INNOVATIONS MANAGÉRIALES
Ex-cadre supérieur de pôle en établissement de santé, membre expert à la Haute Autorité de santé (HAS), intervenant en stratégie à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), consultant en management & prévention des risques psychosociaux
Les cadres de santé, dans leur posture stratégique, peuvent utiliser leur légitimité pour influencer positivement les conditions de travail de leurs équipes grâce à un leadership bienveillant et inspirant, centré sur l’humain. Des stratégies managériales et des pratiques organisationnelles innovantes peuvent être adoptées pour améliorer l’environnement de travail, au service du bien-être des professionnels et de la qualité des soins pour les patients.
Dans les établissements de santé, où la pression quotidienne est constante et les défis sans cesse renouvelés, le bien-être des soignants se révèle être un pilier essentiel pour garantir la qualité des soins délivrés aux patients. Face à des exigences toujours accrues et dans un contexte souvent éprouvant, le maintien de ce bien-être est devenu un enjeu crucial. Cela met en lumière l’importance d’une gestion à la fois humaine et préventive, où le cadre de santé émerge comme un acteur central.
Le rôle du cadre de santé, en sa qualité de leader, lui permet d’exercer une influence positive sur les conditions de travail grâce à des pratiques managériales innovantes et un leadership bienveillant. L’intégration de ces pratiques dans les politiques globales de santé peut transformer significativement l’environnement de travail, améliorant directement le bien-être des soignants.
Selon les accords nationaux interprofessionnels (2013), la notion de bien-être au travail renvoie au « sentiment […] du travail perçu collectivement mais également individuellement, qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué »(1).
Les professionnels de santé sont exposés, depuis de nombreuses années, à des problématiques bien connues liées à des transformations profondes et systémiques des organisations impactées par les réformes visant la rationalisation des activités de soins.
L’impact de la nouvelle gouvernance sur le management de proximité démontre que les politiques de santé jouent un rôle déterminant dans les transformations des dynamiques des établissements de santé sanitaires et médicosociaux. Les politiques de prévention sont essentielles pour prendre soin de la santé mentale et somatique des soignants, afin de réduire les risques d’épuisement professionnel et d’autres problèmes de santé inhérents aux effets du stress en milieu de soins. À ce titre, le rapport Claris(2) a mis en évidence des leviers importants pour réduire l’impact des nouvelles formes organisationnelles. Plusieurs d’entre eux sont aujourd’hui mis en œuvre par les responsables des ressources humaines (RH) pour faire face à cette effervescence chronique des situations d’absentéisme. Certains, concernant l’aménagement du temps de travail, se sont déployés comme l’organisation du travail en 12 heures ou les plateformes de pools de remplacements pour soulager les cadres de santé dans la gestion des remplacements liés aux absences inopinées, et surtout pour répondre aux besoins impérieux des compétences en tensions (des professionnels paramédicaux comme les infirmiers, les infirmiers spécialisés, les aides-soignants notamment).
Par ailleurs, l’augmentation de la charge de travail des soignants est telle aujourd’hui que les structures de santé sont contraintes de repenser les organisations de soins, notamment en réduisant les tâches répétitives à faible valeur ajoutée (par exemple, les tâches administratives et de traçabilité), en utilisant davantage de solutions numériques pour libérer du temps soignant auprès des patients, dans leur pratique clinique quotidienne. L’agence nationale d’appui à la performance (Anap) intervient auprès des établissements, depuis plusieurs années, à l’échelon national, pour apporter des solutions RH opérationnelles, au moyen d’outils visant le renforcement de l’attractivité et de la fidélisation des soignants en ce sens(3).
Cette situation critique est aggravée par un déficit de valorisation des conditions d’exercice des soignants. Cela peut entraîner des conséquences sur les perspectives d’évolution des professions paramédicales et sur l’attractivité et la fidélisation de ces métiers que les établissements de santé peinent aujourd’hui à pérenniser.
Des mesures de prévention des risques psychosociaux sont donc nécessaires, pouvant être régulées par la médiation interprofessionnelle(4) lors des situations critiques. Des solutions en soutien du travail collectif en équipe sont encouragées, dans ce rapport, pour réduire la souffrance au travail et améliorer la qualité de vie au travail.
