Numérique en santé, quoi de neuf ? - Objectif Soins & Management n° 0300 du 31/07/2024 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0300 du 31/07/2024

 

e-santé

ACTUALITÉS

Claire Pourprix

  

L’Agence du numérique en santé (ANS) a publié en avril dernier la 5e édition de la doctrine du numérique en santé. Celle-ci, qui s’adresse à tous les acteurs concernés par la e-santé, détaille les évolutions techniques et l’avancée des projets figurant au menu de la feuille de route du numérique en santé 2024-2027. Gilles Braud, directeur de domaine à l’ANS, et Thomas Gay, responsable de projets à l’ANS, tous deux membres du groupe de travail de la doctrine, nous éclairent sur ce document de référence, qui présente sous forme de fiches de synthèse les nouveautés de l’année, l’ambition et la trajectoire pour l’avenir, et propose des liens pour approfondir chaque sujet.

Quelle est la vocation de la doctrine du numérique en santé ?

Gilles Braud. Ce document est le fruit d’une construction participative et collaborative de l’ensemble de parties prenantes : l’ANS, la Délégation au numérique en santé (DNS), la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), le GIE Sesam-Vitale et des représentants du secteur médicosocial. Une centaine d’experts ont été mis à contribution. Elle a été bâtie en concertation avec l’écosystème. Depuis son lancement en 2020, son objectif est de mettre le numérique au service de la santé et de développer les usages. Elle porte la politique de la e-santé en France, qui repose sur les grands principes de l’État plateforme, où l’État joue un double rôle : celui d’opérateur, en proposant des infrastructures, et celui de régulateur afin de permettre à toutes les entreprises du numérique en santé (ENS), aux organismes publics, de développer des solutions innovantes tout en préservant la souveraineté de la e-santé.

Comment s’articule-t-elle ?

Thomas Gay. La doctrine s’articule sur une structuration en quatre chapitres, qui repose sur le principe de la « maison de la e-santé » : les fondations représentent les règles et les services socles d’identité, tandis que les murs symbolisent les grands programmes et plateformes.

Le chapitre 1 est dédié aux trois piliers de la e-santé : l’interopérabilité, la sécurité et l’éthique. Quelles sont les évolutions marquantes dans ces domaines ?

TG. Une attention toute particulière est portée cette année à la sécurité avec le lancement du programme CaRE (cybersécurité, accélération et résilience des établissements) pour renforcer l’accompagnement des établissements de santé face aux risques cyber. CaRe repose sur des appels à financement dans différents domaines : audits techniques, postes de travail et détection, sécurisation des accès et de la télémaintenance, continuité d’activité et stratégie de sauvegarde. En parallèle de CaRE, est mené le programme HospiConnect, dont l’objectif est d’accélérer tous les travaux de sécurisation et de simplification de l’identification électronique des professionnels. La révision des référentiels d’hébergeurs de données de santé (HDS) est aussi une priorité. Un nouveau référentiel a d’ailleurs été publié le 16 mai 2024.

En ce qui concerne l’interopérabilité, de nouveaux volets ont été apportés au cadre d’interopérabilité des systèmes d’information de santé (CI-SIS) : tous les volets de la couche métier ont été actualisés pour y intégrer la terminologie Snomed-CT en s’alignant sur les spécifications internationales, et pour couvrir de nouveaux métiers comme la biologie médicale. Depuis 2023, la France adhère à Snomed international, ce qui constitue une étape importante en matière d’interopérabilité.

Enfin, en matière d’éthique, 2023 a été marquée par le lancement du Cadre de l’éthique du numérique en santé (CENS). Il repose sur tout un corpus documentaire et la mise en place d’outils de calcul de l’impact environnemental des solutions numériques comme Éco-score.

Le chapitre 2 sur le cadre du développement de la e-santé est nouveau. Pourquoi cet ajout ?

GB. Au regard de la multiplication des référentiels et du renforcement de la régulation, il nous a semblé important de consacrer un nouveau chapitre à ce cadre. Il y a de vrais sujets autour de la régulation, notamment avec le glissement des référentiels thématiques en référentiels sectoriels.
TG. Le cadre du développement du numérique en santé est soutenu par de grands programmes d’accélération de l’écosystème. Le cadre de régulation en direction des ENS repose sur des principes structurants comme la mise en place de référentiels d’interopérabilité, de sécurité et d’éthique, qui vont en effet devenir sectoriels et opposables. Tout un cadre législatif et réglementaire se met en place, une gouvernance a été posée, des guichets de certification se développent, de même que des audits de conformité à ces référentiels post-référencement.

Un autre grand programme vise, avec la vague 2 du Ségur, à lever les freins à l’usage des logiciels (dispositif Sentinelle). Et, pour sécuriser le partage des données entre patients et professionnels, le premier couloir « hôpital » est lancé autour de deux dossiers de spécification de référencement : le dossier patient informatisé et la plateforme d’intermédiation.

Enfin, la stratégie d’accélération en santé numérique dans le cadre de France 2030 se poursuit : un financement a été accordé à un consortium piloté par des universités pour former des professionnels au numérique en santé, des tiers lieux d’expérimentation dans l’organisation de soins ou du médicosocial ont été initiés, de même qu’un dispositif de prise en charge anticipée de dispositifs médicaux numériques afin de favoriser un accès plus rapide aux innovations numériques pour les patients.

Que retenir des services socles relatifs à l’identité et l’offre de santé détaillés dans le chapitre 3 ?

TG. Après une phase pilote en 2023, l’appli Carte Vitale se généralise en 2024. À cela s’ajoute l’Identité nationale de santé (INS), en cours de constitution avec les données récupérées de l’appli Carte Vitale et la mise à jour d’un référentiel qui a fait l’objet de nombreuses contributions. L’extension du répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé (RPPS) à de nouvelles professions se poursuit. À noter aussi, le renforcement de la sécurité de Pro Santé Connect (PSC), et la rénovation technique du répertoire sectoriel Finess (Fichier national des établissements sanitaires et sociaux). Sa refonte continue en 2024 avec l’intégration de groupes (groupements hospitaliers de territoire par exemple) et de leur composition.

Concernant les services en lien avec l’offre, trois axes structurants ont été menés en 2023 :

- la poursuite de la construction du Répertoire national de l’offre et des ressources (ROR) ;

- l’enrichissement de l’offre pour le peuplement du périmètre historique du ROR et l’intégration de nouvelles offres ;

- l’accompagnement du développement des usages des données du ROR chez les éditeurs, les acteurs de santé, les ARS et les GRADeS (Groupements régionaux d’appui au développement de la e-santé).

Mon espace santé est à l’honneur du chapitre 4 sur les plateformes et services numérique en santé à destination des usagers et des professionnels. C’est un succès ?

TG.  En effet, plus de 95 % des assurés disposent d’un accès à Mon espace santé et 11 millions de Français ont activé leur profil ; 14 millions de documents ont été ajoutés par les patients eux-mêmes et, rien qu’en janvier 2024, plus de 45 000 médecins de ville ont envoyé des documents. Sur les 22 millions de documents recensés, plus de 8,5 millions sont des comptes rendus d’analyses de biologie médicale et 5,8 millions des prescriptions de produits de santé.

GB. L’alimentation de Mon espace santé montre bien que la vague 1 du Ségur a été suivie d’effets. Maintenant, l’objet principal de la vague 2 est de favoriser les usages tant du côté des professionnels de santé que des usagers.