Le consentement aux soins - Objectif Soins & Management n° 0300 du 31/07/2024 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0300 du 31/07/2024

 

Avis de la Fédération hospitalière de France

ACTUALITÉS

Claire Pourprix

  

Dans son avis annuel rendu en avril dernier, la Fédération hospitalière de France (FHF) émet des recommandations pour « placer le patient en situation de consentir aux soins en connaissance de cause ».

Le Comité éthique de la FHF s’est autosaisi de la question du consentement du patient, dans la continuité de l’avis 136 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de juillet 2021. Ce nouvel avis s’intéresse particulièrement au consentement aux soins dans le cas de situations délicates et complexes telles que des altérations du jugement ou des pathologies cognitives (psychiatrie, pédiatrie, personnes âgées avec des troubles cognitifs...) qui peuvent générer des difficultés dans sa mise en œuvre, tout en réaffirmant que « le consentement est un acte de soin au même titre qu’un acte diagnostique ou thérapeutique ».

Il recommande trois actions prioritaires. Tout d’abord, « replacer la co-élaboration du consentement au cœur des pratiques soignantes et institutionnelles au sein de l’hôpital public ». Cela requiert de ne plus présupposer l’autonomie du patient comme acquise, pour lui offrir « un environnement au sein duquel cette autonomie, plutôt comprise comme une compétence qui peut s’y développer, est travaillée, encouragée et soutenue à travers les relations avec les professionnels de santé ».

Deuxièmement, l’avis recommande de « privilégier la décision médicale partagée », ce qui signifie que tout acte ou décision médicale doit prendre en compte les besoins et priorités des patients, sachant qu’ils « participent au processus de consentement aux soins ».

Enfin, troisième recommandation : « adapter la temporalité du consentement aux besoins individuels des patients ». Cela nécessite de « revoir les prises de décisions trop rapidement sollicitées, alors que celles-ci sont quelquefois posées sur les épaules des malades qui préféreraient laisser cette responsabilité aux professionnels ou prendre du temps pour réfléchir ». L’avis souligne que lorsque plusieurs choix thérapeutiques sont proposés aux patients souffrant de pathologies chroniques, la prise de décision peut être difficile et s’inscrire dans des « temporalités différentes de celles des professionnels ».

Le respect au cœur du consentement

L’avis détaille de manière didactique neuf items essentiels aux yeux du comité éthique de la FHF, en mentionnant le ou les points clés à retenir et des suggestions d’application :

- un enjeu citoyen et de démocratie en santé, le consentement étant le fruit d’un dialogue récurrent entre le patient et un soignant ou une équipe ;

- le respect de la personne humaine, les informations délivrées par les soignants devant aider le patient à prendre sa décision sans chercher à le convaincre, le patient ayant le choix ;

- le respect de l’altérité, le refus d’un soin ne signifiant pas le refus de tous les soins et tout consentement étant révisable ;

- l'âge et les troubles du discernement, en recherchant l’assentiment du patient à la proposition thérapeutique, en préjugeant sa capacité à comprendre une information claire et adaptée, en s’assurant de son implication autant que possible en cas de contribution au consentement par une personne de confiance, en se mettant en mouvement vers l’enfant pour l’associer, et en priorisant le point de vue des adolescents dans un contexte de pré-majorité sanitaire ;

- l'alliance thérapeutique et la culture partagée du consentement, en valorisant la culture de la collégialité, en permettant au patient de consentir à quelque chose mais aussi au(x) soignant(s) à qui il accorde sa confiance, en s’appuyant sur la compétence pédagogique et relationnelle ;

- les situations de privation de liberté, en privilégiant l’accès aux soins en milieu carcéral, des modes d’expression autres que la parole pour les personnes âgées, et en réservant l’hospitalisation sans consentement à des fins thérapeutiques réévaluées régulièrement ;

- le consentement dans une égalité juridique de plus en plus effective, en respectant les quatre étapes du consentement (comprendre, apprécier et pondérer, raisonner, communiquer) ;

- la limitation et l'arrêt des thérapies actives et/ou l'aide active à mourir si elle est mise en place, en impliquant tant que possible le patient lors d’une contribution au consentement pour autrui via le témoignage d’une personne de confiance ;

- enfin, la mise en œuvre du consentement, en gardant à l’esprit que ses modalités peuvent changer en fonction du contexte, et que son déploiement participe au respect de la personne.

L’ensemble de ces points ont été commentés lors d’un webinaire exceptionnel le 24 avril 2024 par le Dr Cyril Hazif-Thomas et la philosophe Julia Tinland, tous deux co-rédacteurs de l’avis sur l’éthique du consentement. « Il faudrait créer plus amplement les conditions de ressources humaines permettant d’obtenir le consentement dans les meilleures conditions, souligne le Dr Cyril Hazif-Thomas. Ce n’est pas un petit temps de l’acte médical (…). Recueillir le consentement est vraiment un élément, c’est ce qui va fonder le respect de la personne humaine qu’on a en face de nous en tant que soignant. C’est donc indispensable d’intégrer le consentement à la pratique de soin dans un processus itératif, c’est-à-dire que le consentement est révisable à tout moment dans un espace dédié d’acceptation de la différence. (…) Il ne s’agit pas de convaincre car convaincre c’est encore vaincre, on n’est pas dans un rapport de force mais dans un rapport de compréhension réciproque, de sollicitation de compétences décisionnelles des personnes, même en psychiatrie (…). »

Pour les rédacteurs de l’avis, il est nécessaire d’accorder plus d’attention au professionnalisme du recueil du consentement et à l’égalité juridique du patient : si les professionnels de santé peuvent l’assister dans sa prise de décision, il ne s’agit nullement de se substituer à lui, dans une attitude « paternaliste ».

Une relation de confiance

Dans sa conclusion, l’avis mentionne que « la mise en valeur du consentement signe l’installation d’une relation de soins prenant en compte l’histoire de la personne. C’est à la fois le fondement éthique de tout acte de soin et sa valeur juridique reconnue, consacrant le respect de l’humanité de la personne soignée. Il s’épanouit dans la relation de confiance et rapproche soigné et soignant dans un projet thérapeutique partagé et un destin clinique évolutif. Renvoyant au patient sa dignité de malade que la maladie ne peut lui retirer, il peut et doit être revisité au fil de la prise en soin et du contexte institutionnel. »

Véritable acte de soin, le recueil du consentement doit donc être réalisé au même titre que la « procédure médicale et chirurgicale », même lorsque le patient présente des « traits de vulnérabilité ». Ces derniers doivent être intégrés dans l’accompagnement du patient afin de faire émerger « une prise de décision partagée ». Enfin, l’avis précise que même en cas de consentement assuré, cela « n’empêche pas de rechercher sa confi­rmation dans l’assentiment explicite. L’accord implicite peut aussi relever de cet assentiment, qui est parfois la seule ­figure clinique mobilisable du consentement. »