La pandémie de Covid-19 a produit une crise organisationnelle, mettant en lumière les pressions subies par les soignants et les impacts significatifs sur leur bien-être mental. Cela a créé une situation d’incertitude sans précédent, avec des effets sur la santé des professionnels qui ont été mis à rude épreuve, générant parfois un sentiment de frustration et d’impuissance face à une gestion de crise perçue comme chaotique. Paradoxalement, comme le souligne Henri Bergeron(5), cette crise a généré une « créativité organisationnelle » pour répondre à l’urgence, sans forcément disposer de modes opératoires formalisés. Les conséquences aujourd’hui montrent que cette crise a affecté leur motivation, leur bien-être, et laissent entrevoir une incertitude sur la gestion des crises futures.
Dans un rapport d’octobre 2023 sur la « santé des professionnels de santé »(6), les co-auteurs mettent en avant l’importance d’une approche globale pour soutenir la santé des professionnels, soulignant que la prise en charge de leur bien-être est fondamentale non seulement pour leur santé personnelle mais aussi pour la qualité des soins prodigués. Les enseignements de la crise sanitaire montrent la nécessité de retrouver du sens au travail et du bien-être pour mieux prendre soin des patients. Cela passe notamment par :
- la reconnaissance de l’importance de la santé des professionnels,
- une sensibilisation par la formation autour de leur propre santé, dès leur formation initiale et tout au long de leur parcours professionnel,
- la prévention des risques professionnels en repensant l’organisation de la médecine de santé au travail et en utilisant des indicateurs sur la santé des professionnels,
- un meilleur accès aux soins pour les professionnels de santé avec des actions de prévention, de soins et des mesures de soutien pour améliorer leur santé mentale,
- la valorisation des initiatives de terrain pour améliorer la santé des professionnels de santé et les pratiques de bien-être au travail sur l’ensemble du territoire.
Une stratégie de communication interne est également à mettre en œuvre au sein des établissements de santé sur la promotion du bien-être des professionnels, pour qu’ils puissent éprouver le sentiment de « bien faire » leur travail au quotidien, en mobilisant les bonnes pratiques, au service de la qualité des soins pour le patient(7).
Après avoir exploré, rapidement, le contexte et les enjeux du bien-être au travail des soignants, intéressons-nous au rôle spécifique des cadres de santé. Comment mobilisent-ils leur leadership et leur approche managériale pour agir sur ces attentes ? Sur le terrain, les cadres sont sur tous les fronts pour activer des stratégies visant à renforcer la résilience des équipes, parfois en se mettant eux-mêmes en situation de vulnérabilité, pour favoriser l’épanouissement professionnel et personnel des soignants.
Même si l’institution est en première ligne pour apporter une large contribution sur cet enjeu visant l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail, le cadre de santé joue incontestablement un rôle essentiel dans la promotion du bien-être des membres de son équipe. La posture de leadership bienveillant et de management participatif favorise l’engagement et la participation des équipes, avec un impact sur leur santé mentale.
Le « management bienveillant » dans le secteur de la santé est influencé par les changements paradigmatiques de la posture du manager d’aujourd’hui. Le « feel good management » et le management par le bonheur décrits par Stéphanie Carpentier(8) nous aident à cerner ce concept : il s’agit d’une approche dans laquelle le manager vise continuellement le bien-être de ses collaborateurs, avec une attention particulière à ne rien attendre en retour, ou bien dans un cadre d’intérêts mutuels qui incluent aussi ceux de l’organisation. Elle exige des compétences managériales qui, souvent, se développent sur le terrain, et dont les effets se mesurent en complément de la volonté affichée par les directions, concernant les pratiques managériales.
Ce mode de management est particulièrement apprécié par les cadres de santé car il constitue une approche plus authentique et intégrée, même s’il relève, parfois, d’une certaine complexité dans sa mise en œuvre pour répondre aux véritables problèmes systémiques exprimés par les équipes soignantes, notamment entre le leadership clinique(9) et la coordination des activités afférentes aux soins.
Les cadres de santé interrogent leur propre réflexion éthique du soin, du fait de leur filière d’appartenance issue du « care », ce qui singularise leur mode de management autour du prendre soin des soignants. Comme le précise le philosophe Éric Delassus(10), le « management » venant du latin maneggiare, qui signifie conduire à la main, révèle une dualité, associant à la fois la notion de contrôle et celle de soin.
