique ainsi que l’exploration neurologique peropératoire ont été conformes aux règles de l’art et aux données acquises de la science au moment des faits.
Le patient estime qu’un traitement conservateur aurait pu être privilégié et que des alternatives à l’enclouage étaient envisageables, mais il ne démontre ni que ces méthodes auraient permis d’éviter la paralysie du nerf radial, ni qu’elles remettraient ainsi en cause l’indication opératoire. Enfin, la circonstance que le chirurgien ayant effectué l’opération ne justifierait pas d’une « formation à l’enclouage » est en l’espèce sans incidence eu égard au caractère non fautif de l’indication comme de la réalisation du geste technique. En l’absence de faute, la responsabilité de l’hôpital est écartée.
La paralysie du nerf radial dont a été victime le patient est une complication courante de la chirurgie subie, présente dans 15 à 20 % des cas. Alors que l’intervention apparaissait nécessaire, la fracture comminutive de l’humérus présentant un caractère complexe, une abstention thérapeutique aurait eu des conséquences plus graves, notamment vasculaires ou neurologiques, que celles ayant résulté de l’intervention chirurgicale. Par suite, les conditions d’intervention de l’Oniam au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
Doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l’accomplissement d’un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
En cas de manquement à l’obligation d’information, si l’acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s’il a été réalisé conformément aux règles de l’art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n’a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l’établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l’opération.
Il en va autrement si, compte tenu de ce qu’était l’état de santé du patient et son évolution prévisible en l’absence de réalisation de l’acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées, qu’informé de la nature et de l’importance de ce risque, il aurait consenti à l’acte en question.
Aucun élément du dossier ne montre que le patient aurait été informé, préalablement à l’intervention du 27 janvier 2016, des risques de paralysie pouvant survenir en cas d’atteinte du nerf radial. Contrairement à ce que soutient l’AP-HP, la circonstance que le patient était médecin généraliste retraité n’était pas de nature à dispenser l’établissement hospitalier des obligations pesant sur lui en matière d’information préalable. Ce défaut d’information constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’AP-HP.
Toutefois, la fracture comminutive nécessitait une intervention chirurgicale qui ne pouvait être durablement différée. Une abstention thérapeutique pouvait induire des conséquences vasculaires ou neurologiques graves, et le patient ne démontre pas qu’une alternative thérapeutique aurait présenté des risques moindres. De plus, le patient n’établit pas non plus qu’informé de la nature et de l’importance du risque de lésion du nerf radial, il n’aurait pas consenti à l’intervention. Dans ces conditions, le défaut d’information, qui est fautif, n’a pas entraîné une perte de chance pour le patient de se soustraire au dommage en renonçant à l’opération, et la responsabilité de l’hôpital n’est pas engagée.
La démarche diagnostique a été sinueuse, mais le diagnostic était difficile. Suite à l’apparition d’une atteinte médullaire sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM), des examens de contrôle doivent s’enchaîner, mais cette carence est restée sans influence sur la prise en charge. Aussi, la responsabilité est rejetée sur les deux points (CAA de Nantes, 24 mars 2023, n° 22NT02010).
Le 22 juillet 2013, une jeune femme née en 1996 a ressenti de fortes douleurs cervicales puis des faiblesses dans le membre inférieur droit l’amenant à consulter un médecin généraliste. Toutefois, après son retour à domicile, un déficit moteur des jambes est apparu et elle a été prise en charge par le Samu et admise au service des urgences du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes le même jour.
Les premiers examens pratiqués vers 15 h ont mis en évidence une paraplégie flasque des membres inférieurs avec abolition des réflexes ostéotendineux, un déficit moteur prédominant en distalité des membres supérieurs, ainsi qu’un globe vésical et une perte de la tonicité du sphincter anal. Une IRM réalisée dans les heures suivant l’admission de l’intéressée au CHU n’a pas permis de constater d’anomalies morphologiques ou de signal médullaire, permettant ainsi d’écarter tout argument en faveur d’une myélite et ne conduisant pas au constat d’une autre anomalie pouvant expliquer la symptomatologie. Une ponction lombaire a été effectuée peu après, dont les résultats se sont avérés normaux.
À la suite d’un bilan psychiatrique du 24 juillet 2013, les résultats communiqués le 25 juillet font état d’un diagnostic de troubles somatomorphes.
