QUALITÉ
Jean Toniolo Stéphanie Thurillet Valérie Delaide Pascale Beloni
Infirmier, M.Sc, PhDc, recherche paramédicale, coordination générale des soins, CHU de Limoges, Inserm U1094, IRD U270, Université de Limoges, Épidémiologie des maladies chroniques en zone tropicale EpiMaCT, Institut d’épidémiologie et de neurologie tropicale OmegaHealth, Limoges, département universitaire de sciences infirmières, Faculté de médecine, Université de LimogesInfirmière puéricultrice, service des urgences pédiatriques, Hôpital de la mère et de l’enfant, CHU de LimogesInfirmière cadre supérieur de santé, pôle clinique médicale, CHU de LimogesInfirmière cadre supérieur de santé, PhD, HDR en sciences infirmières, coordonnateur de la recherche paramédicale, CHU de Limoges, maître de conférences associé, département universitaire de sciences infirmières, Faculté de médecine, Université de Limoges, Inserm U1094, IRD U270, Université de Limoges, Épidémiologie des maladies chroniques en zone tropicale EpiMaCT, Institut d’épidémiologie et de neurologie tropicale OmegaHealth, Limoges
L’utilisation des résultats de la recherche en pratique pour les infirmières revêt une importance capitale car elle améliore la prise en charge des patients. La préparation des médicaments administrés via pousse-seringues électriques est une activité courante qui ne fait pas l’objet de recommandations de bonnes pratiques en France, autre que sur le plan de l’hygiène et de la stabilité des médicaments. Une étude a été menée avec pour objectif d’élaborer une stratégie d’implantation des données probantes dans la pratique, avec l’exemple de la préparation des seringues électriques, et de sensibiliser les infirmières à l’utilisation des résultats de la recherche et de l’evidence-based nursing.
Avec la reconnaissance au Conseil national des universités et la création de la section 92 – Sciences infirmières, de nouveaux enjeux se dégagent en France depuis 2019 (Arrêté du 30 octobre 2019 modifiant l’arrêté du 29 juin 1992 fixant la liste des sections, des sous-sections et des options ainsi que le nombre des membres de chaque section et sous-section des groupes du Conseil national des universités pour les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques - Légifrance, 2019). Ces enjeux concernent la production de savoirs spécifiques par la recherche, l’utilisation de savoirs issus des sciences infirmières, mais aussi la reconnaissance en elle-même des sciences infirmières par l’ensemble de la communauté infirmière (Pepin et al., 2017).
Le contenu de la formation infirmière, qui s’achève par l’obtention d’une licence depuis 2009, s’appuie sur des éléments relatifs aux sciences infirmières mais leur abord n’est pas assez structurant et ne permet pas, à ce jour, de disposer d’une vision hiérarchique de l’intérêt des savoirs infirmiers et de leur mobilisation dans la pratique (Jovic et al., 2014). À noter pour autant que l’utilisation des connaissances de la recherche est la principale attente pour les infirmières de niveau licence sortant du diplôme (European Commission, 2011) depuis l’harmonisation des formations au niveau européen.
L’evidence-based nursing, ou pratique infirmière fondée sur les preuves, est le versant infirmier de l’evidence-based medecine. La pratique fondée sur les preuves a été définie en 1996 par Sackett comme étant « l'utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures données probantes actuelles pour prendre des décisions concernant les soins de chaque patient » (Sackett et al., 1996).
En 2000, cette définition est complétée : « C’est un modèle de prise de décisions qui repose sur des données empiriques issues de la recherche, mais aussi sur l’expertise clinique, les préférences et les volontés des patients, ainsi que les ressources disponibles dans les milieux de soins » (Ingersoll, 2000). Ainsi, la recherche infirmière ne serait pas réservée uniquement à une élite, et tout professionnel qui se questionnerait sur ce qu’il constate, observe, ou comprend lors de la relation de soin, débuterait une démarche de recherche. La profession infirmière en France est encore méfiante à lire, écrire, communiquer sur les actions de soins et recourir aux « gold standards » (Poiroux, 2015). Les données probantes infirmières sont souvent abordées sous l’angle de la création et beaucoup moins sous celui de la dimension applicative (Poiroux, 2015). Tout d’abord, pour diverses raisons, les infirmières peuvent rarement lire des articles scientifiques, notamment par manque de temps ou d’intérêt. Certaines infirmières ont le désir et l'intention de lire, mais elles en sont empêchées par le manque de connaissances de base et les barrières linguistiques (Mastracci et al., 2020). Jusqu'à présent, les facteurs qui interviennent dans l’engagement des infirmières dans la littérature ont peu été étudiés et leurs connaissances sur la manière d’améliorer la capacité à assimiler et à utiliser efficacement les informations trouvées dans la littérature sont limitées (Melnyk et al., 2004 ; Veeramah, 2016).