Dans cette acception, le mot « ménager » invite à prendre soin de quelqu’un, en évitant la brutalité et en favorisant la délicatesse. Cette notion de « care » met en avant la responsabilité et la dépendance mutuelle entre les individus. Elle valorise la prise en compte des besoins d’autrui dans toutes les interactions humaines. Les cadres de santé ayant une approche centrée sur le « care » contribuent donc à favoriser un environnement bienveillant pour les équipes soignantes.
Laurence Sautivet(11), spécialisée dans les approches neurocognitives, indique que le neuromanagement, fondé sur des preuves scientifiques, permet de tenir compte des besoins cognitifs et émotionnels des professionnels.
Les cadres de santé peuvent développer ces habiletés managériales en neuromanagement, qui permettent d’améliorer significativement l’animation des équipes et de contribuer à renforcer leur bien-être professionnel, selon cinq niveaux(11) :
- la vision, pour comprendre et communiquer clairement l’organisation afin de guider l’équipe,
- la persévérance, c’est-à-dire la capacité à continuer malgré les enjeux, les épreuves ; la résilience,
- le courage d’affronter et résoudre les difficultés, d’accepter et intégrer la diversité,
- la confiance afin de construire la confiance en soi et dans l’équipe, pour une collaboration efficace,
- la curiosité, l’ouverture d’esprit sur de nouvelles idées, un regard stimulant l’innovation et l’adaptation.
Ces habiletés, reposant sur des dynamiques neuronales combinées au fonctionnement naturel du cerveau, permettent aux professionnels de réduire leur niveau de stress, de stimuler la motivation, de diminuer les tensions interpersonnelles, de renforcer la cohésion d’équipe et ainsi d’augmenter la satisfaction au travail.
Depuis plusieurs années, le facteur humain dans le management est mis en avant pour redonner une dimension plus humaniste dans l’animation des équipes, considérant que les compétences techniques (de gestion) du cadre de santé peuvent être complétées par des compétences non techniques dites « douces » ou soft skills qui améliorent non seulement le bien-être des professionnels mais aussi la qualité des soins prodigués aux patients. Parmi celles-ci, nous pouvons citer l’empathie et l’intelligence émotionnelle dans la régulation des tensions interpersonnelles dans des contextes de travail soutenus. Le développement des soft skills en santé, comme le souligne le docteur Jean-Marc Desmet(12), contribue à un meilleur climat de travail. Il renforce la qualité de la relation et la sécurité des soins, avec un meilleur engagement du patient dans son parcours de prise en charge.
Parmi les outils et techniques que les cadres de santé peuvent mettre à la disposition des professionnels pour développer leurs soft skills, nous trouvons des exercices de simulation en santé qui constituent des leviers très pertinents pour augmenter le niveau de bien-être des soignants.
Nous proposons d’explorer quelques stratégies organisationnelles et managériales pertinentes que les managers peuvent adopter au service de la promotion de la santé mentale des soignants.
L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) a publié un référentiel en 2023(13) pour guider et inspirer les organisations dans l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). Cette démarche est déclinée également dans la dernière version V2024(14) du manuel de certification des établissements de santé qui précise dans l’objectif 3.5 : « Les professionnels sont impliqués dans une démarche de qualité de vie au travail impulsée par la gouvernance. » Il est démontré que QVCT, qualité des soins, sécurité des soins et efficience sont liées : « La gouvernance a une politique de qualité de vie au travail (QVT) » (critère 3.5-01) ; « La gouvernance met en place des mesures de gestion des difficultés interpersonnelles et des conflits » (critère 3.5-02). Il s’agit donc bien de prévenir les risques psychosociaux et de promouvoir le bien-être des professionnels pour garantir une qualité des soins optimale, en soutenant le travail en équipe interprofessionnelle par le développement de projets collaboratifs entre les différentes disciplines, visant ainsi une meilleure reconnaissance du travail de chaque professionnel et des équipes.
