OBJECTIF SOINS n° 0300 du 31/07/2024

 

médecine participative

ACTUALITÉS

Claire Pourprix

  

L’Académie nationale de médecine a consacré un rapport au patient partenaire, adopté le 14 mai dernier, dans lequel elle revient sur le développement de ce concept, le rôle du patient partenaire, ses obligations et les écueils à éviter.

Phénomène majeur dans la pratique sociétale de la médecine, la notion de patient partenaire a émergé dans les années 1980, avec les patients atteints de sida. Face à l’ostracisme dont ils étaient victimes, ils se sont regroupés au sein d’associations pour accélérer la recherche de traitements. Ce concept « repose sur la reconnaissance de l’existence d’un savoir fondé sur l’expérience de leur maladie développée par les patients ayant une pathologie chronique », précise l’Académie nationale de médecine dans son rapport « Patient partenaire ».
Le patient partenaire est doté d’un savoir « profane », différent de celui des professionnels, multiforme, avec des « aspects à la fois théoriques, pratiques et techniques ». Selon l’Académie, ce concept peut être analysé selon quatre principes éthiques : le principe d’autonomie, les patients partenaires pouvant éclairer les patients sur le consentement éclairé, les principes de bienfaisance et de non-malfaisance, le principe de justice distributive, « essentiel pour garantir l'équité entre tous les patients ».

Obligation de formation

En tant qu’acteurs de l’éducation thérapeutique du patient (ETP), les patients partenaires doivent être formés, au même titre que tous les intervenants dans les programmes d’ETP, via une formation de base de niveau 1 de 40 heures. Le rapport souligne « l’importance de la formation des professionnels de santé eux-mêmes à cette « médecine participative » et au partenariat patient-professionnel de santé qui en découle. En effet, il s’agit d’un nouveau paradigme qui implique à la fois les patients, les professionnels de santé et les étudiants en santé ».

L’Académie nationale de médecine précise les quatre formes d’implication du patient partenaire. Il peut être :
- pair-aidant, en agissant auprès de patients atteints de la même pathologie et/ou en intervenant dans les Unités transversales d'éducation du patient (Utep) dans les établissements de santé ;
- intervenant auprès des étudiants pour leur faire découvrir leurs rôle et mission ;
- co-chercheur dans la recherche médicale ;
- acteur des orientations du système de santé.

Pour que le patient partenaire reste dans son rôle, le rapport pointe notamment l’importance de prévenir tout risque d’« auto-proclamation de personnes qui pourraient utiliser leur maladie pour des avantages personnels, psychologiques, sociaux, voire commerciaux ou, pire, sectaires ». Le concept de patient partenaire « ne doit être ni perçu, ni utilisé, comme une opposition au pouvoir médical » et, dans une « démocratie de santé », la participation du patient partenaire, qui dispose d’un « savoir propre », « ne doit pas affaiblir et doit renforcer le rôle central des soignants dans la prise en charge médicale de leur patient ». De plus, son implication « ne doit pas être utilisée comme un moyen de décharger les médecins de leurs responsabilités en matière d'information de leurs malades ».

La formation, la responsabilité et le respect de la confidentialité sont des points de vigilance. L’Académie nationale de médecine pose la question complexe de rémunérer les patients partenaires qui interviennent dans des programmes d’ETP, s’interroge sur la reconversion professionnelle des patients partenaires, jugée « délicate car elle pourrait altérer leur authenticité », ou encore sur la valorisation des savoirs expérientiels des patients par la validation des acquis de l'expérience (VAE), qui existe déjà en addictologie.

Quatre recommandations

En conclusion, le rapport émet quatre recommandations : promouvoir l’implication des patients partenaires, vérifier leur légitimité (via une charte garantissant leur formation, l’esprit de responsabilité et le devoir de confidentialité), intégrer ce concept dans les études médicales, enfin adopter les termes de « patient partenaire » pour exprimer l'engagement des patients dans la médecine participative. Ceux-ci sont en effet préférés à ceux de « patient expert » par l’Académie nationale de médecine « pour unifier la dénomination ». Cette décision découle de plusieurs arguments, notamment la difficulté de définir l'expertise, le risque d'opposer l'expertise du patient à celle des professionnels de santé et la restriction des termes « patient expert » par rapport à la diversité des rôles des patients dans le système de santé.