Le 26 juillet, une modification des réflexes des membres inférieurs était observée, amenant les neurologues à remettre en cause le diagnostic psychiatrique et à demander de nouveaux examens. Une nouvelle IRM cérébrale et médullaire est réalisée le même jour et deux diagnostics sont évoqués : celui d’une ischémie médullaire et celui de myélite et, eu égard à l’hypothèse tenant à ce que la patiente pouvait être atteinte d’une pathologie inflammatoire, l’intéressée s’est vue administrer, à fortes doses, des corticoïdes..À la suite d’une réévaluation du diagnostic, retenant désormais celui d’une lésion médullaire d’origine probablement ischémique liée à un embole fibro-cartilagineux avec paraplégie et déficit distal des membres supérieurs, la patiente a bénéficié, à compter du 27 juillet 2013, d’une prise en charge adaptée à ses besoins.
La patiente soutient, alors qu’un diagnostic de trouble conversif a été posé après que les premiers examens effectués lors de son admission, IRM et ponction lombaire, n’ont pas révélé d’anormalité organique ou de signal médullaire, que tous les moyens n’ont pas été mis en œuvre pour confirmer le diagnostic initialement envisagé de myélite, de nouveaux examens neurologiques n’ayant pas été pratiqués entre les 22 et 26 juillet 2013, de sorte que le retard de diagnostic a été pour elle à l’origine d’une perte de chance.
La responsabilité du CHU de Rennes ne peut être engagée pour faute que si l’existence d’une faute et un lien de causalité direct entre cette faute et le préjudice invoqué par la victime sont établis.
Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s’aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s’il y a lieu, de concours appropriés (CSP, Art. R. 4127-33).
Le diagnostic de troubles psychiatriques a découlé de la mise en œuvre d’un bilan différentiel qu’il était logique d’évoquer, ainsi que le relève l’expert, en raison de l’absence de signes cliniques observables à la suite des premières investigations médicales et d’un contexte familial ayant été, dans le passé, difficile, et ayant conduit à un suivi psychologique. Un tel diagnostic était de nature à faire obstacle à une multiplication des examens, certains éléments cliniques observables chez la patiente, dès son admission aux urgences, tels que le caractère assez systématisé de l’atteinte neurologique sensivo-motrice très évocatrice d’une lésion médullaire, l’existence d’un globe vésical très important et l’hypotonie anale, étaient de nature à faire récuser ou rendre peu probable le diagnostic d’anorganicité.
L’aggravation des troubles neurologiques, observée le 26 juillet 2013, a conduit les praticiens du CHU à effectuer, le jour même, des examens complémentaires les amenant à évoquer deux diagnostics possibles : celui d’une ischémie médullaire et celui d’une myélite et, en se fondant sur cette dernière hypothèse, à administrer à la patiente un traitement par corticoïdes à fortes doses. Le diagnostic d’ischémie a pu finalement être posé à la suite des examens pratiqués le 26 juillet 2013.
Dans ce contexte, si les diagnostics initialement envisagés de myélite et de troubles somatomorphes se sont avérés en définitive erronés, cette circonstance n’est pas de nature à caractériser la preuve d’une faute médicale dès lors que les services hospitaliers ont été confrontés à une situation très exceptionnelle d’ischémie médullaire par embole fibro-cartilagineux (quelques cas dans la littérature mondiale). Au regard de ces difficultés diagnostiques, l’information erronée délivrée à sa patiente par le CHU ne présente pas davantage un caractère fautif.
Les résultats d’une IRM réalisée dans les premières heures de l’apparition d’une atteinte médullaire doivent normalement être contrôlés dans les 24 à 48 h qui suivent avant de pouvoir conclure définitivement à la normalité de l’examen pratiqué. Or, le CHU n’apporte aucun élément de nature à expliquer qu’il aurait été dans l’impossibilité de pratiquer plus rapidement ces examens, et le délai observé entre les examens pratiqués successivement les 23 et 26 juillet 2013, présente un caractère fautif.
Cependant, il ressort de l’expertise qu’en présence d’une ischémie, il n’existe pas d’indication de traitement par un anti-agrégant et que, même si une myélite avait été observée, un retard dans l’instauration d’un traitement par corticoïdes aurait été sans conséquence sur le niveau des séquelles neurologiques. Par ailleurs, ces séquelles sont en lien exclusif avec l’accident ischémique vasculaire dont la patiente a été victime et non avec le retard observé ou l’erreur diagnostique initiale qui, ainsi que l’expert l’indique, « ne sont responsables d’aucune majoration des troubles neurologiques, ni d’aucune perte de chance de récupération ».
