OBJECTIF SOINS n° 0295 du 12/10/2023

 

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Claire Pourprix

  

Spécialiste de l’ingénierie de formation à la Direction des services numériques (DSN) du CHU de Toulouse, formateur certifié en simulation en santé, Samuel Laudic a débuté sa carrière comme infirmier ; une activité qu’il exerce toujours au sein du Service de santé et de secours médical (SSSM) chez les sapeurs-pompiers de Haute-Garonne. Tout au long de son parcours, il a allié sa passion des soins critiques et de la pédagogie en se formant conjointement en anesthésie-réanimation et en sciences de l’éducation-formation.

Devenir infirmier ? Ce n’était pas la première intention de Samuel Laudic. Mais ce métier s’est rapidement imposé à lui comme une évidence. « Après un bac scientifique, je me suis orienté vers un DUT génie thermique et énergie, que j’ai validé en 1998. Mais à travers un engagement bénévole pour la Croix-rouge française, où j’ai d’ailleurs réalisé mon service national comme objecteur de conscience, j’ai compris vers quoi je souhaitais m’impliquer et me former. »

C’est donc par la solidarité nationale et internationale qu’il approche le soin. En 2002, Samuel Laudic passe le concours d’entrée à l’Ifsi de Toulouse. Pense dans un premier s’orienter en psychiatrie, avant de découvrir la réanimation lors d’un stage. Après son diplôme, en 2005, il travaille pendant quatre ans en réanimation polyvalente à l’hôpital Purpan du CHU de Toulouse. Avant d’entreprendre une spécialisation à l’école d’infirmiers anesthésistes pendant 2 ans, à l’issue de laquelle il travaille durant 11 ans en tant qu’infirmier anesthésiste à l’hôpital des enfants (bloc opératoire, grands brûlés) et au sein des équipes du Smur au Samu 31. 

Plusieurs missions humanitaires de chirurgie pédiatrique à Madagascar et au Burkina Faso viennent enrichir son parcours professionnel. En parallèle, il obtient le brevet d’infirmier de sapeurs-pompiers en 2011 et celui d’infirmier coordinateur des moyens sanitaires en 2016. Aujourd’hui encore, il est très investi sur son temps libre comme infirmier de sapeur-pompiers et officier santé au centre de traitement de l’alerte 18-112, mais également en tant qu’administrateur de l’Association nationale des infirmiers de sapeurs-pompiers. « Pour moi, il est important de ne pas renoncer au métier de soignant quand on évolue vers d’autres fonctions. Je m’efforce donc de conserver une activité clinique et d’entretenir mes compétences », affirme-t-il.

Situations critiques, simulation et digital

Doté d’une fibre pédagogique, Samuel Laudic devient formateur en simulation en santé en 2014, à l’Institut toulousain de simulation en santé (Itsims), sur ses thèmes de prédilection : l’anesthésie, la médecine d’urgence, la réanimation, la pédiatrie, l’annonce de mauvaises nouvelles. Dans le même temps, il renforce ses connaissances et professionnalise son appétence pour la transmission grâce à l’obtention de plusieurs diplômes universitaires à l’Université Paul-Sabatier de Toulouse : « Les soignants dans l’aide médicale urgente et désastres sanitaires » en 2015, « Gestion des situations critiques en milieu médical » en 2016, et « Formateur en simulation appliquée à l’enseignement des sciences de la santé » en 2017. Depuis 2018, il intervient comme formateur en sciences de la santé auprès de différents organismes, sur des formations de soignants en situations sanitaires exceptionnelles, réanimation avancée pédiatrique, aide médicale urgente et damage control.

En 2020, Samuel Laudic reprend des études pour se perfectionner en pédagogie, « prendre de la hauteur sur les sciences de l’éducation, avec un prisme sur la formation en santé ». Il suit une formation de « Concepteur de formations digitales » au sein du Service départemental d’incendie et de secours de Haute-Garonne (Sdis 31) et commence un master 2 en sciences de l’éducation et de la formation « Professionnalisation de la formation et de l’accompagnement » à l’Université Jean-Jaurès de Toulouse, dans l’objectif de se préparer au métier d’ingénieur de la formation. La première année, sur son temps libre, en enseignement à distance, la seconde à temps plein dans le cadre d’un congé de formation professionnelle. Ce diplôme le conduit à devenir « team leader formation » en novembre 2022 au sein du département formation-accompagnement de la direction des services numériques du CHU de Toulouse. En 2022, il est également certifié du diplôme « Formateur-accompagnateur » délivré par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise et le Centre national de la fonction publique territoriale. Il s’investit alors au sein du Sdis 31 dans la conception d’un parcours d’apprentissages multimodaux au profit des recrues IDE. « L’enjeu consiste à développer des solutions innovantes afin de proposer un parcours de formation efficace et adapté aux besoins des volontaires : plateforme d’enseignement à distance, capsules vidéos, visites virtuelles, pratique simulée, gardes postées tutorées, etc. »

