OBJECTIF SOINS n° 0301 du 15/09/2024

 

Fondamentaux

MÉTHODES PÉDAGOGIQUES

Laurent Soyer

   infirmier   M. Sc (Recherche en sciences de l’éducation)   cadre de santé   formateur en Ifsi

  

Le mandala holistique, ou heuristique, est une méthode pédagogique active(1) basée sur une représentation graphique d’éléments sémantiques rayonnant autour d’une thématique centrale, qui favorise la créativité et la mémorisation des apprenants.

À l’origine, le terme mandala provient de l’Inde et du sanskrit désignant un « disque, cercle ». Il est utilisé comme une représentation géométrique organisée de l’univers, support à la méditation. Il est connu en France par le bouddhisme tantrique qui l’utilise pour représenter l’essence de Bouddha sous une forme artistique. Dans le bouddhisme, la création d’un mandala demande une grande précision et du temps, puis il est détruit en quelques instants, signifiant ainsi l’impermanence de toute chose.

D’un point de vue pédagogique, cet outil permet de construire une représentation graphique personnalisée, stylisée, autour d’un cœur central où est inscrite la thématique abordée. De là, rayonnent des secteurs où sont notées les idées clés, ou les applications se rapportant au cœur, puis des secteurs périphériques permettent de développer de manière plus raffinée ou plus concrète les branches précédentes.

En pratique, du centre (cœur) vers la périphérie se trouvent successivement :

- au centre (cœur) : la valeur, qui constitue l’élément central (unitaire). C’est l’élément stable, voire abstrait (thématique centrale, notion, concept, etc.) qui répond à la question : « Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ? » ;

- au niveau du cercle intermédiaire : les principes, qui se réfèrent aux fondements, bases, règles, processus, typologie, etc. Ils répondent à la question : « Comment faisons-nous ? » ;

- en périphérie : les actions, qui découlent de chaque principe et correspondent aux activités concrètes et pratiques. Elles répondent à la question : « Que faisons-nous ? »(2) (figure 1).

Par exemple, le centre peut indiquer comme thématique centrale le lavage des mains, le secteur proche la technique du lavage des mains avec du savon et le secteur périphérique les moments auxquels réaliser un lavage des mains en pratique. Le secteur intermédiaire peut aussi s’orienter vers la technique utilisant la solution hydro-alcoolique (SHA) avec une sous-branche développant les limites de l’utilisation de la SHA, etc. À l’instar d’une fleur, plusieurs pétales peuvent rayonner autour du cœur central.

Fixer les règles de base

- Expliciter les objectifs du mandala holistique.

- Préciser les attendus par secteurs.

- Composer les groupes d’apprenants (idéal : 5-8 participants par groupe, pour un maximum d’interactions).

- Demander aux groupes qui réalisent le mandala de sélectionner des idées et de les organiser autour d’une thématique centrale, mais aussi de choisir des couleurs, des styles de texte afin de personnaliser la représentation visuelle.

- Porter l’accent sur l’importance d’un travail consensuel afin que le mandala holistique reflète la créativité et la représentation de l’ensemble des membres du groupe.

- Préciser si le groupe dispose d’un modèle version papier ou numérique (ex : Word, SmartArt), ou s’il s’agit d’une création libre.

- Informer de la durée globale de l’atelier et de chaque étape : phase de réflexion, phase de réalisation pratique du mandala holistique, phase de présentation/restitution.

- Préciser les modalités de restitution : projection, affichage, etc.

Animer la séance

- Une fois les règles de base énoncées, le formateur est le moins interventionniste possible. Il favorise le processus de co-création des apprenants et la co-élaboration d’une argumentation.

Obstacles potentiels

- Faible ancrage des connaissances en lien avec l’objectif du mandala.

- Si utilisation d’un modèle numérique, non-maîtrise des fonctions bureautiques usuelles(3)

Méthodes pédagogiques actives

Moments d’utilisation

- Pour inventorier des actions possibles autour d’une thématique centrale, autour d’un diagnostic infirmier (projet de soins), en lien avec un programme de promotion de la santé, d’éducation à la santé ou d’éducation thérapeutique du patient, pour présenter des applications de procédures de soins.

- Pour inventorier des modalités pédagogiques autour d’une thématique centrale (figure 2).

- En complémentarité ou en alternative à la carte mentale(4).