Les critères d’évaluation permettent d’identifier les leviers stratégiques pour promouvoir le bien-être au travail des soignants :
- communication positive et transparente : analyse de la clarté et de la régularité de la communication interne,
- climat de confiance et de solidarité : observation de l’ambiance de travail et des relations entre les professionnels,
- autonomie et responsabilisation : évaluation du degré de contrôle et de participation des professionnels dans leur travail,
- valorisation des acteurs : analyse de la reconnaissance et de la mise en avant des contributions des professionnels,
- soutien des professionnels : vérification de la disponibilité et de l’efficacité des dispositifs de soutien aux professionnels en difficulté,
- suivi du parcours patient : évaluation de l’impact des actions sur la qualité des soins et la satisfaction des patients.
Les cadres de santé participent naturellement à cette démarche QVCT, en étroite collaboration avec la direction des ressources humaines, de la qualité & gestion des risques, du Conseil social d’établissement (CSE) et des instances ou directions fonctionnelles apportant leur concours dans ce domaine.
Ce levier stratégique contribue à relever des défis de l’attractivité et à accompagner les enjeux de transformation qui portent aussi sur des engagements institutionnels incontournables de nature écologique, numérique et sociétale. Les cadres de santé et leurs équipes contribuent à la mise en œuvre d’une organisation adaptée visant l’atteinte de ces objectifs. Cela passe par des espaces de discussion entre professionnels sur leurs modalités de travail pour identifier des solutions pouvant dépasser leur périmètre de responsabilité.
Par ailleurs, le droit à l’erreur pose un cadre qui autorise la prise d’initiative, l’autonomie et l’expérimentation, dimensions centrales des modalités opératoires de la QVCT.
L’organisation apprenante stimule l’enrichissement du travail et la satisfaction des professionnels au service de la qualité et des objectifs de performance éthiquement acceptables par le collectif.
Le décloisonnement des acteurs est essentiel pour permettre de prendre des décisions qui respectent le travail de chacun dans les différentes activités. Ces modalités favorisent la prise de parole entre le cadre de santé et les idées exprimées par l’intelligence collective. La pluriprofessionnalité permet donc de mobiliser les ressources venant des différents corps de métier pour œuvrer en faveur de la QVCT.
Le leadership émotionnel(15) et l’intelligence émotionnelle sont des atouts pour tout manager souhaitant améliorer la performance et le bien-être au sein des équipes, particulièrement dans les contextes contraints des établissements de santé.
Ces compétences non techniques ou soft skills sont un ensemble d’habiletés, de comportements et de traits de personnalité qui contribuent à la réussite dans diverses situations professionnelles et personnelles, à la performance organisationnelle et à la qualité de vie au travail. Si elles ne sont pas suffisamment mobilisées, cela peut nuire à l’environnement de travail. Le leadership émotionnel, quand il est mobilisé par les managers, leur permet de mieux comprendre et gérer leurs émotions ainsi que celles de leurs équipes. Il favorise un environnement de travail apaisé, réduisant le niveau de stress et augmentant la satisfaction au travail. Il aide à appréhender les situations complexes, à améliorer les relations interpersonnelles et à prendre des décisions plus éclairées.
Il est important également que les cadres de santé puissent identifier les « toxic handlers » ou gestionnaires de toxicité(16) (encadré 1).
Dans le programme proposé par la Haute Autorité de santé (HAS) sur l’amélioration continue du travail en équipe (Pacte), un module est consacré au leadership(17) pour renforcer la communication et la collaboration entre les membres des équipes soignantes, améliorant ainsi le bien-être au travail, réduisant les erreurs médicales et augmentant la satisfaction des patients. Cette posture est d’autant plus importante qu’elle permet à l’équipe de se valoriser à chacune des étapes clés du programme. Des ateliers de leadership sont proposés pour favoriser une meilleure dynamique de groupe et renforcer les compétences managériales des cadres. Ils utilisent diverses méthodes interactives et jeux de rôle pour illustrer et résoudre des problèmes concrets rencontrés dans les milieux professionnels. Les participants explorent et partagent leurs expériences, leurs perceptions du leadership, ce qui contribue à une meilleure compréhension mutuelle et à un environnement de travail plus harmonieux.
