La crise sanitaire a mis en exergue certaines difficultés auxquelles les professionnels de santé étaient exposés, notamment du point de vue de leur propre santé : fatigue, épuisement professionnel, problème de santé mentale. Longtemps tues, ces difficultés sont aujourd’hui évoquées et des solutions commencent à voir le jour.
Il y a un an, le rapport sur la santé des professionnels de santé d’Alexis Bataille-Hembert (infirmier), Marine Crest-Guilluy (médecin généraliste) et Philippe Denormandie (chirurgien neuropédiatrique) mettait en exergue une situation connue de tous, mais peu évoquée : les soignants ne sont pas forcément en bonne santé. Fatigue pour les deux tiers d’entre eux, manque de sommeil, stress, douleurs chroniques pour 60 % de l’effectif, conduites addictives (tabac, alcool ou médicaments), avec de surcroît un accès assez peu systématisé à la médecine du travail. Presque une première dans la mesure où la santé des soignants est longtemps restée un sujet, presque un tabou, parmi les acteurs de santé.
À l’instar de l’adage sur les cordonniers, certains n’hésitent pas à estimer que « Les professionnels de santé sont les plus mal soignés », comme l’a souligné Alexis Bataille-Hembert, l’un des rapporteurs de la mission sur la santé des soignants, nouvellement nommé au ministère de la Santé comme conseiller sur ces questions. Et même s’il semble évident que « un professionnel de santé qui va bien est un professionnel qui soigne bien », pour reprendre les paroles de l’infirmier, dans les faits, la santé des soignants n’est pas au beau fixe. Les raisons en sont multiples : manque de temps, d’accessibilité aux soins – un paradoxe qui s’explique par le fait que les soignants n’ont souvent pas envie d’être pris en charge là où ils exercent –, médecine du travail considérée comme un « parent pauvre », tous les ingrédients sont réunis pour que les soignants s’oublient eux-mêmes côté santé.
Les faits ne sont certes pas récents : la santé mentale des soignants était déjà évoquée dans les années 1970, et même si les premières véritables études datent des années 2010, le tout s’est fortement accéléré avec la crise Covid qui a mis en lumière la lente dégradation de la santé des soignants. Selon Magali Briane, psychiatre-addictologue, cheffe de l’unité dédiée aux soignants à la clinique Mon repos d’Ecully (69), « On estime entre 50 % et 60 % la proportion de soignants sujets au burn-out contre 36 % en population générale », a-t-elle rappelé lors du salon Preventica. Elle qui « travaille à redonner du poids à la santé des professionnels de santé » dans cette clinique assure avoir une file active de 100 patients-soignants confondus.
En mars dernier, un point d’étape pour faire suite au rapport de la mission sur la santé des soignants a été réalisé lors d’un séminaire organisé par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), au cours duquel Frédéric Valletoux, alors ministre délégué en charge de la Santé et de la Prévention, avait annoncé la mise en place d’un comité de suivi sur la santé des soignants. Différents projets lauréats d’un appel à manifestation d’intérêt lancé par la Fondation MNH ont présenté l’avancée de leurs travaux.
Ainsi, aux Hospices civils de Lyon, une équipe a lancé Capessa, qui a pour but d’étudier la survenue de cancers chez les professionnels de santé et leurs pratiques de dépistage, partant du postulat que le secteur de la santé est exposé, plus que d’autres, aux risques cancérogènes, notamment du fait du travail de nuit (ce dernier a été classé comme tel par le Centre international de recherche sur le cancer).
Au CHU de Toulouse, c’est la grossesse des soignantes qui est scrutée avec le projet Wocapreg, qui vise à déterminer l’impact de la profession et des conditions de travail sur la grossesse et son issue. Les résultats de ces études seront, pour partie, connus en 2025.
Dans un autre registre et plus récemment, le CHU de Nice a inauguré une unité pilote dédiée à la promotion de la santé des professionnels (2PS), partant du principe qu’un professionnel de santé en bonne santé est mieux à même de fournir des soins de qualité, contribuant donc à une meilleure prise en charge des patients et du système de santé.
Les initiatives se multiplient et, si le sujet est vaste, l’ambition est collective. Les lignes bougent enfin : signe des temps, la Fondation des hôpitaux et la Fondation MNH récompenseront cette année les initiatives de soignants en faveur d’une meilleure santé de leurs pairs*. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 20 décembre 2024.
*Informations sur https://fondation-mnh.fr/etre-soutenu-par-la-fondation/