OBJECTIF SOINS n° 0297 du 01/02/2024

 

récit

CULTURE

Rubrique réalisée par Yannick Moszyk

  

Chacun possède un rapport au savoir et une approche de son environnement particuliers ; peuvent en découler des façons uniques d’être au monde, de découvrir ou de s’interroger qui, toujours, utilisent les connaissances et l’analyse contextuelle de celles-ci comme des éléments utiles pour vivre de façon plus sensible. En lisant les récits et découvertes d’un médecin chercheur, d’un primatologue, d’un physicien et philosophe des sciences et d’un astrophysicien, on retrouve ici ce qui fait la transmission et comment celle-ci sert à l’enrichissement humain et au développement des savoirs. Comprendre ce à quoi tout à chacun peut être confronté, penser ses propres ressources ou encore rêver d’un avenir meilleur, peut alors permettre un mouvement vers l’avant dont l’inspiration émanera de ces leçons de vie. Cet ouvrage pourra servir à ceux qui pensent la relation pédagogique ou aux managers qui souhaitent faire progresser leur équipe dans une meilleure intelligence collective.

Comment pensent les savants ? Les leçons de vie de quatre grands scientifiques, Jean-Claude Ameisen, Jane Goodall, Étienne Klein, Hubert Reeves (Éditions Librio, septembre 2023), 90 pages.

Se construire et évoluer dans un environnement donné pour mieux rencontrer d’autres personnes qui participent à nous faire évoluer au fil des situations apprenantes, c’est à ce prix que notre vie psychique s’enrichit. Être davantage en interaction constante avec soi-même et les autres nécessite une connexion certaine par la parole et par les sens. C’est en travaillant cette communication particulière que le psychanalyste Joël Clerget propose une réflexion qui tend vers la rencontre, pour plus de socialité. Cet ouvrage peut constituer un support pour les professionnels du lien, afin d'explorer autrement l’altérité, permettre à chacun de se reconnecter à soi-même et concevoir plus qualitativement sa vie psychique.

Devenir soi avec d’autres. Éco-psychanalyse des interactions sociales, Joël Clerget ( Érès, octobre 2023), 290 pages.

Face aux injonctions normatives, parfois particulières, de réussite, l’individu peut éprouver des angoisses et des pensées auto-limitantes qui lui font répéter les situations et l'empêchent de se dépasser. Pour autant, on peut voir en l’échec des vertus ; celle de s’affirmer, de se singulariser, voire de tout de même progresser en se connaissant mieux. Ainsi, « Seul l’exercice de l’échec permet d’élargir le champ des possibles ». En convoquant d’autres écrivains que lui, Claro vient ici penser le récit des erreurs et ses redéploiements et ajustements nécessaires pour sans cesse avancer malgré tout. Pour l’auteur, ce sera l’écriture coûte que coûte mais pour le lecteur, cela pourra être d’autres destinations au-delà de l’obstacle et de la chute. La poursuite du soin ou de la pédagogie, malgré certaines « limites et fêlures » et au-delà des situations négatives passées, peut ainsi dévoiler des quêtes ou des buts vers lesquels aller après être tombé ou avoir échoué.

L’échec. Comment échouer mieux ? Claro (Éditions Autrement, janvier 2024), 235 pages.

Chaque ouvrage du neuropsychiatre Boris Cyrulnik porte en lui des enseignements précieux autour de l’appréhension de l’existence et de l’exploration de l’âme humaine. Inscrivant ses propos dans les théories de l’attachement, notamment à partir des écrits de Spitz et Bowlby qui tous deux se sont inspirés de travaux en éthologie animale, l’auteur évoque sa propre carence affective lors d’un épisode de l’enfance, son lien avec des animaux lui ayant servi en quelque sorte d’étayage. La mise en sens de l’attachement comme protection, tout comme la construction de « l’appareil à voir le monde », permettent alors, par l’usage de la parole, le développement apaisé de soi.

En comparant d’un point de vue écosystémique les animaux et les hommes au travers d’expériences cliniques, Boris Cyrulnik nous en montre les rapprochements et les différences pour mieux comprendre en quoi l’intelligence verbale peut être source de merveilleux et de catastrophique. Concernant cette conséquence négative, le message se fait vigilance car, même si les animaux peuvent être animés d’une constance guerrière, ils ne vont pas jusqu’au pire. Tour à tour conteur et épistémologue, l’essayiste nous fait prendre conscience que jamais rien n’est véritablement joué, et que tout peut se développer sereinement à condition de le symboliser.

Quarante voleurs en carence affective. Bagarres animales et guerres humaines, Boris Cyrulnik (Éditions Odile Jacob, octobre 2023), 350 pages.

Dans notre contexte actuel où les questions en lien avec la fin de vie sont débattues par les politiques, ce témoignage de l’intérieur permet d’envisager la complexité, la sensibilité et la subtilité qui teintent les relations d’accompagnement avec ceux qui vont mourir. Lanto Dubois a été infirmière dans une équipe de soins palliatifs et, à partir de son expérience, elle nous invite à un « soavadia », autrement dit en malgache, un « bon voyage » depuis l’intimité de sa réflexion et de sa pratique au plus près des patients. Initialement, elle avait conçu l’ouvrage pour les étudiants en formation ; pour autant, son récit permet de mieux saisir la construction des postures, le développement de l’implication ou la montée en compétences de celui qui choisit un tel poste. Non dénuée d’humour et très réaliste sur les conditions d’exercice, Lanto Dubois déjoue les représentations erronées et participe d’une forme d’activisme pour faire comprendre la place importante de l’infirmière, ses savoirs, son inventivité et sa réflexivité.

Soavadia, bon yoyage. Chroniques d’une infirmière en unité de soins palliatifs, Lanto Dubois (Éditions L’Harmattan, Collection récits de vie, Série Santé et Maladie, novembre 2023), 270 pages.

Plusieurs années après, la pandémie reste encore un sujet d’actualité, car notre regard rétrospectif sur celle-ci nous permet encore d’apprendre sur cet épisode particulier. Considérant l’état de stress post-traumatique dans lequel cette crise nous a plongés, par le désœuvrement et la désocialisation, les auteurs, tous deux psychiatres, interrogent les conditions environnementales dans lesquelles se trouvent les êtres humains en post-Covid. Les relations à la nature ou aux technologies sont ici analysées sous l’angle de la santé mentale pour en dégager des actions concrètes bénéfiques pour nos modes de vie. Partant du postulat que la reprise de la « vie d’avant » n’est pas souhaitable, et tout en considérant le monde moderne dans lequel nous évoluons, cet ouvrage repense le lien social et environnemental de façon juste pour vivre mieux dans un écosystème plus global. Loin d’être un énième livre sur le développement en santé, sa lecture constituera, sans nul doute, un point de départ pour ouvrir une page de vie plus sereine.

Protéger sa santé mentale après la crise, Nicolas Franck, Fréderic Haesebaert (Éditions Odile Jacob, novembre 2023), 208 pages.