Dans ce contexte, le retard à pratiquer des examens complémentaires n’a été pour la patiente à l’origine, ni d’une perte de chance d’éviter les séquelles neurologiques qu’elle présente, ni d’un préjudice moral.
Une faute de diagnostic médical engage la responsabilité du centre hospitalier, mais vu l’avancée des lésions déjà constituées, seulement au titre de la perte de chance (CAA de Lyon, 16 mars 2023, n° 21LY03774).
Une femme s’est rendue, le 16 juin 2006, au service des urgences du centre hospitalier de Givors en raison de douleurs abdominales intenses évoluant depuis plusieurs mois. Les examens réalisés ne mettant en évidence aucune anomalie, elle a été autorisée à regagner son domicile le 20 juin suivant.
En raison de la persistance des douleurs, elle s’est de nouveau rendue au service des urgences le 1er juillet à 23 heures puis le 2 juillet à 3 heures du matin. Elle subira finalement, le 4 juillet, une intervention qui mettra en évidence une nécrose étendue de l’intestin grêle et du gros intestin rendant nécessaire l’ablation des zones de nécrose. Compte tenu de l’étendue de cette nécrose, la patiente subira plusieurs opérations chirurgicales de résection et d’ablation, puis une greffe multi-organes, en septembre 2007 dont les suites, marquées par des phénomènes de rejet, conduiront à une altération de son état général.
Le diagnostic de thrombose artérielle du tronc cœliaque et de l’artère mésentérique supérieure aurait dû être établi dès le 1er juillet 2006, ce qui aurait permis, après l’instauration d’un traitement médical adapté, d’éviter la nécrose intestinale.
Les lésions nécrotiques étaient déjà constituées et elles auraient résisté au traitement mis en place de sorte que ce retard de diagnostic n’a généré qu’une perte de chance pour la patiente d’éviter les complications survenues.
Pour une embolie pulmonaire postopératoire ayant entraîné le décès, partage de la responsabilité entre l’Oniam à 85 % pour l’accident médical, et l’hôpital à 15 % pour les fautes dans la prévention et la surveillance (CAA de Paris, 21 avril 2023, n° 21PA06337).
Un homme, né en 1945, a subi le 15 juin 2009 une intervention justifiée par une hernie discale au sein d’un centre hospitalier. En raison d’une récidive, une laminectomie cervicale a été réalisée le 28 mars 2011. Le 3 avril 2011 au matin, il a été retrouvé mort dans son lit d’hôpital. L’autopsie a attribué ce décès à une embolie pulmonaire.
L’origine de cette embolie se trouve dans le foyer opératoire cervical. Cet évènement a entraîné le décès du patient, conséquence notablement plus grave que celles auxquelles il était exposé en l’absence de l’intervention de laminectomie cervicale.
Le risque thromboembolique en cas de chirurgie du rachis non traumatique est de 0,3 à 2,2 %. Le patient a ainsi été victime d’un accident médical non fautif dont les conséquences doivent être réparées par l’Oniam.
Le risque de survenue d’un accident thrombo-embolique devait être identifié dans le cas de ce patient qui présentait une obésité, une suspicion d’apnées du sommeil et des varices des membres inférieurs. Il aurait dû être anticipé et prévenu par l’administration pré-opératoire et postopératoire d’anticoagulant et une mobilisation précoce des membres inférieurs, et la pose de bas de contention.
Par ailleurs, le patient n’a fait l’objet d’aucune surveillance particulière dans la nuit du 2 au 3 avril 2011, au cours de laquelle est survenue l’embolie pulmonaire, ce qui constitue un second manquement imputable à l’établissement hospitalier.
Dans ces circonstances, compte tenu du faible impact de l’absence de prescription de bas de contention et de ce qu’une surveillance nocturne effective et adéquate n’aurait pu prévenir le décès que dans une mesure incertaine, la perte de chance résultant de ces deux fautes doit être évaluée à 15 %.
De telle sorte, la réparation des conséquences dommageables de l’accident thrombo-embolique ayant entraîné le décès doit être assurée par l’Oniam au titre de la solidarité nationale à hauteur de 85 %, et par le centre hospitalier à hauteur de 15 %.
Chez une personne âgée, la dégradation de l’état de santé conduisant en postopératoire au décès n’engage pas la responsabilité de l’hôpital en l’absence de fautes, cette dégradation étant le fruit de la fragilité de l’état de santé antérieur (CAA Douai, 11 avril 2023, n° 21DA01254).
