OBJECTIF SOINS n° 0302 du 21/11/2024

 

Haute Autorité de santé

ACTUALITÉS

Élise Kuntzelmann

  

Alors que le Premier ministre vient de faire de la santé mentale une grande cause nationale pour 2025, la Haute Autorité de santé (HAS) a, de son côté, annoncé qu’elle allait poursuivre, pour cinq années de plus, son travail consacré à ce sujet.

Le Pr Lionel Collet, président de la HAS, a souhaité partager, à l’occasion d’une conférence de presse de rentrée qui s’est déroulée le 9 octobre 2024, les principaux enjeux de l’autorité publique qu’il préside et les grandes problématiques de notre système de santé. « L’un des enjeux majeurs est totalement d'actualité et ne vous étonnera pas. Il s’agit de la santé mentale et de la psychiatrie. Cela fait plusieurs mois déjà que nous avons décidé d’investir encore davantage ce champ sur lequel nous étions déjà présents à travers deux programmes pluriannuels. »

C’est dans ce contexte qu’a été lancé un comité dédié, nommé « santé mentale et psychiatrie ». Réunissant professionnels et associations, celui-ci est présidé par Claire Compagnon, membre du collège de la HAS et ancienne déléguée interministérielle à l'autisme. « Il s’agit d’un projet de travail pour les cinq prochaines années qui va inclure des recommandations de bonnes pratiques notamment autour de pathologies tels que les troubles schizophréniques et les troubles bipolaires, poursuit Lionel Collet. La psychiatrie de l'enfant fait également partie des priorités. » En outre, un parcours de soins permettant de faire entrer la psychiatrie dans le champ commun des autres spécialités est à l’étude, afin d'organiser au mieux les soins pour ces malades. Figurent aussi dans le projet des thèmes comme la place de l'hospitalisation, le droit des patients, l'accompagnement et le soutien des familles, la psychiatrie de la personne âgée et les addictions en lien avec la santé mentale. De plus, le projet vise à examiner les médicaments et leur bonne utilisation, ainsi que la certification et l'évaluation des établissements dès lors qu'il existe une composante psychiatrique. « La force de la HAS est sa capacité à élaborer un programme très ambitieux sur ces questions-là, affirme Lionel Collet. Et puis nous avons les compétences pour ce qui relève de la réadaptation et de la réinsertion sociale. »

Quinze années d’espérance de vie en moins

L’événement organisé par la HAS a été l’occasion de rappeler que le sujet de la santé mentale concerne 8,5 millions de personnes en France, soit touchées directement, soit prises en charge ou sous traitement chronique en lien avec une question relative à la santé mentale. Pour les personnes souffrantes, les problèmes de santé mentale peuvent représenter près de 15 années d'espérance de vie en moins. Des années potentiellement liées à la maladie elle-même, mais aussi aux conséquences du traitement ou à des retards de diagnostics de maladies somatiques, notamment de cancer. Selon le Pr Lionel Collet : « Parce que la maladie mentale est encore stigmatisée et taboue, les patients ne bénéficient pas suffisamment, dans les délais, de l’ensemble des prises en charge. Nous nous en rendons compte, en particulier lors de la certification d’un établissement de santé. » C’est, en effet, au cours de ces opérations que la HAS a constaté qu'un peu plus d'un établissement de santé sur sept intégrant une activité psychiatrie, ne répondait pas aux critères de qualité exigés…

Enfin, faut-il le rappeler, la santé mentale et la psychiatrie constituent l’un des tout premiers postes de dépenses de l'Assurance maladie, de l'ordre de 25 milliards d’euros. Un argument de plus pour que cette question soit prise à bras le corps. 

Évaluation des établissements 

La HAS a mis en avant l’intérêt qu’elle porte à l’évaluation des établissements sociaux et médicosociaux. Une fois tous les cinq ans, 41 000 établissements sont évalués. En 2022, après deux années de travail, un référentiel d'évaluation a été établi. Sur la base de celui-ci, 3 000 établissements ont été évalués à partir de 2023. Au 30 septembre dernier,4 300 autres l’ont été rien que pour 2024. « Ce n’est pas la HAS qui évalue directement. Le Cofrac, organisme certificateur, désigne des organismes accrédités qui évaluent. Mais le rapport final nous revient, précise Lionel Collet. L'enjeu aujourd'hui est double. Premièrement, il est de faire avancer la méthodologie d'homogénéisation entre les évaluateurs car il y a environ 150 organismes accrédités pour l'ensemble des 41 000 établissements en France. Deuxièmement, nous aurions besoin d'un pôle d'appui afin d’accompagner ces établissements et préparer leurs dossiers pour améliorer leur qualité. Nous ne pouvons le faire qu'avec des moyens ad hoc réellement nécessaires. »