Former et accompagner les soignants à l’usage du numérique en santé

« Au CHU Toulouse, je collabore avec une équipe pédagogique composée de seize formateurs, tous professionnels de la santé, explique Samuel Laudic. Notre mission est de concevoir, organiser et assurer les formations en lien avec le dossier patient informatisé sur le CHU de Toulouse et le GHT tout en accompagnant sur le terrain les soignants à s’approprier les logiciels métiers. Il s’agit de déployer des outils numériques propres aux soins (dossier patient informatisé) à l’échelle d’un service ou d’un pôle. Les projets sont portés sur quelques semaines, parfois sur plusieurs mois selon les besoins. »

Au-delà de la formation « technique », l’accompagnement est un enjeu essentiel à ses yeux : « L’emploi de logiciels métiers nécessite des compétences dans l’utilisation de l’outil informatique et vient bouleverser les équipes dans leurs organisations, d’où l’importance de travailler sur la conduite et l’accompagnement du changement. Ces changements de pratiques induisent parfois des résistances, des doutes, des craintes. Nous observons un temps d’acceptation de la part des soignants qui ont parfois le sentiment de subir la situation. L’usage d’outils numériques peut être ressenti comme une contrainte technique supplémentaire et chronophage. À nous de former et d’accompagner au mieux les équipes soignantes en adaptant notre dispositif et notre réponse aux besoins spécifiques des agents. »

Après une phase de découverte des fonctionnalités du logiciel, qui peut être assurée en présentiel ou en distanciel via une plateforme d’apprentissage, l’approche pédagogique consiste à privilégier les exercices pratiques centrés sur le parcours patient et les événements significatifs rencontrés dans la spécialité. Il s’agit alors de simuler des situations professionnelles propres à chacun. Ensuite, une période de « doublonnage » peut être proposée selon les projets : les soignants continuent de tracer leurs soins sur papier mais peuvent en parallèle utiliser le logiciel en mode « training ». Enfin, le logiciel est totalement déployé, il devient l’outil de référence et la version papier du dossier patient prend fin. « À ce stade, l’équipe pédagogique est très présente sur le terrain pour faire de l’accompagnement de proximité, sécuriser la pratique, apporter des compléments d’informations, et proposer aux configurateurs des ajustements en fonction des demandes de chaque service », précise Samuel Laudic. Les soignants ont ensuite accès à une hotline pour gérer tout imprévu et prendre la main à distance si nécessaire.

Réussir le virage numérique

« Nous observons un changement des pratiques et des organisations professionnelles autour du numérique en santé, souligne-t-il. C’est un sujet très porteur dans les établissements de santé. La transition vers une ère 100 % digitale à l’aide de nouveaux dispositifs engendre une nouvelle manière d’exercer les métiers du soin. Pour un soignant, et ce sera encore plus vrai demain, l’outil de traçabilité au quotidien ne sera plus le stylo quatre couleurs mais bien un écran tactile ! »

Au CHU de Toulouse, des centaines de logiciels sont déployés pour, in fine, atteindre l’objectif zéro papier. Cette activité mobilise une importante équipe de soignants, d’informaticiens, de chefs de projet, de configurateurs, d’architectes applicatifs… « Notre ambition est d’accompagner au mieux les équipes à l’usage du numérique, en tenant compte de leur aisance vis-à-vis de l’outil informatique, mais aussi de l’impact engendré sur leurs pratiques professionnelles. D’où l’importance de mobiliser des formateurs eux-mêmes soignants. »

Les besoins sont croissants ; cette transition numérique est propice aux travaux de recherche. Samuel Laudic songe d’ailleurs à poursuivre sur une thèse en sciences de l’éducation et de la formation. Un nouveau défi à relever !