Jean-Charles Erny a débuté son parcours professionnel comme infirmier en région parisienne. Polyvalent, touche-à-tout, il aime aller de l’avant et embarquer les équipes dans des projets. Une dynamique qui l’a conduit à gravir les échelons, jusqu’à devenir directeur du centre de soins médicaux et de réadaptation (SMR) Richelieu, à La Rochelle.
Plus que la technique, c’est l’aspect relationnel qui l’a attiré vers le métier d’infirmier. Diplômé en 1996, Jean-Charles Erny a travaillé dix ans dans les secteurs privé et public en services de chirurgie, diabétologie et réanimation à l’Hôpital Américain de Paris puis au Centre hospitalier sud francilien de Corbeil-Essonnes (Essonne).
En 2007, il est nommé faisant fonction de cadre en soins intensifs, service où il restera une fois son diplôme de cadre de santé obtenu, en 2009. « La pratique infirmière m’a conforté dans l’envie de porter des projets dans les services. La gestion de la complexité humaine au travail rend difficile le métier d’encadrant, mais j’ai toujours été bien accompagné par mon réseau professionnel et personnel, qui m’a aidé à passer outre et à être dans l’innovation, l’élaboration de projets », confie Jean-Charles Erny.
En soins intensifs, il impulse la mise en place d’une consultation éducative infirmière sur les antivitamines K (AVK), à une époque où l’éducation thérapeutique se pratiquait essentiellement en diabétologie. Il promeut également une infirmière, dotée d’un diplôme universitaire en échographie cardiaque, à pratiquer des échographies cardiaques, dans le cadre d’un protocole de coopération validé par l’agence régionale de santé (ARS). Car, pour le cadre de santé, le renouveau est la clé : « Pour durer dans un poste de management, il faut être dans l’innovation, aller de l’avant, porter les équipes et se confronter au changement. »
En 2010, à la faveur d’un projet familial, Jean-Charles Erny quitte la région parisienne pour intégrer le SMR Richelieu à La Rochelle (Charente-Maritime), un établissement de la Croix-Rouge française. Au bout de deux ans, il s’inscrit en master 2 Management des établissements de santé à l’Université de Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne). Diplôme en poche, il accède en 2014 au poste de directeur des soins qui vient d’être ouvert. « J’ai proposé au directeur du SMR de piloter la démarche qualité plutôt que de créer un service dédié. Pour moi, la démarche qualité est un véritable levier managérial car elle donne du sens au travail des soignants si l’on sait aller au-delà de l’aspect 'tableaux Excel' et 'tableaux de bord' qui peuvent rendre les procédures pesantes. J’ai endossé le rôle de chef de projet et les cadres de santé ont porté le projet, chacun dans leur service », explique-t-il.
En parallèle, Jean-Charles Erny devient expert visiteur pour la Haute Autorité de santé (HAS) en 2017, ce qui lui permet de développer des compétences dans ce domaine, puis coordonnateur HAS en 2019. Dans ce cadre, il audite avec des équipes d’experts visiteurs, quatre établissements de santé par an, autres que le sien. « L’enjeu des audits est important, rappelle-t-il. Au-delà de l’image de l’établissement, c’est son financement qui est en jeu. En effet, l’enveloppe Ifaq [Incitation financière à l’amélioration de la qualité – ndlr] est importante, d’autre part les ARS peuvent refuser des autorisations d’activité en cas de non certification. »
Cette mission de coordonnateur est aussi pour lui l’opportunité de « sortir de son établissement, de benchmarker, de rencontrer d’autres personnes au sein d’équipes pluriprofessionnelles ». « Cela nous permet d’échanger sur nos problématiques, sur ce qu’on a pu développer… », confie Jean-Charles Erny. Celui-ci accorde une place importante au réseau et à l’échange de pratiques innovantes, convaincu que « avoir un temps d’avance permet d’être le premier pour obtenir des financements et entretient une dynamique qui aide à l’attractivité. Avoir des projets permet d'éviter d'être immobilisé par les problématiques liées aux ressources humaines », même si, à La Rochelle comme ailleurs, la pénurie de soignants est présente.
Après dix années comme directeur des soins, Jean-Charles Erny est nommé directeur du SMR Richelieu en janvier 2024. « Dans un premier temps, j’ai remplacé l’ancien directeur à son départ, le temps d’effectuer un recrutement. Mais finalement, la nouvelle personne recrutée n’est pas restée et, comme j’avais acquis de nouvelles compétences en effectuant le remplacement pendant un an, je me suis senti légitime pour candidater à ce poste », détaille-t-il.
