OBJECTIF SOINS n° 0293 du 01/06/2023

 

documentaire

CULTURE

Rubrique réalisée par Nathalie Renou et Yannick Moszyk

  

Pour Nicolas Philibert, « Les ‘fous’ sont des gens qui vous donnent à réfléchir ». Après son immersion auprès des étudiants infirmiers et la profession paramédicale en 2018 (De chaque instant), et vingt-sept ans après son documentaire La Moindre des choses tourné à la clinique de La Borde, Nicolas Philibert a souhaité « revenir en psychiatrie » dans un centre d’accueil de jour bien particulier : l'Adamant, une péniche ancrée sur les quais de Seine, en plein cœur de Paris. Il en tire un film d’une profonde bienveillance, réhabilitant la santé mentale, la rendant accessible et singulière. Les soignants et les patients y sont filmés avec tout le talent de ce cinéaste qui a su se faire oublier, pour montrer l’humanité dont nous pouvons être capables pour peu que nous le voulions. Un film à voir sans modération.

Sur l'Adamant. Film documentaire de Nicolas Philibert, avril 2023, 1 h 49 m.

Le terme résilience est désormais connu et employé de tous. Dans ses reprises, il est même parfois galvaudé au point de susciter des erreurs de représentation suscitant des espoirs de la part de ceux qui auraient du terme une signification parcellaire. C’est pourquoi, la psychologue clinicienne et professseure honoraire des universités en sciences de l’éducation, Martine Lani-Bayle, revient aux fondements de la résilience en recherchant des « significations originelles dans d’autres disciplines comme la physique, les sciences du vivant, végétal et animal ». Par ces transférabilités, l’auteure revient ainsi sur les marqueurs de ce processus psycho-affectif, social et culturel, pour témoigner de ce qui a réellement trait à la survie psychique face au choc ou au traumatisme. Préfacé par Boris Cyrulnik, l’un de ses anciens collègues en psychiatrie, cet ouvrage pourra également servir ceux qui accompagnent sur le terrain les professionnels du lien dans leur recherche d’adaptation à l’autre ; soit pour superviser leurs pratiques, soit, surtout, pour comprendre ce que l’autre peut traverser face à l’adversité et envisager avec lui, et l’équipe qui l’aide, la remontée vers l’apaisement.

La force de la faiblesse. Les sources de la résilience, Martine Lani-Bayle (Éditions Odile Jacob, janvier 2023), 174 pages.

Apprendre le lien, la proximité à l’autre, ou encore le respect de la dignité ne se décrète pas. De longs travaux de déconstruction-reconstruction des représentations, et de patientes élaborations autour de la confrontation avec ses propres normes en matière de pudeur et d’intimité, émaillent les actions de formation pour devenir un soignant éthique. En tant qu’acteur essentiel des prises en charges, l’aide-soignant est un professionnel compétent dont les activités se doivent d’être réfléchies. C’est pourquoi, pour mettre des mots sur les situations vécues et mieux comprendre, voire trouver des ressources en soi et dans l’environnement, l’exposé du récit en tant que mise à distance paraît intéressant. Ce sont ces témoignages d’élèves aides-soignants que nous retrouvons ici ; ils permettent de montrer à voir une pensée qui s’affine et des pratiques qui se transforment vers toujours plus de sensibilité. Des auteurs reconnus dans ce domaine (notamment Anne Véga, Éric Fiat ou encore Philippe Svandra) viennent éclairer les récits pour, bien plus que montrer les différentes dimensions du soin, affirmer la singularité des sujets qui prodiguent les soins.

La pudeur des soignants. Émois et résonances de la première toilette des élèves aides-soignants, sous la direction de Catherine Deliot et Christine Matherat (Éditions Érès, février 2023), 218 pages.

Le quotidien de l’éducation spécialisée, notamment dans son versant protection de l’enfance, teinte les situations traversées de tonalités diverses, parfois complétement antagonistes, où « se mêlent souffrances et violences, négligences et maltraitances, mais aussi parfois tendresse et émotion ». En témoignant de ses actions professionnelles ou de son rapport à son administration, l’ancien assistant éducatif Jacques Trémintin partage sa réflexivité ininterrompue autour des limites et des postures d’accompagnement, de l’engagement dans l’attention à l’autre. Véritable travail de transmission et de partage de valeurs, il permet de repenser voire réinventer l’accompagnement comme étant « au croisement de plusieurs personnalités : celles des membres de la famille et du professionnel, d’une configuration locale, d’un contexte temporel et de circonstances très factuelles ». Sans être dans la retranscription identique, ces fragments pourront résonner avec ceux qui accompagnent chaque jour les plus vulnérables pour enrichir leurs réflexions, leur créativité et leur recherche du plus juste et du plus sensible dans les soins apportés. Cet ouvrage pourra ainsi permettre de mettre sur le devant de la scène une pratique patiente et souvent invisible qui pense son rapport à l’autre en le soutenant pour que, à son tour, celui-ci puisse prendre son envol.

Fragments de vie d’un référent ASE. Au cœur de la protection de l’enfance, Jacques Trémintin (Éditions Érès, mars 2023), 361 pages.

