Le projet de loi sur la fin de vie a été présenté en Conseil des ministres le 10 avril dernier. Outre l’inscription dans la loi d’une aide active à mourir, ce projet de loi souhaite transformer l’offre de soins palliatifs en soins d’accompagnement.
Dans la version présentée en Conseil des ministres le 10 avril 2024 et déposée dans la foulée au Parlement, le projet de loi souhaite rénover l’approche de la fin de vie en intégrant des « soins d’accompagnement ». Ces derniers « ne se résument ainsi pas aux soins palliatifs, entendus comme les soins médicaux destinés à traiter la douleur, mais doivent désormais se définir plus largement comme les soins qui visent à anticiper, prévenir et soulager les souffrances dès l’annonce du diagnostic et aux différents stades de la maladie afin d’améliorer la qualité de vie des personnes malades et de leur entourage, et de préserver leur dignité et leur bien‑être, détaille le projet de loi. Ils couvrent ainsi d’autres soins que les soins palliatifs, tels que les soins de support (prise en charge nutritionnelle, accompagnement psychologique, aide à la pratique d’une activité physique adaptée etc.) ou encore les soins de confort (musicothérapie, massage, soins socio‑esthétiques etc.), et plus largement toutes les mesures et soutiens mis en œuvre pour répondre aux besoins de la personne malade, médicaux ou non médicaux, de nature physique, psychique ou sociale, et à ceux de ses proches aidants ». Un changement de dénomination qui vise à changer « la vision que les Français ont des soins palliatifs, trop souvent associés aux dernières semaines de la vie », avait justifié auprès de France Info Franck Chauvin, auteur du rapport « Vers un modèle français des soins d’accompagnement ».
De fait, une nouvelle catégorie d’établissements pourrait voir le jour, des « maisons d’accompagnement », qui seraient comme des structures entre l’hôpital et le domicile pour les personnes en fin de vie et leur entourage : les personnes malades pourraient y être admises lorsque le retour à domicile n’est pas possible ou encore lorsque la prise en charge à domicile ou en établissement n’est pas adaptée. Cette nouvelle dénomination de « soins d’accompagnement » suscite l’incompréhension du Conseil national professionnel infirmier (CNPI) : « Si l’accompagnement est une démarche ancrée dans notre engagement professionnel infirmier au service d’autrui et centré sur la personne, en revanche, il ne qualifie pas les interventions soignantes relevant des soins palliatifs effectuées aujourd’hui », s’insurge le collectif. Aussi, le CNPI préconise de « préserver la terminologie de soins palliatifs, précise et conforme aux principes fondamentaux des soins palliatifs tels que définis par l’OMS [Organisation mondiale de la santé – ndlr] » ; une terminologie franco-française pourrait en outre nuire à la mise en place de nouvelles approches et freiner la recherche internationale. Il craint notamment qu’une modification imprudente entraîne des répercussions significatives sur la compréhension et la mise en œuvre de ces soins essentiels pour les personnes les requérant et leurs familles. Selon le CNPI, le terme de soins d’accompagnement est restrictif et « occulte la complexité de l’expertise et de la coordination pluridisciplinaire permettant d’apporter le juste soin requis, coconstruit avec la personne soignée et son entourage ».
Du côté des moyens, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités Catherine Vautrin a assuré un budget supplémentaire de 1,1 milliard d’euros supplémentaires sur dix ans, soit un total de 2,7 milliards pour le plan décennal, avec un accent porté sur le volet pédiatrique puisqu'elle a annoncé la création de deux unités de soins palliatifs destinées aux enfants d’ici la fin de l’année. Une urgence pour la Cour des Comptes qui rappelait dans un rapport(1) l’an dernier que si l’accès aux soins palliatifs est un droit reconnu depuis 1999, dans les faits, la moitié des patients qui pourraient y prétendre n’y ont pas accès. Par ailleurs, un département sur cinq est dépourvu d’unité de soins palliatifs d’après l’Atlas des soins palliatifs(2). Le Gouvernement s’est engagé à combler le manque cette année et d’ici 2025, mais créer une vingtaine d’unités supplémentaires ne suffira pas à réduire les inégalités.
Il manque aussi de personnel formé pour la prise en charge de ces patients en fin de vie : là aussi, la ministre propose la création d’une spécialité universitaire « médecine palliative et d’accompagnement » et l’ouverture de postes de chefs de clinique spécialisés dans les soins d’accompagnement dès l’an prochain. Une véritable nécessité car les besoins risquent d’être croissants, si l’on tient compte du vieillissement de la population : d’après des projections de la Cour des Comptes, le nombre de bénéficiaires de soins de ce type pourrait passer de 380 000 à 470 000 d’ici à 2050, soit une hausse de 23 % en vingt ans.
L’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie commence le 27 mai à l’Assemblée nationale avant d’être transmis au Sénat : conformément aux souhaits du Président de prendre le temps de la réflexion sur le texte, le Gouvernement a annoncé ne pas engager de procédure accélérée sur celui-ci. Les débats pourraient ainsi s’étaler dans le temps, compte tenu des discussions animées qu’ils risquent de susciter.
1. Les soins palliatifs, une offre de soins à renforcer, juillet 2023.
2. Atlas des soins palliatifs et de la fin de vie, 3e édition, 2023.