La dissolution de l’Assemblée nationale, en juin dernier, a mis un coup d’arrêt aux travaux législatifs en cours. Le domaine de la santé n’a pas été épargné par cette paralysie dans l’avancée des dossiers et la prise de décision. Pendant ce temps, les professionnels ont fait preuve de patience, malgré l’urgence d’agir. Avec la nomination de Geneviève Darrieussecq comme ministre de la Santé et de l'Accès aux soins le 21 septembre 2024, l’espoir de voir aboutir les travaux engagés est ravivé.
Le texte actant la refonte du métier d’infirmier était prêt, porté par l’ancien ministre Frédéric Valletoux, lorsque la dissolution a stoppé le dispositif. Un rude coup au moral pour les professionnels, après des mois de discussion. L’enjeu : faire table rase du texte de définition des actes infirmiers, qui ne tient pas compte des progrès techniques de ces dernières décennies et de l’évolution du rôle des infirmiers dans le système de santé, au profit d’un nouveau texte de loi permettant de définir leurs grandes missions et activités, avant de les traduire en actes infirmiers.
Le calendrier initialement prévu par la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), qui tablait sur une rédaction des textes législatifs et réglementaires sur l’exercice infirmier au printemps dernier, n’ayant pas été tenu, les travaux engagés sur la refonte de la formation infirmière initiale ont de facto été également retardés.
Le Comité d'entente des formations infirmières et cadres (Cefiec) rappelait dans un communiqué, le 17 septembre dernier, toutes les avancées déjà validées en novembre 2023 : le maintien de la durée des études sur 3 ans ; un volume horaire de 4 600 heures d'enseignements théorique et clinique conformément à la directive 2005/36/CE modifiée ; un diplôme d'État ouvrant droit au grade licence (reconnu au niveau européen), délivré par les présidents des universités ; enfin l’élaboration d'un « référentiel de formation moins prescriptif, incluant un cadre commun national et des éléments personnalisables propres à chaque université ». Pour le Cefiec, la garantie d’une rentrée effective en septembre 2025 semblait « difficilement envisageable » si les travaux sur l’exercice et la formation n’étaient pas repris avant la fin du mois d’octobre 2024 et considérés comme une priorité non seulement pour le ministère de la Santé, mais aussi celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. L’enjeu n’est pas anodin : « La refonte de la formation engage des dizaines de milliers d’étudiants, plus de 350 instituts de formation, une quarantaine d’universités, et des milliers d’employeurs pour les lieux de stage. »
D’autant que la refonte du métier d’infirmier et de la formation initiale qui en découle auront des impacts sur d’autres professions paramédicales. Sur les cadres de santé bien sûr, dont la réingénierie du diplôme et de la formation est également en cours et pour lesquels les associations représentatives, telles que l’Ancim, œuvrent à la reconnaissance d’une formation master 2. Le métier d’aide-soignant sera aussi impacté puisque son évolution va, depuis 2021, vers plus de collaboration avec les infirmiers, avec la réalisation d’actes auparavant réalisés par ces derniers. Sans oublier les infirmiers libéraux (Idel), pour lesquels l’ouverture de nouvelles négociations conventionnelles avec l’Assurance maladie est sous-tendue par la refonte du métier d’infirmier. « Les attentes des infirmières et des infirmiers libéraux sont importantes et légitimes. Alors que des négociations conventionnelles et des revalorisations tarifaires ont eu lieu pour la plupart des professions médicales et paramédicales, nous sommes encore et toujours dans l’attente. (…) Des négociations conventionnelles doivent s’ouvrir au plus tôt pour mettre sur la table l’ensemble des sujets qui concernent notre profession. Les cessations d’activité n’ont jamais été aussi nombreuses. Il faut redonner du sens à notre métier, redonner confiance aux Idel pour que les patients puissent continuer à trouver des soignants sur tout le territoire », alertait Convergence infirmière dans un communiqué le 22 septembre.
