OBJECTIF SOINS n° 0301 du 15/09/2024

 

démographie

ACTUALITÉS

Claire Pourprix

  

La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a publié cet été un document de travail intitulé « Démographie des infirmières et des aides-soignantes », dont l’objectif est de fournir une méthodologie pour mesurer les effectifs de ces professionnelles à partir des données les plus adaptées. L’enjeu ? Assurer l’adéquation entre demande et offre de soins dans les prochaines années.

Les populations infirmières et aides-soignantes sont les plus importantes dans le domaine de la santé, bien devant les médecins (228 000), les kinésithérapeutes (91 000) et les pharmaciens (74 000). On dénombre, d’après la Drees, 598 900 infirmières (dont 98 600 libérales) et 423 500 aides-soignantes en activité en 2021. Or, leur recensement n’est pas aisé, et ce « flou » questionne l’avenir du soin en France : « Dans les années à venir, le vieillissement de la population va renforcer le besoin en infirmières et aides-soignantes. Ainsi, même si les effectifs de ces professions sont en constante augmentation, il faudra veiller à assurer l’adéquation entre offre et demande de soins. Pour cela, il est indispensable d’avoir une bonne connaissance de la situation démographique actuelle de ces professions », notent les auteurs du rapport « Démographie des infirmières et des aides-soignantes » paru en juin dernier.

Privilégier les données exhaustives

Depuis 1999, la Drees mesure la démographie des professionnels de santé grâce à deux outils : le Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) – à partir des données fournies par les ordres  pour les professions qui en possèdent un – et le répertoire Adeli (Automatisation des listes) pour les autres professions. Progressivement, le numéro Adeli sera remplacé par le RPPS. C’est déjà le cas depuis octobre 2021 pour les infirmières. Or, celles-ci n’étant pas toutes inscrites à l’Ordre national des infirmiers bien que cela soit obligatoire, une partie d’entre elles ne sont pas répertoriées. Côté aides-soignantes, la situation est encore plus critique puisqu’aucun répertoire ne permet de comptabiliser les effectifs.

Pour mieux connaître ces professions, la Drees a donc étudié les différentes sources de données disponibles et en a retenu deux pour leur exhaustivité : la Base tous salariés (BTS) de l’Insee, qui mesure les effectifs salariés en poste au 31 décembre à partir des données fournies par les employeurs, et le Système national des données de santé (SNDS, ex-Sniiraam) de l’Assurance maladie qui permet de recenser les infirmières libérales à partir des prescriptions ayant donné lieu à un remboursement dans l’année considérée.

Évolution de la densité des infirmières et aides-soignantes

D’après les données issues de ces sources, et qui seront publiées chaque année sur le site de la Drees, ce sont les effectifs d’infirmières libérales qui ont le plus augmenté entre 2013 et 2021 : + 28,5 %, contre + 6,9 % pour les infirmières salariées et + 6,5 % pour les aides-soignantes. « L’augmentation du nombre d’infirmières libérales ayant été plus importante que celle de la population, la densité d’infirmières libérales a augmenté de 2,8 % par an en moyenne entre 2013 et 2021, atteignant 146 infirmières en activité libérale pour 100 000 habitants en 2021, contre 117 en 2013. Néanmoins, les besoins en soins infirmiers ont également augmenté du fait du vieillissement de la population et de la concentration de la demande de soins aux âges avancés. La densité standardisée permet de prendre en compte ces effets ; elle a pour sa part augmenté de 1,5 % entre 2013 et 2021 », précisent les auteurs.
La densité des infirmières salariées a atteint 742 pour 100 000 habitants en 2021, contre 714 en 2013. Des données à nuancer puisque « les besoins en soins infirmiers, portés par l’augmentation et le vieillissement de la population, ont augmenté plus rapidement que le nombre d’infirmières en activité salariée ». Conséquence, la densité standardisée d’infirmières salariées a baissé de 0,8 % par an en moyenne entre 2013 et 2021.
Quant aux aides-soignantes, leur densité a augmenté entre 2013 et 2021, passant de 607 pour 100 000 habitants à 628. En revanche, leur densité standardisée a diminué de 0,9 % par an en moyenne.