Depuis déjà plusieurs décennies, le rapport au travail se transforme en intégrant davantage d’efficience voire de rationalisation. Au-delà des modes managériales allant en ce sens, et dans un contexte pluridimensionnel où aspects scientifiques, politiques et économiques se rejoignent pour repenser la place de l’homme au travail, nous assistons à une mutation qui peut induire un désinvestissement vis-à-vis du travail, voire des impacts psychosociologiques plus conséquents. C’est ce que nous explique Jean-Philippe Bouilloud, sociologue et chargé de cours à Paris 7 et dans plusieurs universités à l’étranger, non pour constater la désolation liée à la réduction des coûts ou à la pression gestionnaire des organisations, mais pour proposer d’intégrer une dimension particulière : celle de l’esthétisme pour contrer la souffrance au travail engendrée. Terme polysémique qui intégrerait la qualité, l’investissement et la résistance au contexte, l’esthétisme s’aborde ici comme un moyen pour soi et pour les autres, voire un droit moral à atteindre car « l’expérience du beau au travail ouvre un désir de retrouver, de façon récurrente, cette expérience positive qui est aussi la condition d’une vie bonne ». La bonne ambiance, le sentiment de satisfaction face au travail effectué, l’accomplissement lié au sens retrouvé, résonnent alors non comme des utopies mais comme des possibles atteignables.

Pouvoir faire un beau travail. Une revendication professionnelle, Jean-Philippe Bouilloud, (Éditions Érès, mars 2023), 146 pages.

Le diabète est une pathologie chronique fréquente qui nécessite une vigilance constante. Même si les patients, à force d’éducation thérapeutique, possèdent désormais davantage de connaissances autour de leur maladie, il n’y a « pas de guérison jusqu‘à présent. Cependant on peut l’apprivoiser, à condition d’en comprendre les mécanismes cellulaires, la dimension civilisationnelle et culturelle ». C’est ce que nous explique le diabétologue, immunologiste et professeur émérite de l’université de Paris, Christian Boitard, dans cet ouvrage qui constitue à la fois un véritable condensé d’histoire du diabète et de l’insuline, tout comme une synthèse très complète des éléments physiopathologiques en lien. Sa lecture peut aussi bien s’adresser aux patients diabétiques et leur famille qu’aux nombreux soignants en charge de les accompagner au quotidien. Bien plus, il peut constituer une base de références pour tout étudiant ou professionnel de santé, pour adapter leurs propos et ainsi accroître les connaissances des personnes qu’ils prennent en charge. Enfin, dans sa dimension recherche, il présente les évolutions de traitement qui suscitent de l'espoir. Cet ouvrage s’envisage ainsi comme une base essentielle de savoirs qui, du passé jusqu’à l’avenir, balaie le sujet de façon brillante.

Le diabète. Une histoire de l’insuline, Pr Christian Boitard (Éditions Odile Jacob, novembre 2022), 284 pages.

Depuis maintenant quelques années, et que ce soit en matière de management ou de sciences de l’éducation, nous assistons à un développement de la littérature autour des personnalités douées. En conséquence, peuvent s’installer des interprétations en lien avec les angles de vue et les conseils prodigués au sein des ouvrages, tout comme des amalgames avec l’intelligence émotionnelle ou avec l’hypersensibilité. Ici, en s’intéressant à l’enfant, la psychologue Arielle Adda revient sur ces notions pour démêler les intrications et proposer une sorte d’état des lieux des caractéristiques psychologiques tout comme des points de développement particuliers. La lecture de cet ouvrage pourra servir aux professionnels de la petite enfance et de l’éducation pour « rendre plus belle la vie des enfants doués » et « se former une image cohérente de cet enfant doté de si belles qualités pour comprendre les forces qui sont les siennes et les défis qu’il a à relever ». Elle pourra également intéresser les managers qui accueillent dans leurs équipes ces enfants qui, une fois plus grands, conservent ces atouts qui viennent teinter le groupe d’une atmosphère de travail si particulière.

Psychologie des enfants très doués, Arielle Adda (Éditions Odile Jacob, janvier 2023), 263 pages.

Partir en voyage à l’intérieur du corps régulé par des horloges biologiques qui, jour et nuit, font travailler ensemble ses organes. Découvrir les mécanismes cellulaires subtils reliés aux cycles naturels d’alternance d’ombre et de lumière, qui gèrent nos vies dans des rythmes adaptés à l’accomplissement de nos actions physiques et psychiques. Tel est l’objet de ces pages. Aujourd’hui, l’accélération considérable de la vitesse dans la production de biens, les transports, l’information, comme dans nos vies personnelles, familiales et socioprofessionnelles, perturbe profondément nos rythmes corporels naturels. Le Speed règne en maître. À cela s’ajoutent la permanence de la lumière urbaine et la brillance des écrans des ordinateurs et des smartphones qui dérèglent nos horloges intérieures.
« Combattre la frénésie de nos vies en réduisant la vitesse immodérée des circuits économiques, informationnels et relationnels, à l’origine de notre mal-être, voilà la priorité de santé personnelle et publique, lenteur, fraîcheur, bonheur. Apprenons à respecter les temps de nos horloges biologiques reliées à l’univers. Ce sont elles qui nous font vivre, imaginer, partager et aimer. L’urgence n’est pas que climatique ! ». C’est à cela que nous invite le dernier ouvrage de Guy Vallancien.

À la recherche du temps perçu, Guy Vallancien (Éditions Librinova, avril 2023), 167 pages.