La profession infirmière semble avoir été entendue puisque le Premier ministre a annoncé, lors de son discours de politique générale le 1er octobre, une « loi 'infirmières et infirmiers', qui améliorera la reconnaissance de leur expertise et de leurs compétences, et leur donnera un rôle élargi dans la prise en charge des patients ». L’Ordre national des infirmiers, par la voix de sa présidente Sylvaine Mazière-Tauran, s’est félicité de cette nouvelle : « Dans un système de santé en tension, les infirmier(e)s jouent un rôle essentiel pour assurer la continuité des soins. La reconnaissance de leur action et l’évolution de leurs missions sont une nécessité de santé publique. Nous sommes donc extrêmement satisfaits de l’écoute et du pragmatisme du Premier ministre face à une situation d’urgence. Afin de répondre à cet enjeu d’accélérer l’accès aux soins, tel que voulu par le Premier ministre, cette loi devra prendre en compte plusieurs aspects : les soins relationnels, la coordination des parcours de soins, la prévention, et la formation des futures générations d’infirmiers. »
La loi Rist, votée en mai 2023, a autorisé l’accès direct et la primo-prescription aux infirmiers en pratique avancée (IPA). Mais avec la dissolution de l’Assemblée nationale, les IPA sont restés dans l’expectative, car les décrets d’application de cette loi, visant à améliorer le système de soins par la confiance et la simplification, n’ont pas été publiés. « Ces retards freinent l’amélioration nécessaire de l’accès aux soins, alors même que les professionnels de santé, et en particulier les IPA, sont prêts à répondre aux besoins croissants des patients », déplore l’Union nationale des IPA (Unipa). Dans ce même communiqué du 2 octobre, l’Unipa prédit que la future loi « infirmières et infirmiers » « sera un rendez-vous manqué » si elle ne permet pas aux IPA d’« obtenir une représentativité propre, ainsi qu’une définition claire dans le code de santé publique », de « repenser les mentions IPA pour permettre de répondre de manière plus efficace aux besoins de santé des patients au travers d’une approche populationnelle », et enfin d’« obtenir le Premier recours notamment pour réduire les délais de prise en soins tout en renforçant la collaboration interprofessionnelle ».
Les infirmiers spécialisés en anesthésie/soins critiques, en bloc opératoire et en santé de l’enfant revendiquent le statut d’IPA, comme s’y était engagé François Braun. Ils estiment que la pratique avancée est une évolution naturelle de leurs professions, « permettant aux infirmiers spécialistes d’apporter une contribution élargie et d’être dotés d’une autonomie clinique plus importante dans la prestation des soins. Nous sommes convaincus que cette approche renforcera l’accès aux soins et la qualité des services de santé tout en contribuant à l'optimisation des ressources disponibles », énonçaient-ils dans un communiqué commun en avril 2024.
À l’annonce de la politique générale du Premier ministre, le Conseil du Syndicat national des infirmières anesthésistes (Snia) a ainsi déclaré : « La 'grande loi infirmière' annoncée sera-t-elle enfin l'opportunité tant attendue pour notre profession de voir sa spécificité pleinement reconnue dans le cadre des pratiques avancées infirmières ? Nous demandons une clarification : cette réforme permettra-t-elle aux infirmier(e)s-anesthésistes d’obtenir un titre distinct et spécifique au sein du Code de la santé publique, en adéquation avec nos compétences et responsabilités accrues ? »
Le projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Après des mois de travail – précédés d’un débat national et d’une convention citoyenne en 2023 –, son parcours législatif va devoir être repris depuis le début, sa première lecture n’ayant pas été achevée à l’Assemblée nationale. Quinze articles devaient encore être examinés avant le vote solennel fixé au 18 juin 2024. Toutefois, les articles les plus significatifs avaient déjà été votés, notamment l’article 5 instaurant une « aide à mourir » sous forme d’un suicide assisté ou d’une euthanasie, ainsi que l’article 6 sur les conditions d’administration d’une substance létale pour les malades souffrant d’une « affection grave et incurable qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». Ce projet de loi comporte aussi un financement de 1,1 milliard d’euros d’ici 2034 pour développer les soins palliatifs, un volet très attendu par les soignants et les familles.