Le 28 septembre 2012, une femme âgée de 85 ans a été victime d’une chute à son domicile et s’est fracturé le tibia droit. Elle a été prise en charge le même jour par le service des urgences du centre hospitalier de Roubaix où elle a subi, le 1er octobre 2012, une intervention chirurgicale d’ostéosynthèse par mise en place d’une plaque verrouillée. Les suites opératoires ont été marquées par un déséquilibre important de son diabète et, à partir du 5 octobre 2012, des escarres sacrées et sur les deux talons ont été constatées.
Le 10 octobre 2012, elle a été transférée dans une clinique en vue de sa rééducation. À la suite de complications, cette patiente a effectué plusieurs séjours hospitaliers. Face à la dégradation de son état de santé, elle a été admise à la clinique de Villeneuve d’Ascq, où elle est décédée le 26 mars 2013.
Insatisfaite de la prise en charge de sa mère au centre hospitalier de Roubaix et imputant le décès de celle-ci à des manquements commis par cet établissement, sa fille a présenté, le 28 août 2015, une demande d’indemnisation. Elle soutient que la prise en charge a été insuffisante malgré les risques connus d’apparition d’escarres et de dénutrition.
La patiente présentait un état antérieur fragilisé par l’âge et par plusieurs pathologies dont un diabète insulino-dépendant et une artériopathie oblitérante des membres inférieurs.
Le comportement des équipes médicales a été conforme aux règles de l’art lors du séjour de la patiente, le 28 septembre 2012, pour la prise en charge de sa fracture du tibia. Le délai écoulé entre l’entrée à l’hôpital, le 28 septembre 2012, et l’intervention chirurgicale, trois jours plus tard, est justifié par des précautions nécessitées par l’état de santé antérieur et, en particulier, par le suivi d’un traitement anticoagulant.
En outre, dès lors que la fracture du tibia interdisait un appui pendant plusieurs semaines, l’existence de deux maladies sous-jacentes graves – l’artériopathie évoluée des membres inférieurs et le diabète de type 2 – rendaient la probabilité de survenue d’escarres très élevée, « quasiment inévitable », dans un tel contexte, l’interdiction de poser le pied impliquant une perte d’autonomie importante et prolongée.
Les complications constatées lors de l’hospitalisation du 28 septembre au 10 octobre 2012, à savoir une hémorragie digestive et des surinfections de l’escarre sacrée imposant un drainage, n’ont pas de lien direct avec la survenue du décès, même si ces complications ont aggravé la dénutrition qui s’était installée et la perte d’autonomie.
De telle sorte, le décès est lié à l’état de santé antérieur qui l’exposait aux complications qu’elle a subies et à la fracture elle-même qui a eu un impact sur sa perte d’autonomie, et en l’absence de faute, la responsabilité du centre hospitalier de Roubaix n’est pas engagée.
La prise en charge d’une crise d’agitation, avec des propos suicidaires, par une hospitalisation dans un service d’urgences, n’est pas une hospitalisation sous contrainte, et relève du droit commun. Dans le contexte de cette urgence, une contention de quelques heures, avec un suivi médical, n’est pas une faute (CAA de Paris, 11 avril 2023, n° 22PA01320).
Une personne faisant l’objet de soins psychiatriques avec son consentement pour des troubles mentaux est dite en soins psychiatriques libres. Elle dispose des mêmes droits liés à l’exercice des libertés individuelles que ceux qui sont reconnus aux malades soignés pour une autre cause. Cette modalité de soins est privilégiée lorsque l’état de la personne le permet (CSP, Art. L. 3211-2).
L’admission à l’hôpital est prononcée par le directeur sur avis d’un médecin ou d’un interne de l’établissement. Elle est décidée, hors les cas d’urgence reconnus par le médecin ou l’interne de garde de l’établissement, sur présentation d’un certificat d’un médecin traitant ou appartenant au service de consultation de l’établissement attestant la nécessité du traitement hospitalier (CSP, Art. R. 1112-11).
Si l’état d’un malade ou d’un blessé réclame des soins urgents, le directeur prend toutes mesures pour que ces soins urgents soient assurés. Il prononce l’admission, même en l’absence de toutes pièces d’état civil et de tout renseignement sur les conditions dans lesquelles les frais de séjour seront remboursés à l’établissement (CSP, Art. R. 1112-13).
