Animé par la soif d’apprendre, Jean-Denis Aubry se décrit comme un épistémophile. Dans un champ des possibles en santé très ouvert, le cadre supérieur de santé en charge de la coordination pédagogique de la formation infirmière de l’institut de formation en soins infirmiers du CHRU de Tours accumule des compétences autour de ses deux axes de prédilection : la pédagogie et la formation.
Dès ses premières années comme infirmier, Jean-Denis Aubry s’est impliqué dans des missions connexes. Diplômé d’État en 2001, il exerce dans un centre de rééducation et réadaptation fonctionnelle, Le Clos Saint-Victor, dans l’agglomération de Tours. « Le numérique en santé était déjà présent et je me suis intéressé à la mise en place du dossier de soins informatisé dans ce centre du groupe Ugecam [Union pour la gestion des établissements des caisses de l'Assurance maladie – ndlr], qui était assez novateur dans ce domaine », se rappelle-t-il. Rapidement en quête d’évolution professionnelle, il échange avec des cadres de santé d’autres structures et se prépare seul au concours d’entrée en institut de formation des cadres de santé (IFCS). En 2008-2009, il intègre l’IFCS de Rennes, « un établissement assez précurseur car offrant en parallèle un parcours de master 1 en sciences de l’éducation, ce qui était peu courant. C’est ainsi que je me suis éveillé au monde de la pédagogie puis de la formation quelques années plus tard, jusqu’à aujourd’hui », témoigne-t-il.
Jean-Denis Aubry réalise des stages à l’étranger, dans des pays francophones. Un premier stage d’infirmier à Lausanne, en Suisse, dans une clinique privée à orientation chirurgie ; plus tard, un stage de cadre de santé au CHU de Sherbrooke, au Québec, en gestion d’une part et au sein de l’université de sciences infirmières de ce CHU d’autre part. Aux côtés d’une enseignante universitaire spécialisée en approches numériques dans le parcours de soins des patients, il approfondit ses connaissances dans ce domaine et consacre son mémoire de formation cadre à l’implantation des dossiers de soins informatisés dans le paysage sanitaire.
Embauché comme cadre de santé en 2009 au centre hospitalier Simone-Veil, à Blois, dans un service de chirurgie polyvalente viscérale, urologique, vasculaire et gynécologique, il découvre et investit entre autres l’approche de l’éducation thérapeutique des patients, un sujet qui restera ancré dans ses réflexions professionnelles et de recherche. Avec l’infirmière stomathérapeute et le chirurgien chef de service, il monte un programme pour les patients stomisés. « Cette expérience m’a incité à continuer mon parcours de formation universitaire », explique Jean-Denis Aubry. En parallèle de son activité de cadre de santé, il s’engage alors dans un master 2 santé publique, Promotion éducation prévention santé (Peps) à l’université de Tours, en 2011-2012. Il parvient à conjuguer deux valences universitaires dans le cadre de son mémoire, codirigé par une maîtresse de conférence du département des sciences de l’éducation et un professeur de santé publique du CHRU de Tours. Le thème : l’identification de la reconnaissance du savoir expérientiel du patient dans les programmes d’éducation thérapeutique et les principes d’alternance.
À la fin de ce master, Jean-Denis Aubry continue son parcours de cadre de santé en service de chirurgie, avant de céder rapidement aux sirènes du monde de la formation et de la pédagogie. Il intègre alors l’institut de formation en soins infirmiers - institut de formation des aides-soignants (Ifsi-Ifas) de l’hôpital de Blois comme coordonnateur pédagogique des deux filières. De 2013 à 2019, il est en charge de la déclinaison des projets pédagogiques de l’Ifsi et de l’Ifas et assure le management de l’équipe pédagogique. « Ces six années ont été ponctuées de projets phares : le développement de la simulation en santé en capitalisant sur les compétences expertes d’une formatrice férue de simulation, une mission singulière de responsable qualité d’une certification ISO 9001 de l’Ifsi-Ifas, qui aboutira à la labélisation de l’institut un an plus tard, et le déploiement du numérique en pédagogie. Le recrutement d’une ingénieure en techno-pédagogies nous a permis d’aller plus loin dans la mise en œuvre de solutions e-learning, d’hybridation pédagogique, d’innovations sur les parcours pédagogiques avec des formats de ludo-pédagogie digitale… »
Jean-Denis Aubry réfléchit ensuite à un parcours doctoral, qu’il formalise en 2018 en se lançant dans une thèse de santé publique à l’université de Tours, auprès d’une équipe de recherche « Éducation Éthique Santé ». « Cette équipe pluridisciplinaire, composée de médecins, paramédicaux, universitaires en sciences de l’éducation, en philosophie, etc., traite aussi bien des questions de recherche sur l’éducation à la santé des patients que sur celles interrogeant les ingénieries de formations en santé », détaille-t-il. Ses travaux de recherche aboutissent à sa soutenance de thèse, au printemps 2023, sur le thème de la combinaison des technologies numériques au bénéfice des patients. « L’objectif était d’analyser les incidences de l’introduction de serious game, notamment dans les parcours d’éducation thérapeutique des patients adultes », précise Jean-Denis Aubry. Des recherches qui le conduisent à participer à un groupe de pilotage sur le déploiement d’une formation en numérique en santé de 28 heures, rendue obligatoire pour tous les étudiants en santé par le décret n° 2022-1419 du 10 novembre 2022, et à un comité de pilotage qui travaille à la possibilité de répondre à un appel à projet national afin de déployer des formations continues, au niveau des universités, pour le développement de compétences numériques en santé chez les professionnels.
