La Haute Autorité de santé vient de mettre en ligne des recommandations de bonnes pratiques pour l’accompagnement des personnes en situation de grande précarité et présentant des troubles psychiques.
D’après la fondation Abbé Pierre, la population en situation de grande précarité ne cesse d’augmenter ces vingt dernières années : 330 000 personnes seraient sans domicile fixe en France. Une étude menée exclusivement à Paris (étude Samenta) en 2010 a estimé que parmi ces personnes, 30 % souffriraient de troubles psychiatriques graves, tels que la schizophrénie ou la bipolarité. Cette proportion s’élèverait à plus de 75 %, selon une étude internationale, si l’on s’intéresse plus largement aux maladies mentales, comme la dépression, l’anxiété ou le stress post-traumatique. Ainsi, les personnes à la rue cumulent les difficultés – vulnérabilités sociales et psychiques, problèmes somatiques et situations administratives compliquées – ce qui rend leur prise en charge d’autant plus complexe.
Face à ce constat, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a saisi la Haute Autorité de santé (HAS) pour définir les bonnes pratiques à mettre en œuvre par l’ensemble des acteurs intervenant auprès de ces populations, afin de leur proposer un accompagnement sanitaire et social de qualité. Selon la HAS, l’approche intégrant l’accès au logement ou du moins à un « chez soi », ainsi qu’un accompagnement médical et social, est la meilleure solution pour aider ces populations. Pour les atteindre, la Haute Autorité préconise des solutions intégrées combinant l’accès à un « chez soi » et un accompagnement adapté, via la visite régulière d’acteurs du secteur (services sociaux, de psychiatrie, acteurs du logement etc.), ceci afin d’aider les personnes à se rétablir et les encourager à tisser des liens sociaux et à avoir des projets personnels. La HAS insiste aussi sur le fait que « de la qualité des premiers contacts dépend la réussite de l’accompagnement » : à cet égard, elle recommande à tous les professionnels d’adopter une démarche « d’aller vers » ou « rester avec », à un stade le plus précoce possible : cela sous-tend un appui des pouvoirs publics vers les professionnels de la prise en charge pour une réponse coordonnée. Il faut pour cela que les professionnels – médecins généralistes mais aussi travailleurs sociaux – repèrent précocement les situations à risques (loyers impayés, incurie, troubles du voisinage) pour éviter des vulnérabilités supplémentaires. Dans cette démarche, les services administratifs doivent faciliter les procédures, les services sociaux assurer un accueil inconditionnel (ne pas demander de prérequis – par exemple, l’arrêt de certaines consommations – pour accéder à certaines prestations) tandis que les services de santé – psychiatrie, urgences ou soins primaires – soient organisés de façon à satisfaire l’accès de ces populations vulnérables à une prise en charge adaptée et coordonnée, et surtout en cas de crise psychiatrique.
Dans ces cas précis, et dans une démarche de prévention, la HAS recommande de mettre en place des interventions spécifiques pour accompagner des moments porteurs de risques de fragilisation, par exemple dans les périodes de transition, comme la sortie d’institution, l’accès au logement ou un changement de statut. Plusieurs moyens peuvent être mobilisés, rappelle la HAS : les consultations avancées qui permettent aux équipes psychiatriques d’intervenir dans les structures d’hébergement, squats, bidonvilles, rues et logements avec les équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP) dans lesquelles les Infirmières de pratique avancée (IPA) peuvent constituer une ressource précieuse, mais aussi les hospitalisations séquentielles programmées, un outil utile de prévention des crises aiguës. Les mesures d’anticipation (ou directives anticipées en psychiatrie) peuvent également être un levier pour la prise en charge : dans ce cas, une personne peut exprimer ses souhaits quant aux soins et à l'accompagnement la concernant dans le cas où son discernement pourrait être altéré (cela sous-tend la désignation d’une personne de confiance). D’autres alternatives à l’hospitalisation existent : la mobilisation des centres d’accueil et de crise, les lieux de répit ou les appartements d’urgence psychiatrique. Ces différentes structures doivent être connues : la HAS recommande ainsi de familiariser tous les acteurs au recours aux services d’accueil et d’urgences spécialisés (numéro d’appel d’urgence pour risque suicide : 3114).
Dans le cas où une hospitalisation est nécessaire, la HAS rappelle qu’il est recommandé de toujours évaluer la balance bénéfices/risques avec une équipe pluridisciplinaire et en lien avec la personne concernée ; pour ces populations vulnérables et souffrant de troubles psychiques, il est important d’accompagner la personne tout au long du processus, avec un intervenant connu d'elle, pour un maintien du dialogue et un relais une fois la sortie d’hospitalisation actée. La HAS rappelle que « La période d’hospitalisation est une opportunité pour mettre en place un accompagnement global coordonné adapté aux besoins et attentes de la personne », avec une prise en charge relais sur le secteur de psychiatrie dans des délais courts. Ces différentes mesures s’accompagnent, du côté des professionnels, d’un besoin de formation spécifique : qu’ils soient des acteurs de première ligne (maraude, personnels d’accueil, bailleurs, équipes sociales) ou des professionnels de santé, tous doivent être sensibilisés et formés à l’impact sur la santé mentale de la situation sociale de ces patients, notamment du point de vue de la stigmatisation qu’ils peuvent subir, mais aussi sur les postures à adopter (aller vers, rester avec) : ces formations peuvent être réalisées par techniques d’immersion, compagnonnage mais aussi via les EMPP qui sont à mêmes de les gérer.
L’ensemble des recommandations est à lire sur le site de la HAS : http://tinyurl.com/mrxfzukc