Les pratiques s’appuient souvent sur l’intuition, l’expérience professionnelle voire l’avis de collègues par simples transmissions orales, de génération en génération, avec tous les risques de dérives vers de simples croyances que cela peut engendrer.
Dans un contexte où 30 à 40 % des patients reçoivent des traitements dont l’efficacité n’est pas démontrée et 20 à 25 % bénéficient de soins dont ils n’ont pas besoin ou potentiellement dangereux pour eux (Grol, 2001), l’utilisation des données probantes dans les pratiques infirmières a déjà montré sa capacité à améliorer l'environnement des pratiques ainsi que les résultats de soins pour les patients (Abu-Baker et al., 2021) comme par exemple concernant la gestion de l’hypertension artérielle dans l’étude de Spies (Spies et al., 2018).
Les stratégies de transfert des données probantes dans la pratique reposent sur les sciences de l’implémentation. Ces dernières se définissent comme l’étude scientifique des méthodes promouvant l’adoption et l’intégration systématique des résultats de la recherche et d'autres pratiques fondées sur des résultats probants dans la pratique clinique courante, afin d'améliorer la qualité et l’efficacité des services et des soins de santé (Eccles & Mittman, 2006). Différentes méthodes existent pour implémenter les résultats de la recherche dans la pratique et des outils ont même été développés pour aider au choix en fonction de la situation (Birken et al., 2018). Malgré cela, en lien avec une connaissance partielle et une culture en sciences infirmières limitée, les résultats de la recherche restent sous-utilisés (Lefebvre et al., 2013).
Pour répondre à ces problématiques, plusieurs initiatives ont été décrites, notamment au Canada, incluant des groupes de travail sur le développement de communauté de pratique et la mise en place de réseaux associant la recherche clinique et les milieux de soins (Lefebvre et al., 2013). En effet, le type d'hôpital peut s’avérer un facteur important influençant la lecture de la littérature. Les infirmières des hôpitaux universitaires sont plus susceptibles de montrer une appétence envers la recherche, par mimétisme sur la dynamique médicale, mais elles ont aussi plus de possibilités et de moyens d’accéder aux articles ou aux informations de recherche actualisées.
La culture organisationnelle peut également guider l'attitude et le comportement de chacun. Une culture qui encourage les infirmières à suivre une formation continue ou une formation à la recherche peut leur permettre de devenir un jour initiateur de recherches.
Le Centre hospitalier universitaire de Limoges s’inscrit dans cette dynamique par le biais du Comité de promotion de la recherche paramédicale et de l’innovation. Un groupe de travail pluriprofessionnels (infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, diététicien, cadres et cadres supérieurs de santé, ainsi que quatre étudiants en soins infirmiers) a été initié avec trois objectifs de travail : harmoniser des pratiques, promouvoir la pratique infirmière fondée sur les preuves pour augmenter la qualité et la sécurité des soins, développer par ce biais l’intérêt pour la recherche et les sciences infirmières auprès des professionnels. La pratique comme source d’études permet d’explorer des situations cliniques, de susciter des questionnements et de jeter les bases de recherches (Pepin et al., 2017).
La préparation des seringues électriques est un acte de soins courant pour les infirmières (décret n°2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code., 2004, p. 20). Elle requiert une attention particulière car est une étape clé de l’administration sécuritaire des médicaments (Zavotsky et al., 2016). Pour autant, il n’existe pas de recommandations à l’échelle française concernant la méthodologie de préparation de ces pousse-seringues électriques. Dans les secteurs, les pratiques semblaient hétérogènes, et l’établissement ne disposait pas d’un protocole pour cette technique.
L’objectif de cette étude était double : d’une part élaborer une stratégie d’implantation des données probantes dans la pratique, efficace à l’échelle d’un CHU, et d’autre part, sensibiliser les infirmières à l’utilisation des résultats de la recherche et de l’evidence-based nursing (encadré 1).