Lorsqu’un médecin ou un interne de l’établissement constate que l’état d’un malade ou blessé requiert des soins urgents relevant d’une discipline ou d’une technique non pratiquée dans l’établissement ou nécessitant des moyens dont l’établissement ne dispose pas, ou encore lorsque son admission présente, du fait de manque de place, un risque certain pour le fonctionnement du service hospitalier, le directeur provoque les premiers secours et prend toutes les mesures nécessaires pour que le malade ou le blessé soit dirigé au plus tôt vers un établissement susceptible d’assurer les soins requis (CSP, Art. R. 1112-14).
Le compte rendu de prise en charge par le service des urgences indique que le 12 juillet 2018, lorsqu’elle s’est présentée à l’hôpital, la patiente tenait un discours décousu et des propos suicidaires. La prise en charge résulte ainsi de son état de santé et n’a pas été effectuée sur demande d’un tiers ni du représentant de l’État. Par suite, elle entre dans le champ d’application de l’article L. 3211-2 CSP. Il s’ensuit que la requérante ne peut utilement soutenir qu’elle aurait dû bénéficier lors de la mise en place de la mesure de contention de garanties procédurales comme l’information obligatoire du juge des libertés et de la détention, qui concernent les patients hospitalisés sans consentement dans des établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques.
La patiente a pu consulter un psychiatre. Devant la grande agitation et l’impossibilité de communiquer avec la patiente, ce dernier a pris la décision de lui administrer un antipsychotique et de mettre en place une mesure de contention. La mesure de contention physique a ainsi été utilisée en dernier recours après que le personnel soignant eut d’abord tenté de communiquer avec la patiente, et il n’est pas contesté que cette mesure a été de courte durée. Il ne résulte pas de l’instruction que la prise en charge de cette patiente au service des urgences de l’hôpital Saint-Antoine n’a pas été conforme aux bonnes pratiques médicales. Dans ces conditions, aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’AP-HP n’a été commise lors de sa prise en charge le 12 juillet 2018.
Dès lors qu’un germe n’était ni présent ni en incubation avant le début de la prise en charge du patient, cette infection, constatée au niveau de la cicatrice quelques semaines après l’opération, présente le caractère d’une infection nosocomiale (TA Lille, 5 avril 2023, n° 2005041).
Le 20 septembre 2013, un homme né en 1967 a été victime d’un accident du travail responsable d’un traumatisme du genou droit et de l’épaule droite.
Après consultation d’un orthopédiste exerçant au centre hospitalier de Valenciennes et réalisation d’une IRM le 27 septembre 2013, il lui a été diagnostiqué une rupture des ligaments croisés antérieurs et postérieurs, une rupture du ligament collatéral médial ainsi qu’une fracture de la partie postérieure du plateau tibial latéral et une lésion complexe du ménisque externe avec amputation partielle et fissure oblique de la corne postérieure.
Ces lésions nécessitant une intervention chirurgicale, il a été hospitalisé, du 7 au 16 octobre 2013, hospitalisation au cours de laquelle il a subi, le 8 octobre 2013, une ligamentoplastie du genou droit.
Le 14 novembre 2013, à l’occasion d’une consultation postopératoire, il a été constaté une légère irritation cutanée au niveau de la cicatrice ainsi qu’une diminution des amplitudes articulaires justifiant une mobilisation du genou sous anesthésie générale. Cette intervention, initialement prévue pour le 19 novembre 2013, a justifié son admission au centre hospitalier de Valenciennes le 18 novembre 2013.
En raison d’épisodes d’hyperthermie ayant débuté dès le 18 novembre 2013 et d’un écoulement suspect par un orifice cicatriciel du genou, l’intervention a été reportée au 22 novembre 2013. Ce jour-là, le patient a subi une mobilisation du genou sous anesthésie générale au cours de laquelle les prélèvements peropératoires réalisés ont mis en évidence une infection par un streptocoque agalactiae du groupe B, laquelle a justifié la mise en place d’une antibiothérapie probabiliste.
En raison d’un suintement persistant au niveau de la cicatrice, le patient a de nouveau été opéré le 26 novembre 2013 pour un lavage chirurgical. Le prélèvement peropératoire effectué à cette occasion a confirmé la persistance d’une infection par streptocoque agalactiae.
Vu l’évolution favorable de son état de santé, le patient a été autorisé à sortir le 3 décembre 2013 avec un traitement antibiotique qu’il a poursuivi jusqu’au 3 mars 2014. L’évolution de cette infection a été favorable.