La mise en œuvre de ces compétences, soutenues par les cadres de santé, vise à améliorer la coordination et la motivation au sein des équipes, ce qui peut directement influencer le bien-être au travail. Elle est optimisée par des attitudes positives au quotidien, comme des attentions bienveillantes qui favorisent l’engagement des soignants dans un climat apaisé. Enfin, quelques conseils pratiques suggérés par Franck Pagny(18) peuvent transformer significativement l’ambiance de travail en équipe, dans un contexte de fortes tensions :
- développer une culture de reconnaissance (ex : un « arbre à mercis » où les soignants peuvent laisser des notes de remerciement pour leurs collègues) ;
- réduire les « irritants du quotidien », ces petits tracas quotidiens qui nuisent à la performance individuelle et collective (comportementaux, matériels, organisationnels), en proposant des solutions simples, immédiates et pérennes ;
- renforcer la proximité et le dialogue (ex : organiser des moments informels ou des rencontres régulières pour favoriser les échanges entre collègues de différents services et niveaux hiérarchiques, comme des « causeries du jeudi » ou des déjeuners aléatoires pour renforcer la cohésion d’équipe) ;
- faciliter l’écoute active dans la communication, pour connaître et comprendre les besoins et les idées des autres.
Il est important de réinterroger les modes d’animation des équipes autour des projets et de l’amélioration des organisations (encadré 2). Le cadre de santé est un acteur clé du changement et doit s’emparer des nouvelles modalités disruptives de valorisation des bonnes pratiques faisant appel à l’innovation managériale(19).
Pour y parvenir, Emilie Lebey et Inès Gravey proposent, dans un guide(20), des méthodes d’idéation créatives très innovantes permettant de conduire des projets en suscitant l’intelligence collective. Elles proposent une méthode en plusieurs axes :
- compréhension des problèmes à travers les témoignages et expériences vécues plutôt que seulement via des données statistiques ;
- remise en question des méthodes traditionnelles et encouragement de l’implication directe des acteurs de terrain pour revitaliser l’innovation et le sens dans le travail quotidien ;
- enrichissement des connaissances et ouverture à des perspectives diverses pour briser l’inertie organisationnelle ;
- promotion de la créativité à tous les niveaux pour surmonter les limitations des dogmes de performance habituels ;
- adoption du prototypage rapide pour tester et ajuster les solutions en continu, favorisant ainsi l’apprentissage par l’expérience et l’adaptation rapide ;
- maintien d’une discipline rigoureuse dans l’expérimentation et l’évaluation pour soutenir une amélioration continue.
Il apparaît essentiel de souligner le rôle pivot des cadres de santé dans la promotion et le maintien du bien-être au travail des soignants. Occupant une position stratégique, ils détiennent une capacité unique d’influencer positivement l’environnement de travail grâce à des pratiques managériales innovantes et un leadership empreint de bienveillance. Ces pratiques, lorsqu’elles sont intégrées aux politiques de santé globales, peuvent transformer de manière substantielle les conditions de travail, contribuant ainsi à améliorer le bien-être des soignants et, par extension, la qualité des soins prodigués aux patients.
Il est donc primordial que les institutions de santé reconnaissent et valorisent le rôle essentiel que jouent les cadres de santé. Ces derniers doivent être soutenus et équipés pour exercer un management qui favorise non seulement l’efficacité opérationnelle, mais également le bien-être psychosocial de leurs équipes. Cela implique un engagement continu de la part de la gouvernance des établissements, qui doit veiller à ce que les ressources nécessaires soient allouées pour permettre la mise en œuvre de pratiques de gestion centrées sur l’humain. Le défi est de taille, mais il est impératif d’adopter une approche proactive pour faire face aux multiples pressions auxquelles sont soumis les soignants.
En renforçant les compétences des cadres de santé dans les domaines du neuromanagement, de la médiation interprofessionnelle et des soft skills, nous pouvons espérer un renouveau dans la manière d’assurer l’organisation du travail dans les services cliniques et médicotechniques. Cela permettra non seulement d’améliorer le plaisir au travail et la qualité de vie des soignants, mais aussi de préserver la qualité des soins.
Ainsi, investir dans le bien-être des soignants par le biais d’un management éclairé et humain des cadres de santé est une nécessité mais également une stratégie gagnante pour l’avenir de notre système de santé.
1. Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 relatif à une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle. https://www.legifrance.gouv.fr/
2. Claris, O. (2020). Rapport de la mission sur la gouvernance et la simplification hospitalières. Ministère des Solidarités et de la Santé.