Cadre supérieur de santé, coordonnateur de la filière infirmière au sein de l’Ifsi du CHRU de Tours depuis l’été 2019, Jean-Denis Aubry a, comme dans son poste précédent, la responsabilité de décliner le projet pédagogique de l’Ifsi, et il participe au management de l’équipe pédagogique. Dans un établissement de plus grande ampleur, puisqu’il compte 25 formateurs pour 600 places d’étudiants infirmiers. Son souhait est de garantir la qualité de la formation des futurs et actuels professionnels de santé, tout en gardant son attention portée sur la prise en soins des patients et bénéficiaires de santé.
Toujours investi dans les questions de qualité, il participe au comité de pilotage (Copil) qualité des écoles du CHRU de Tours dont dépend l’Ifsi, qui travaille sur la démarche de certification Qualiopi dans ce périmètre. Il contribue également au Copil de déploiement et de développement de la recherche paramédicale porté par la direction des soins du CHRU. Depuis sa création en 2018-2019, il intervient aussi comme enseignant et évaluateur dans l’unité de recherche du master infirmier en pratique avancée (IPA) de l’Université de Tours, et est coordinateur de l’unité d’enseignement de santé publique de ce master, dans cette même université, depuis 2022. Jean-Denis Aubry occupe par ailleurs des fonctions connexes à son poste comme enseignant vacataire en master de santé publique à l’université de Tours ainsi que dans d’autres écoles paramédicales, et participe au comité scientifique de la coordination régionale éducation thérapeutique Centre-Val-de-Loire. « Tout au long de mon parcours, mes choix ont été motivés par des rencontres professionnelles. Des collaborateurs, des collègues, des patients, des personnes en portage de ces masters et écoles doctorales ont été inspirants, confie Jean-Denis Aubry. Les évolutions statutaire ou hiérarchique n’ont pas été mes motivations premières. Ce qui m’a nourri, ce sont les missions inhérentes aux postes et fonctions dans lesquelles je souhaitais m’investir. »
Parallèlement à ses missions professionnelles, Jean-Denis Aubry s’implique au sein du Cefiec (Comité d’entente des formations infirmières et cadres), dont il est président régional Centre Val-de-Loire depuis 2018. En 2022, il a eu l’opportunité d’organiser et d’accueillir avec son équipe locale (100 % des Ifsi et IFCS sont adhérents dans la région) les Journées nationales d’études de l’association, à Tours.
Jean-Denis Aubry est par ailleurs engagé au sein du Collegium santé Centre Val-de-Loire (CSCVL) à l’université de Tours, une structure qui fédère toutes les formations en santé (médicales et paramédicales) de la région. « Je suis impliqué dans différentes commissions sur la simulation, le numérique en santé et, en tant que président régional du Cefiec, j’ai pu associer le Collegium à la mise en place ensemble de journées pédagogiques, explique-t-il. En 2019, une journée autour de la docimologie (science de l’évaluation) et, en 2021, une autre sur la place des patients formateurs dans les formations en santé. »
Par ces différents engagements et missions, il participe à des groupes de réflexion sur la réforme de la formation infirmière pour 2025 et l’universitarisation en cours des sciences infirmières. « L’enjeu est de réfléchir aux types d’ingénieries de formation et pédagogique qui pourraient voir le jour avec l’universitarisation. Celle-ci doit s’accompagner d’une approche professionnalisante telle que nous l’avons toujours eue dans la formation infirmière. Nous travaillons pour marier les approches académiques portées par l’université et le caractère professionnalisant de la formation au métier d'infirmier, notamment par le levier des apprentissages cliniques au travers des stages. »
Pour Jean-Denis Aubry, un autre enjeu est de développer de plus en plus les parcours de formation individualisés. Que les étudiants soient porteurs d’un handicap, atteints par des problèmes de santé, sportifs de haut niveau ou détenteurs de certifications de formation avant leur entrée en Ifsi…, l’individualisation des parcours doit à ses yeux être privilégiée, tout en se conformant à la réglementation, aux référentiels de formation et aux exigences de développement des actes et compétences infirmières. « On peut imaginer des parcours « modulaires », des voies passerelles pour éviter que des étudiants soient en errance. Par exemple, nous avons mis en place sur l’IFSI du CHRU de Tours cette passerelle pour permettre à des étudiants sortant de première année, Pass [parcours d'accès spécifique santé] ou LAS [licence accès santé], d’intégrer sous conditions la formation infirmière en 2e année. L’ingénierie de formation et pédagogique doit être de conception innovante, force de proposition pour offrir d’autres trajectoires de formation grâce entre autres au développement du digital learning et de la simulation en santé. » À l’Ifsi du CHRU de Tours, l’ouverture d’un parcours par la voie de l’apprentissage dès la 2e année de formation est en réflexion ; cette possibilité étant déjà proposée pour la 3e année.
Selon Jean-Denis Aubry, la réingénierie de la formation en sciences infirmières va de pair avec une vision élargie de la profession. « Le métier d’infirmier va se projeter vers des compétences plus larges. On le voit déjà avec le parcours IPA. Dans les domaines sanitaire et médicosocial, l’exercice de la profession continuera sans doute à adopter une visée de type santé publique (comme avec le service sanitaire aujourd’hui) avec des axes de promotion de la santé, de prévention et d’éducation. » Un parcours « infirmier de santé publique » par exemple, pourquoi pas ? Ouvrir le métier à de nouvelles missions ne peut que le rendre encore plus intéressant.