Toujours animé par la cohésion et le travail d’équipe, l’ancien soignant s’appuie sur une certaine solidarité avec les équipes dont il connaît les attentes et le métier. « Ma nomination n’a pas été une surprise, car comme directeur des soins je bénéficiais d’une grande autonomie et je pilotais une grande partie de l’établissement. Je connais les process de soins et, quand je prends une décision, dans la majorité des cas je sais l’impact qu’elle peut avoir. Je pense que cela rassure les équipes. J’ai acquis la confiance de l’encadrement, de l’équipe médicale, avec qui je travaille très bien. Elle est d’ailleurs incluse dans les projets comme l’encadrement. »
Des projets, le SMR Richelieu n’en manque pas. En interne, il est très actif dans le domaine de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) avec six programmes autorisés. Jean-Charles Erny considère que c'est « une façon de collaborer en intégrant le patient acteur de son soin autour d'une équipe pluridisciplinaire. Chacun a sa place dans l'équipe, créant ainsi un sentiment de travail collectif ». En externe, l’établissement collabore avec l’hôpital de La Rochelle sur deux projets notamment : la mise en place d’un partenariat sur l’hospitalisation à domicile (HAD), et la mise en place d’un service de rééducation post-réanimation.
D’autres projets visent à ouvrir l’établissement « hors les murs ». L’an dernier, le SMR Richelieu, avec l’association Profession sport et loisirs, a ainsi ouvert une Maison sport-santé afin de coordonner les activités physiques adaptées sur le territoire. Autre initiative : la création d’un centre d’art, pour lequel il recherche des mécènes afin de financer la venue d’artistes régulièrement. « Tous les ans depuis 2020 nous accueillons une résidence d’artistes. Le réalisateur Mohamed El Khatib a passé plusieurs jours dans notre établissement et tourné un documentaire intitulé 'Rééducation sentimentale'. Avec ce type de projets, nous développons une autre manière de soigner, de rééduquer, explique Jean-Charles Erny. La culture et la santé, c’est intégrer un parcours thérapeutique à une série d’activités culturelles et artistiques. Il faut apprendre à décloisonner la santé. Nous sortons de notre zone de confort, de la routine, en associant la triple compétence du patient, du soignant et de l’artiste. À eux trois, ils créent une nouvelle manière de soigner qui est incroyable. Sur l’atelier « danse avec les doigts », des patients ont réalisé des choses qu’ils n’avaient jamais faites avec leur rééducateur. »
L'établissement s'efforce également d'améliorer son attractivité en mettant l'accent sur la qualité de vie au travail, ses expertises et la sécurité des soins, notamment grâce à un laboratoire de simulation permettant d'analyser les pratiques et les événements indésirables. Le SMR Richelieu, spécialisé dans les maladies neurologiques, de l'appareil locomoteur et du système respiratoire, compte 160 équivalents temps plein en contrat à durée indéterminée. « Tous les métiers y sont représentés, ce qui fait la force de la structure, souligne Jean-Charles Erny. Contrairement à mon expérience en MCO [médecine, chirurgie, obstétrique – ndlr], l'avantage d'un SMR réside dans la pluridisciplinarité : on travaille en équipe avec une approche globale du patient. Le rôle du cadre de santé au sein d'un SMR est très polyvalent, bien plus que dans un hôpital. »
S’il reconnaît que le cadre de vie et de travail – le SMR est situé en bord de mer – aide à prendre du recul, à se relaxer, Jean-Charles Erny constate néanmoins que le travail n’y est pas plus facile que celui qu’il a connu en région parisienne : « La problématique RH nous prend de plus en plus de temps. » D'après lui, le nouveau gouvernement doit rapidement se concentrer sur l'amélioration des conditions de travail des soignants. « Il est nécessaire de redonner du sens dans leur travail. C’est une belle profession, mais les conditions actuelles ne sont pas propices à l’épanouissement professionnel. Les cadres de santé, fortement sollicités, jouent un rôle clé au sein de leurs équipes. Ils accomplissent un travail indispensable, en veillant à la continuité des soins dans leur service, en promouvant la qualité et la sécurité des soins, en pilotant la démarche qualité, et en animant le travail en équipe pluridisciplinaire. Les formations doivent être adaptées en conséquence, en intégrant un renforcement des compétences en gestion de projet et en accompagnement des équipes post-crise », estime le directeur. Pour lui, la posture des cadres de santé est un élément essentiel. « Il est crucial qu'ils adoptent une posture adaptée pour soutenir leurs équipes, tout en gérant efficacement les situations complexes et les défis quotidiens. »