Sur les 140 questionnaires, 80 ont été retournés (57 %). Concernant la préparation de la seringue électrique, 56 % des infirmières prélèvent le principe actif en premier puis ajoutent le solvant. Concernant le fait d’agiter la seringue électrique, 49 % des infirmières le font, une à quatre fois. S’agissant de la présence ou non d’une bulle d’air, 86 % des infirmières purgent la bulle d’air avant agitation. Enfin une question était posée concernant la possible influence de la méthode de préparation sur l’homogénéité de la concentration à l’intérieur : 57,5 % pensent que la méthode influence la concentration alors que 41 % estiment que ce n’est pas le cas.
L’enquête préalable réalisée au sein de l’hôpital mère-enfant nous amène à constater une grande disparité, dans les pratiques et dans les croyances, sur le mode de préparation des seringues électriques.
Le groupe de travail a réalisé une revue de la littérature. Très peu d’articles scientifiques ont été retrouvés sur le sujet. Le seul proposant une intervention était celui de Garrigue et al. (Garrigue et al., 2016). Les auteurs mettent en évidence que la méthode de préparation de la seringue électrique influence son homogénéité. Ainsi, ils proposent une méthode de préparation consistant au prélèvement du médicament, puis à l’ajout du solvant avec une bulle d’air égale à 5 mL et à l’homogénéisation de cette préparation par retournement à 180°, cinq fois. L’étude ne révélait pas de limites majeures, ni de recherches présentant des résultats contraires. De plus, devant l’absence de recommandation nationale, l’utilisation de ces résultats dans la pratique a été actée.
Dans un premier temps, un protocole institutionnel sur la préparation des seringues électriques a été rédigé et diffusé dans la base de documentation de l’établissement, en lien avec la pharmacie et le collège d’évaluation des pratiques professionnelles. Par ailleurs, les résultats de l’enquête ont été restitués et ceux de l’étude présentés en appui du protocole de soins, dans un premier temps au sein du pôle mère-enfant de l’hôpital et dans les instituts de formation en soins infirmiers de la région. Une vidéo explicative de la démarche d’evidence based practice et de la préparation des seringues électriques a été créée et elle est désormais présentée à chaque nouveau professionnel recruté sur l’établissement. Des informations et formations seront réalisées dans les différents services du CHU : leur planification est en cours d’élaboration.
Notre démarche a fait l’objet d’un poster au 8e Colloque de recherche paramédicale du grand sud-ouest pour lequel nous avons obtenu le Prix du public. Le poster a également été affiché dans les salles de soins du CHU afin de disposer d’un support visuel de rappel, à portée des professionnels lors de la préparation. Ce travail a fait l’objet d’un webinaire Girci Soho (Groupement interrégional de recherche clinique et d’innovation sud-ouest outre-mer hospitalier) et d’une communication orale aux journées Ile-de-France.
Afin de répondre à l’étape 6 (encadré 1), une fois l’ensemble des services formés, une étude sera réalisée pour évaluer l’appropriation du changement de pratique, en premier lieu dans le pôle mère-enfant.
L’utilisation de stratégies d’implantation pour répondre à des problématiques cliniques est faisable dans le contexte français. Celles-ci requièrent tout de même un niveau de formation à la recherche suffisant, notamment en sciences de l’implémentation, ainsi qu’un leadership fort afin de faire évoluer les pratiques.
Notre étude a utilisé trois stratégies de mise en œuvre : l’intervention par audit, le retour d'informations, et la formation pour atténuer ou diminuer les obstacles perçus, à savoir une pratique ancienne pour les infirmières, un manque de clarté sur la technique de préparation des seringues électriques, un questionnement sur le processus sans solution trouvée (Chan et al., 2017 ; Springer et al., 2021).
Des études ont observé des améliorations du niveau de connaissances des infirmières et des pratiques fondées sur des données probantes après une intervention de formation et l’utilisation de matériel éducatif (Reynolds et al., 2016, 2019).
L'audit et la communication des résultats de celui-ci ont été recommandés comme des interventions efficaces capables de favoriser l’adoption de recommandations fondées sur des preuves par les cliniciens (Chan et al., 2017 ; Springer et al., 2021). Les théories pour la mise en œuvre de comportements liés aux soins suggèrent que l’audit et le retour d'information peuvent fonctionner de plusieurs manières, notamment en modifiant la conscience et les croyances individuelles concernant la pratique clinique actuelle et ses conséquences, en changeant les normes sociales perçues, et en améliorant l’auto-efficacité. Ils pourraient susciter des sources de motivation internes et externes comme le travail d’équipe et le soutien de l’organisation (Springer et al., 2021).