3. https://anap.fr/s/article/batir-politique-attractivite-rh-fidelisation-fiches
4. Couty, É. (2021). Rapport sur le dispositif de médiation dans les établissements de santé. Ministère des Solidarités et de la Santé.
5. Bergeron, H., Borraz, O., Castel, P., & Dedieu, F. (2020). Covid-19 : une crise organisationnelle. Les Presses de Sciences Po.
6. Bataille-Hembert, A., Crest-Guilluy, M., & Denormandie, P. (2023). Rapport sur la santé des professionnels de santé. Ministère de la Santé et de la Prévention.
7. Bubien, Y., & Bataille-Hembert, A. (Ed.). (2024). Innovations & communication en santé. LEH Éditions.
8. Carpentier, S. (2018). Le management « bienveillant » est-il déjà dépassé dans le monde de la santé ? https://managersante.com
9. Martin, L. (coord.) (2024). Engagement et leadership en santé. Points de vue d'acteurs qui comptent. Elsevier Masson.
10. Delassus, E. (2019). La philosophie peut-elle nous éclairer entre vulnérabilité, management et bien-être au travail ? https://managersante.com
11. Sautivet, L. (2020). Le neuro-manager, managez et décidez avec les neurosciences. Éditions Vuibert.
12. Desmet, J.-M., & Hoarau, J. (2023). La boîte à outils des soft skills en santé : 52 outils clés en main pour ne plus soigner comme avant. Éditions Dunod.
13. Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). (2023). Référentiel qualité de vie et des conditions de travail.
14. Haute Autorité de Santé. (2023). Manuel : Certification des établissements de santé - Version 2024.
15. Carpentier, S. (2021). Le leadership émotionnel, source de performance et de qualité de vie au travail dans les établissements de santé ? https://managersante.com/
16. Lemoine, G. (2021). Toxic Handlers: les générateurs de bienveillance en entreprise. Éditions Odile Jacob.
17. Haute Autorité de Santé. (2018). Guide de l’animateur du module Leadership.
18. Pagny, F. (2022). Vivement lundi ! 10 séances d’auto-coaching pour manager avec plaisir. Vivement Lundi.
19. Stanislas, JL. (2021). Innovations & management des structures de santé en France : accompagner la transformation de l’offre de soins sur le territoire. LEH.
20. Gravey, I., & Lebée-Thomas, E. (2021). Manager une innovation centrée sur l'humain dans les organisations en santé. Dialog Health & ManagerSanté. https://managersante.com
Encadré 1
Les « toxic handlers » sont des professionnels soignants clés au sein des services, intervenant pour aider à gérer le stress émotionnel de leurs collègues, améliorant ainsi le bien-être général au travail. Selon la description d’Anne-Marie Lemoine(16), les « toxic handlers » sont capables de repérer les tensions ou le malaise au sein des équipes, et à promouvoir un environnement positif pour le bien-être de chacun. En prenant sur eux le stress des autres, ils permettent à leurs collègues de se sentir moins éprouvés et plus soutenus, contribuant ainsi à une atmosphère de travail plus saine et plus productive. Pour soutenir ces individus, il est suggéré de mettre en place des stratégies de communication qui renforcent la coopération et la compréhension mutuelle. Par exemple, la communication non violente (CNV) est un levier d’ajustement pour améliorer la manière dont les émotions et les besoins sont exprimés et adressés au sein de l’équipe. Cette approche aide les toxic handlers à communiquer de manière plus efficace, et favorise une culture de l’empathie et du respect mutuel, essentielle pour le bien-être au travail.
Encadré 2
- Interviewes et dispositifs d'immersion comme « Vis ma vie » pour mieux comprendre les expériences vécues par les patients, les aidants et les équipes soignantes.
- Groupes de codéveloppement et espaces de discussion sur le travail pour permettre aux différents acteurs de partager leurs expériences et idées dans un cadre moins dirigé et plus ouvert.
- Learning expeditions ou classes vertes : sorties éducatives pour exposer les équipes aux pratiques innovantes dans d’autres contextes, enrichissant leurs perspectives et compétences.
- Créathons et design sprints, sessions de créativité où les équipes peuvent générer des idées et des solutions innovantes collectives.
- Techniques de prototypage rapide pour tester des idées et des concepts de manière pragmatique et à faible coût, permettant d’ajuster ou d’abandonner des idées basées sur des retours d’expériences concrètes.