Le 19 juillet dernier, Olivier Falorni, député Démocrates réélu en Charente-Maritime, rapporteur de la loi, annonçait sur X avoir déposé la première proposition de loi de la 17e législature : « Ce texte vise à poursuivre le chemin brutalement interrompu par la dissolution. Elle reprend donc intégralement le texte voté par la commission ainsi que tous les amendements adoptés en séance. » L’examen devrait repartir du début du texte, mais pas de zéro toutefois puisque la ministre de la Santé, qui a suivi l’ensemble des travaux lorsqu’elle était députée des Landes, s’y est dite favorable. De son côté, le Premier ministre a annoncé vouloir reprendre le dialogue sur le projet de loi et « continuer à développer l'accès aux soins palliatifs, qui vont être renforcés dès 2025 ». Geneviève Darrieussecq a pour sa part déclaré le 5 octobre sur France info : « Moi, je ne suis pas du tout militante dans ce domaine-là et sur ce sujet. Mais j’ai fait partie de la commission spéciale, j’étais député à l’époque, j’ai fait partie de tous les débats qui ont eu lieu jusque-là et je crois qu’il faut terminer ces débats. Ce sont des débats qui sont dans notre société, qui sont arrivés à l’Assemblée nationale. D’abord, cette loi a un pan très important, majeur, sur le développement et le déploiement des soins palliatifs et je tiens absolument à cela. Et pour ce qui est du deuxième pan, qui était l’aide à mourir, il y avait des débats qui étaient denses, qui étaient nourris, avec des personnes qui étaient favorables, des personnes défavorables, et puis des personnes qui comme moi cherchaient le chemin de crête avec bon sens pour venir en soutien de quelques rares personnes qui auraient besoin de ce dispositif. »
Le calendrier du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 a été modifié et accéléré depuis la nomination du gouvernement intervenue tardivement, le 21 septembre dernier. Le début de l'examen de ce projet de loi à l’Assemblée nationale a été fixé au 28 octobre, un vote solennel étant prévu le 5 novembre avant que le texte soit discuté au Sénat. En principe, la question du budget doit prendre fin autour du 21 décembre.
Soucieuse du « déficit inquiétant qui continue à se creuser pour les hôpitaux publics », la Fédération hospitalière de France (FHF) a rappelé, à l’aube de l’ouverture des débats parlementaires, « l’impérieuse nécessité d’un effort budgétaire significatif d’abord en rectifiant de 1,9 milliard d’euros supplémentaires l’Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) 2024, puis en sanctuarisant une hausse de l’Ondam 2025 de l’ordre de 6,3 milliards d’euros pour les établissements de santé. Ce complément de financement est indispensable pour permettre aux établissements de santé de continuer à assumer leurs missions de service public, alors qu’ils restent sous le coup des effets de la crise sanitaire, de l’inflation et de difficultés de recrutement dans de nombreux métiers. »
Alors que le Premier ministre, Michel Barnier, a annoncé qu’il fallait économiser 60 milliards d’euros, Geneviève Darrieussecq a déclaré sur France info le 4 octobre : « Je ne crois pas qu’il y ait de coupes particulières [dans le budget de la santé] ». « Ce que je veux aujourd’hui, c’est au contraire défendre mes sujets prioritaires que sont par exemple [la] santé mentale, [les] soins palliatifs, [l’]accès aux soins. » Elle a également déclaré qu’il n’y aura pas de baisse du budget pour la santé : « Je veux que l’hôpital soit dans les priorités de cet ONDAM, que nous puissions tenir des engagements qui ont été pris et que nous puissions aussi déployer des politiques nouvelles pour nos concitoyens. »
Pour Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), le PLFSS ne répond pas aux enjeux, comme il l’explique dans un éditorial du 9 octobre : « La santé est certes érigée en priorité politique. Et pourtant, nous ne pouvons que constater le décalage entre cet affichage et les décisions court-termistes envisagées, parmi lesquelles l’utilisation de l’Ondam pour financer le déficit des caisses de retraite : soit 1,2 milliard sur les 3,3 milliards d’évolution de l’Ondam ! »
En matière de suppression d’emplois publics, l’hôpital devrait être épargné. La ministre a ainsi affirmé que la fonction publique hospitalière ne faisait pas partie du périmètre des réductions d’effectifs visées pour réduire le déficit public, ni des fusions de services publics envisagées.