Des professionnelles plus âgées

Autre enseignement : parmi ces populations très majoritairement féminines (en 2021, 90 % des aides-soignantes en activité, 87 % des infirmières salariées et 82 % des infirmières libérales sont des femmes), « les infirmières salariées sont plus jeunes que les infirmières libérales » et l’on observe un vieillissement de toutes ces professions. « En 2021, les infirmières de moins de 30 ans représentent 21 % des infirmières salariées (contre 23 % en 2013) et 4 % des infirmières libérales (contre 5 % en 2013). Le nombre d’infirmières salariées de moins de 30 ans a légèrement diminué (105 400 en 2021 après 106 000 en 2013) alors que le nombre total d’infirmières salariées a augmenté sur la période. Dans le même temps, le nombre d’infirmières de plus de 60 ans a fortement progressé (25 700 salariées et 8 800 libérales en 2021 après respectivement 14 600 et 5 100 en 2013). »

Stabilité des lieux d’exercice

Le lieu d’exercice est relativement stable entre 2013 et 2021, de même que la répartition entre les secteurs privé et public. À la fin de la période, l’hôpital est le lieu d’exercice de 76 % des infirmières salariées et de 60 % des aides-soignantes ; le secteur social ou médicosocial employant respectivement 11 % et 32 % d’entre elles. De même, la répartition des infirmières salariées par spécialité n’évolue pas sur la période avec, en 2021, 79 % des infirmières salariées en soins généraux ou en psychiatrie, 10 % d’infirmières spécialisées (hors psychiatrie) et 11 % de cadres.

Répartition géographique et densité territoriale

Le rapport souligne par ailleurs des inégalités de répartition géographique des infirmières et des aides-soignantes, particulièrement importantes pour les infirmières libérales, qui persistent sur la période 2013-2021.
La densité d’infirmières libérales dépasse 200 pour 100 000 habitants dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), hors Mayotte et Guyane, et dans le sud de la France métropolitaine (Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie). A contrario, elle est la plus faible en Île-de-France, où l’on dénombre 65 infirmières libérales pour 100 000 habitants. « Par rapport à 2013, la densité d’infirmières libérales a augmenté dans toutes les régions, mais reste inférieure à 100 infirmières libérales pour 100 000 habitants en Ile-de-France, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et Guyane », détaille le rapport. Qui précise que les inégalités de répartition des infirmières libérales sur le territoire sont peu impactées par les différences de structure par âge des populations régionales à l’origine de besoins en soins infirmiers.

Les inégalités de répartition concernent beaucoup moins les infirmières salariées. Leur densité est la plus faible (inférieure à 700 infirmières salariées pour 100 000 habitants) en Guyane, Île-de-France, Réunion et Centre-Val de Loire, et la plus forte (plus de 800 pour 100 000 habitants) en Bretagne, Guadeloupe et Martinique. Depuis 2013, la densité d’infirmières salariées a augmenté dans toutes les régions, hormis en Île-de-France. Toutefois, en prenant en compte la demande de soins croissante avec l’âge, il apparaît que les régions les plus denses en infirmières salariées se situent au Nord-Est de la France et dans les Drom, les régions les moins denses étant le Centre-Val de Loire, la Corse et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Par rapport à 2013, la densité standardisée de ces professionnels a diminué partout, hormis en Martinique où elle est restée stable.

La densité des aides-soignantes varie aussi fortement sur le territoire : faible en Île-de-France, à la Réunion et en Guyane (moins de 500 aides-soignantes pour 100 000 habitants en 2021), elle est plus forte dans l’Ouest de la France métropolitaine et en Bourgogne-Franche-Comté (plus de 650 pour 100 000 habitants). Depuis 2013, la densité d’aides-soignantes a augmenté dans toutes les régions, à l’exception d’Auvergne-Rhône-Alpes, des Pays de la Loire et de l’Île-de-France, où elle a quasi stagné. Ces disparités régionales sont toutefois réduites du fait de la standardisation par la demande de soins. Les disparités régionales des aides-soignantes ont peu évolué entre 2013 et 2021 et leur densité standardisée a diminué dans toutes les régions, sauf dans les Drom, où elle est restée relativement stable.