Mission Santé des soignants
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En mars dernier, Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée à l’Organisation territoriale et aux Professions de santé, lançait la mission ministérielle : « Santé des Soignants – Innovons & Agissons Ensemble ». Le point sur l’avancée des travaux avec Alexis Bataille-Hembert*, infirmier chargé de cette mission aux côtés de Philippe Denormandie, chirurgien orthopédiste, et de Marine Crest-Guilluy, médecin généraliste.
Sur quel constat de départ la mission « Santé des Soignants – Innovons & Agissons Ensemble » a-t-elle été lancée ?
Le sujet de la santé des soignants n’est pas nouveau. Déjà, en 2016, la ministre Marisol Touraine avait initié un plan pour « Prendre soin de ceux qui nous soignent ». Mais le constat de souffrance des soignants a été mis en exergue par la crise sanitaire. On s’est aperçu que les professionnels n’étaient pas du tout en bonne santé, tant sur le plan psychique que physique, avec une charge mentale très importante, un défaut d’accès à la médecine du travail ou un manque d’accès pour les professionnels libéraux, une fatigue liée à l’organisation. Pour aller au-delà du diagnostic « les soignants ne vont pas bien », une consultation nationale a été effectuée au printemps dernier, avec l’ambition de toucher le plus grand nombre de professionnels. Plus de 50 000 réponses ont été obtenues, plutôt bien représentatives des professionnels de santé (à 1 ou 2 % près par catégorie professionnelle), offrant un riche panel puisque même les aides-soignants et auxiliaires de vie, que l’on a souvent du mal à atteindre, ont témoigné d'importantes difficultés. Cette consultation a donc constitué une base de travail précise pour savoir si on partait dans la bonne direction. Elle a par exemple révélé que les attentes dépassent amplement le cadre de la rémunération : il existe un vrai besoin de revalorisation sociétale, de considération de l’exercice spécifique, d’accompagnement. Ces résultats ont permis de confirmer les axes des travaux de la mission fixés par la ministre Agnès Firmin Le Bodo : la santé mentale, les addictions, les risques spécifiques des professionnelles et étudiantes, les besoins de santé de façon plus globale, spécifiques des professionnels de santé, et enfin les troubles musculosquelettiques.
La mission englobe les soignants au sens large**. Comment avez-vous procédé pour proposer des solutions ?
Nous avons pris le parti de nous appuyer sur l’intelligence collective car il ne tient pas à trois personnes de réinventer la roue. Il existe de nombreuses initiatives sur les territoires qui peuvent être inspirantes : pour les faire connaître, reconnaître, les valoriser et pourquoi pas leur donner une dimension nationale plutôt que territoriale, un appel à initiatives individuelles ou collectives a été lancé en mai 2023. Il est toujours en cours, accessible sur le site du ministère de la Santé***. Ces projets peuvent être à l’état d’idée, en cours ou réalisés, l’objectif étant d’offrir une vision à 360 degrés du sujet et de ne pas fermer la porte puisque tout le monde peut répondre : les professionnels de santé bien sûr, mais aussi les étudiants, les start-ups… La compréhension et l’écoute des soignants est au centre de la démarche prospective et de « co-construction » de cette mission, qui agit par le terrain, avec le terrain et pour le terrain. L’ensemble des concertations que nous avons menées, en mettant autour de la table des parties prenantes publiques et privées, nous ont permis de rédiger une feuille de route à l’attention de la ministre. L’enjeu est important car il s’agit de changer le paradigme du soignant : de la même façon que le corps et l’esprit du miliaire sont les premières armes dans les armées, ils doivent être les premiers outils du soignant. La santé des soignants est intimement liée aux questions d’attractivité, aux problématiques RH des établissements : c’est la pérennisation du système de santé lui-même qui est en jeu !
En septembre dernier, nous avez remis votre rapport à la ministre. Quelles sont vos principales recommandations ?
Nous avons fait des propositions sur six axes :
- intégrer le sujet de la santé des professionnels de santé comme une priorité de notre système de santé publique à tous les niveaux, en lui faisant une place dans la vie des établissements, en valorisant les initiatives de terrain et en favorisant la production de données pour objectiver cette thématique ;
- sensibiliser et former les professionnels de santé à veiller à leur propre santé, en mettant l’accent sur la formation initiale et continue des professionnels et manageurs en santé ;
- prévenir les risques professionnels, en repensant l’organisation de l’offre de médecine de santé au travail et en sensibilisant l’écosystème ;
- organiser pour tous les professionnels de santé un accès à une offre de prévention et de soins et dédier des actions spécifiques de prévention à nos professionnelles et nos étudiants ;
- repenser l’architecture financière de l’accès à la prévention et aux soins pour nos professionnels de santé ;
- enfin, assurer un pilotage pérenne des actions dédiées à la santé des professionnels de santé.
Votre mission a donc pris fin. Mais peut-être pas votre engagement pour la santé des soignants ?
En effet, nous avons envie de poursuivre l’aventure car nous y croyons ! Personnellement, je vais rester attentif à tous ceux qui investissent dans la santé des soignants et entretenir les liens que nous avons créés. Je pense que rester une sorte d’ambassadeur sur ce sujet, c’est ce qu’on attend de nous. Nous le devons à nos pairs. C’est mon engagement.
Quatre projets de recherche, co-portés par la Fondation MNH et la Drees, ont été lancés fin 2022 sur le thème de la santé des soignants. Ils concernent : la santé des femmes chez les professionnelles de santé, la santé des professionnels de santé et le cancer, la santé mentale, enfin les addictions et les professionnels de santé.
De son côté, la Fondation des hôpitaux, qui avait lancé en 2021 le programme « Espaces Soignants », vient de publier un nouvel appel à projets « Prendre soin de ceux qui soignent ». L’objectif est de participer à la « création d’espaces soignants, lieux chaleureux, conviviaux, pensés comme des bulles ressources ». Un premier appel à projets a déjà permis d’accompagner l’aménagement de 451 espaces dans des hôpitaux pour un montant global de 18 millions d’euros.