En complément, le contenu de la formation a aidé les infirmières à acquérir des connaissances nouvelles et à comprendre l’intérêt de modifier leurs pratiques en identifiant les éléments essentiels pour homogénéiser la solution et garantir un traitement constant. Nous avons également choisi deux approches pédagogiques différentes (atelier de simulation et poster) afin d’optimiser la diffusion des connaissances.
Les résultats de notre enquête préparatoire concordent avec les données d’autres études (Garrigue et al., 2016).
Le pôle mère-enfant étant le plus sensibilisé à la technique, il sera intéressant d’observer les résultats obtenus dans les autres secteurs et d’identifier les motivations ou les freins au changement. Au-delà de l’étude quantitative liée à cette stratégie d’implémentation, une étude qualitative permettrait d’approfondir la compréhension des phénomènes liés à l’implantation des résultats de la recherche.
Parallèlement, cette réflexion invite à réfléchir sur la représentation de l’evidence-based practice chez les professionnels. En effet, une question émerge sur l’aspect quantitatif « puriste » de cette approche et questionne sa compatibilité avec les sciences infirmières.
À l’heure actuelle, dans le contexte du paradigme de la transformation (Lecordier, 2011), la santé est conçue comme « une expérience englobant la personne et son environnement. Elle est à la fois une valeur et une expérience vécues selon la perspective de chacun. Elle fait aussi référence au bien-être et à l’exploitation du potentiel de création d’une personne. » (Pepin et al., 2017). Opposer des interventions définies sur des bases quantitatives ne pourrait-il pas aller à l’encontre du phénomène de santé de l’individu ?
De même, il apparaît que dans la démarche d’evidence-based practice, le savoir scientifique est hissé au premier rang, reléguant au second l’expertise et le jugement clinique (Avis & Freshwater, 2006). C’est donc un juste équilibre qu’il faut trouver, à la fois dans la démarche de l’evidence-based practice et dans sa pratique quotidienne, afin de pouvoir répondre d’une part aux enjeux de qualité et sécurité des soins et d’autre part à la prise en soins personnalisée du patient.
En parallèle, l’un des principaux défis consiste à développer la capacité des professionnels de terrain à comprendre et à évaluer les articles de recherche. Il a été identifié que la lisibilité et la compréhension des articles étaient un obstacle pour les infirmières (Veeramah, 2016). À titre d’exemple, la quantité d’informations leur semble importante et elles ne savent pas comment distinguer et extraire les éléments pertinents.
Par ailleurs, les analyses statistiques peuvent être déroutantes d’autant qu’elles ne sont pas très développées dans le curriculum de formation actuel.
C’est pourquoi la formation professionnelle continue et l’accompagnement des professionnels par l’encadrement de proximité sont indispensables (Gerrish & Clayton, 2004 ; Stetler et al., 2014).
En outre, dans un contexte d’exercice complexe, avec des charges de travail importantes, le recours aux données probantes peut constituer pour les managers un outil d’aide au développement de pratiques sécuritaires, mais aussi une façon de redonner du sens aux actions de soins (Stevens, 2013). La perte de sens, dénoncée régulièrement par la plupart des professionnels, pourrait être contrée par le biais de la preuve d’efficacité (ou d’inefficacité) des actions décidées par le professionnel ou l’équipe. Les données probantes fournissent aussi l’opportunité de développer l’autonomie des professionnels autour de prise de décisions pertinentes scientifiquement dans l’intérêt du patient et une manière de contribuer activement à la prise en soins (Poiroux, 2015).
Notre étude comprend plusieurs limites. Tout d’abord, elle retranscrit le travail d’un seul centre hospitalier et toutes les étapes du processus d’implémentation n’ont pas été réalisées dans l’ordre logique. De plus, il n’a pas été prévu d’évaluer l’impact sur la connaissance en sciences infirmières des soignants du CHU, alors qu’un de nos objectifs était d’évaluer leur adhésion à l’utilisation des données probantes. Cependant, cette étude est la première en France à proposer une démarche d’implantation complète au sein d’un hôpital, aboutissant à la modification d’une pratique courante de soins.