- Pour représenter les différentes modalités de communication en fonction d’une situation clinique donnée (soins relationnels).

- Afin de visualiser différentes méthodes de travail ou révisions (figure 3).

- Pour montrer les résultats d’une recherche documentaire à partir d’un mot clé ou d’un construit sémantique (initiation à la démarche de recherche), etc.

Critères d’évaluation

- Respect du champ de connaissances ou de la thématique centrale (valeur) à mobiliser.

- Concordance entre les contenus du mandala holistique et les attendus de la séance pédagogique.

- Placement des éléments sémantiques dans les bonnes sections du mandala holistique (principes, actions).

- Participation active de l’ensemble des apprenants : dynamique globale du groupe et satisfaction.

Clés et avantages

- Très faible temps de préparation.

- Augmente le sentiment d’auto-efficacité et la motivation(5).

- Favorise le développement de compétences collectives(6,7). La production d’une œuvre collective s’inscrit dans une quête de sens, transférable à la prise en soins des patients et de leur entourage(8).

- Développe la pensée divergente, processus permettant de produire des idées créatives en envisageant de nombreuses solutions possibles.

- Fait appel cognitivement aux deux hémisphères cérébraux : le cerveau gauche pour ce qui est notamment de la pensée rationnelle, de la logique, et de l’analyse, le cerveau droit en lien avec la conceptualisation, la globalisation, la synthèse et la pensée créative(9).

- Favorise la mémorisation à long terme.

Matériel

- Modèle de mandala holistique en version papier (nombreux modèles disponibles sur Internet).

- Possibilité de partir d’une feuille blanche (temps de réalisation plus long à prévoir).

- Feuilles A4 ou A3 ou de paperboad (si création du modèle par le groupe).

- Feutres et/ou crayons de couleur (si modèle non pré-coloré).

- Post-it de différentes couleurs (si choix d’utilisation). En effet, à la place d’écrire les propositions, il est possible de coller des post-it dans les segments du mandala holistique.

- Possibilité de version simplifiée en version numérique (dans Word : outil SmartArt), type de graphique en cycle (modèle : processus en flèche circulaire, figure 2). Possibilité de multiplier le triptyque à partir d’un thème central et de varier la forme de la représentation finale (rayonnante, en ligne, priorisée, etc.).

Compétences développées par les apprenants

- Compétences relationnelles : mettre en œuvre l’écoute active et co-créer une représentation visuelle consensuelle.

- Compétences collaboratives : faire preuve d’ouverture d’esprit, co-construire un consensus, agir pour atteindre des objectifs communs, négocier des choix collectifs, etc.(10)

- Compétences de synthèse : structurer sa pensée et hiérarchiser ses idées.

- Compétences graphiques : employer des codes visuels (typographie, couleurs…), utiliser une application graphique.

- Compétences argumentatives(11) : soutenir une présentation collective et exprimer la cohérence de choix préférentiels.

- Compétences de communication interpersonnelle : s’exprimer oralement en public (lors de la restitution), adapter le message au public.

  • Références
  • 1. Soyer, L. et Tanda, N. (2022). Les méthodes pédagogiques actives. Pour catalyser l’engagement collectif des apprenants. Objectif Soins & Management, (285), 62-67.
  • 3. Delon, B. (2021). Un nouveau profil pour accompagner la mutation numérique de la formation infirmière : le digital learning manager. Objectif Soins & Management, (281), 37-41.
  • 4. Soyer, L. (2024). Fondamentaux. La carte mentale. Objectif Soins & Management, (297), 62-63.
  • 5. Bandura, A. (2003). Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnel. De Boeck.
  • 6. Zarifian, P. (1999). Objectif compétence. Pour une nouvelle logique. Liaisons.
  • 7. Le Boterf, G. (2000). Construire les compétences individuelles et les compétences collectives. Editions d’Organisation.
  • 8. Debout, C. (2008). Sciences des soins infirmiers : réflexions épistémologiques sur le projet d'une discipline. Recherche en soins infirmiers, (93), 72-82. P. 66.  https://doi.org/10.3917/rsi.093.0072
  • 9. Lipman, M. (1995). À l’école de la pensée. De Boeck Université.
  • 11. Angenot, P. (1998). Discours pédagogiques, argumentation et réflexivité. Dans L. Lafortune, P. Mongeau et R. Pallascio (dir.), Métacognition et compétences réflexives (p. 417-430). Logiques.