Une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices causés au titre de la solidarité nationale lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité (CSP, Art. L1142-1 II).
Le patient a contracté, au cours de son hospitalisation au centre hospitalier de Valenciennes du 7 au 16 octobre 2013 pour la réalisation, le 8 octobre 2013, d’une ligamentoplastie du genou droit, une infection à streptocoque agalactiae, dont les premiers signes ont été décelés lors d’une consultation postopératoire le 14 novembre 2013 et dont le diagnostic définitif a été posé après réception des résultats des prélèvements peropératoires réalisés lors de l’hospitalisation du 22 novembre au 3 décembre 2013.
Dès lors qu’il est constant que ce germe n’était ni présent ni en incubation avant le début de la prise en charge du patient au sein du centre hospitalier de Valenciennes le 7 octobre 2013, cette infection, constatée au niveau de la cicatrice quelques semaines après l’opération, présente le caractère d’une infection nosocomiale.
Dès lors que le caractère nosocomial d’une infection est reconnu imputable à l’hôpital, celui ne peut s’en exonérer en évoquant la faute d’un tiers (le médecin exerçant dans le cadre de son activité médicale) que si cette faute est totalement extérieure, imprévisible et irrésistible (CAA de Douai, 28 mars 2023, n° 21DA02117).
Un homme, né en 1969, a été admis, le 7 août 2014, aux urgences du centre hospitalier de Béthune à la suite d’un accident de service. Une radiographie a été effectuée et n’a pas révélé de fracture ou d’épanchement. En raison d’une suspicion d’une lésion ligamentaire, une IRM a été prescrite le 13 août 2014, laquelle a mis en évidence une lésion fissuraire horizontale de la corne postérieure du ménisque interne ainsi qu’un kyste mucoïde de dix millimètres au regard de l’échancrure.
Le 21 août 2014, le patient a été vu en consultation par le chef du service des consultations externes de traumatologie-orthopédie du centre hospitalier de Béthune, dans le cadre de son activité libérale, qui lui a proposé la réalisation d’un geste exploratoire et curatif sous arthroscopie ambulatoire.
Le patient a subi, le 23 septembre 2014, une méniscectomie partielle et une arthrolyse de l’échancrure du genou gauche sous anesthésie générale.
Le 25 septembre 2014, il a présenté de la fièvre avec frissons et des douleurs au genou, qui ont conduit à sa prise en charge au service des urgences du centre hospitalier de Béthune le 27 septembre 2014. Le bilan sanguin ayant mis en évidence une arthrite septique du genou avec hyperleucocytose et une protéine C-réactive (CRP) élevée, il a subi, le même jour, une arthroscopie synovectomie sous rachianesthésie. Une antibiothérapie a été mise en place avant d’être modifiée après la mise en évidence d’un streptocoque pneumoniae en culture. Il a été autorisé à regagner son domicile le 8 octobre 2014. Une IRM a été réalisée le 31 octobre 2014 et a révélé un œdème intra-articulaire et intra-osseux, associé à un épanchement intra-articulaire.
Le 10 décembre 2014, le patient a subi au centre hospitalier de Tourcoing une intervention de synovectomie. Les prélèvements bactériologiques effectués le 11 décembre 2014, sont revenus stériles.
Les experts n’ont relevé aucune faute dans la réalisation de la méniscectomie du genou gauche. Ils ont estimé que, compte tenu du délai de quarante-huit heures séparant la survenue de l’infection de l’intervention chirurgicale et de la circonstance que le patient n’était porteur d’aucune infection de la sphère ORL ou respiratoire au moment de la réalisation du geste chirurgical, l’origine nosocomiale de l’arthrite septique du genou gauche pouvait être retenue.
Le centre hospitalier fait valoir que le praticien hospitalier qui a reçu le patient en consultation le 21 août 2014, dans le cadre de son activité libérale, a commis une faute dans l’indication du geste opératoire. Toutefois, une telle circonstance ne constitue pas une cause étrangère de nature à exonérer l’établissement de santé de sa responsabilité dès lors qu’elle ne répond pas simultanément aux trois critères : être totalement extérieure, imprévisible et irrésistible.
Dans ces conditions, la responsabilité du centre hospitalier de Béthune se trouve engagée à raison des préjudices résultant directement de l’infection nosocomiale dont le patient a souffert.