Notre démarche vise à montrer aux infirmières le chemin pour accéder à la connaissance en termes d’implémentation de données issues de la recherche. Elle est collective et à l’échelle d’un pôle. Nous faisons le pari que ce travail pourrait impulser une dynamique individuelle ou d’équipe, impacter la motivation à lire, rechercher des informations et vulgariser la démarche. L’autodétermination constitue alors un catalyseur, en s’appuyant sur la motivation intrinsèque du professionnel en référence à son propre intérêt, en recherche de plaisir au travail et de satisfaction.
Progressivement, dans une équipe pluridisciplinaire, la parole infirmière pourrait être davantage entendue dans la prise en soins proposée, au même titre que celle du médecin et des autres paramédicaux, dans une approche complémentaire relevant de son champ de compétences. Cette reconnaissance est une façon indéniable de valoriser la profession et de la rendre attractive à moyen terme. En effet, ce processus permet non seulement de renforcer l’efficacité clinique et d’améliorer les résultats pour les patients, mais aussi de faciliter la croissance personnelle et professionnelle des infirmières.
Encadré 1
Nous avons réalisé, au sein du Centre hospitalier universitaire de Limoges, une étude monocentrique de type implémentation de données dans la pratique (Bauer & Kirchner, 2020). Ce travail a été porté par l’ensemble du sous-groupe de travail d’implémentation des données probantes dans la pratique, composé de cadre et cadres supérieurs de santé, de formateurs en instituts de formation en soins infirmiers, d’infirmières et d’étudiants en soins infirmiers. Il est recommandé que les études s’appuyant sur le champ relativement nouveau des sciences de l’implémentation fondent leur méthodologie sur un modèle théorique afin de valider le transfert dans la pratique des savoirs probants identifiés et de garantir la méthode utilisée (Bauer & Kirchner, 2020).
Notre démarche a suivi la stratégie décrite par Melnyk (Melnyk et al., 2010, 2014) concernant l’implantation des résultats de la recherche en sciences infirmières en pratique. En effet, Melnyk est une des premières infirmières à avoir théorisé l’evidence-based practice et proposé un modèle simple en 7 étapes.
L’étape 1 consiste en l’évaluation du besoin de changement. Cette phase s’est donc centrée sur une partie exploratoire, comprenant : la recension des protocoles existants ainsi que la réalisation d’une enquête exploratoire sur le pôle mère-enfant du CHU de Limoges, afin d’identifier les pratiques et croyances infirmières en lien avec ce mode d’administration. Cet auto-questionnaire a été construit sur la base de la littérature (Garrigue et al., 2016) et a été testé, avant son administration, sur quatre infirmières, afin d’en assurer la bonne compréhension. Ce « questionnaire après test » a été distribué à l’ensemble des infirmières du pôle mère-enfant (140 questionnaires) du CHU en décembre 2018. Les services de consultations ne préparant pas de thérapeutiques administrées au pousse-seringue électrique, ceux-ci n’ont pas été inclus.
L’étape 2 consiste en la formulation d’une question précise. Elle a été réalisée par le groupe de travail cité plus haut.
L’étape 3 est une recherche efficace des écrits scientifiques. Nous avons ainsi réalisé une revue efficace de la littérature existante, de type scoping review (Munn et al., 2018), basée sur les standards habituels décrits, sans que les résultats de celle-ci ne soient publiés.
L’étape 4 consiste en l’analyse critique de ces écrits scientifiques selon les standards scientifiques. Pour cela, nous avons utilisé les grilles et la méthodologie proposé par Salmi (Salmi & Salamon, 2012).
L’étape 5 comprend la prise de décision et la mise en œuvre de cette décision (changement ou pas de pratiques). Cette étape a inclus, en plus des membres du groupe de travail, l’équipe de la cellule d’hygiène et de la pharmacie.
L’étape 6 consiste en l’évaluation du résultat obtenu avec le changement implanté.
L’étape 7 est composée de la diffusion des résultats.
Les analyses des résultats ont été réalisées à l’aide de l’enquête préliminaire au sein de l’hôpital mère-enfant, avec le logiciel Excel.
Ne s’agissant pas d’une étude interventionnelle ni impliquant la personne humaine, nous n’avons pas eu besoin de demander l’avis d’un comité d’éthique. Le recueil des données via les questionnaires était conforme à la réglementation pour la gestion et la protection des données personnelles en vigueur.
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