Comment diminuer le coût de l’absentéisme dans la Fonction publique, et plus particulièrement à l’hôpital ? L’Inspection générales des Finances et celle des Affaires sociales livrent leurs pistes.
Alors qu’il était encore Premier ministre, Gabriel Attal avait confié aux Inspections générales des finances et des affaires sociales (IGF et Igas) une mission de revue de dépenses relative à la réduction des absences dans les trois branches de la Fonction publique. En effet, les absences pour raisons de santé ont connu une hausse généralisée dans la Fonction publique à partir de 2020 : si la crise du Covid-19 peut aisément expliquer les raisons de cette hausse dans ses premiers mois, ces absences perdurent, avec toutefois une légère baisse constatée. Ainsi en 2022, elles se situaient à 14,5 jours d’absence par an et par agent (toutes fonctions publiques considérées) contre 11,7 pour les salariés du privé : en comparaison, ce nombre oscillait entre 4 à 10 jours d’absence pour raisons de santé pendant les années 2014-2019.
Si l’on compare les trois versants de la Fonction publique, il existe des disparités, la Fonction publique hospitalière (FPH) connaissant le taux le plus élevé avec 18 jours d’absence en moyenne par an et par agent. Selon le rapport, ces absences « sont sources de pertes d’efficience, de surcoûts et de désorganisation des services publics » et « la maîtrise et la réduction des absences pour raison de santé constitue un objectif pour garantir une meilleure efficience de la dépense publique et pour assurer la continuité et la qualité du service public ». Dans le collimateur de la mission, les absences pour maladie de courte durée : « elles représentent un coût élevé, engendrent des perturbations pour les services publics en raison de leur imprévisibilité et sont, dans certains cas, un recours abusif », estiment les rapporteurs de la mission.
Pour quantifier le coût de ces absences, la mission s’est appuyée sur des données administratives et des données de l’Insee, qui lui ont permis de conclure que « les jours d’absence pour raison de santé dans la Fonction publique ont représenté entre 300 et 350 k ETP [équivalent temps plein] pour une rémunération équivalente à 15 milliards d’euros » (chiffres 2022) : à elle seule, la FPH totalise 4,3 milliards d’euros de dépenses liées aux absences et 93 k ETP.
Parmi les dépenses engagées pour répondre aux absences, le recours à l’intérim, qui représente environ 1 % du total de la masse salariale des établissements de santé. À cela peut également s’ajouter le nombre de jours ASA (autorisations spéciales d’absence) qui coûtent 240 millions d’euros à la FPH.
Pour opérer quelques économies, l’Igas et l’IGF suggèrent plusieurs pistes qui pourraient permettre de réduire la facture.
Dans un premier temps, « l’instauration de deux ou trois jours de carence est un levier possible dans l’objectif de réduire la survenance des absences de courte durée, par incitation financière » : ce modèle se base sur l’effet de l’introduction d’un jour de carence qui a eu pour effet de réduire d’environ 11 % la prévalences des arrêts maladie de moins de trois jours. Les deux Inspections estiment que cette mesure permettrait, dans le cas d’un passage à deux jours de carence, une économie de 112 millions d’euros, voire 289 millions d’euros pour trois jours de carence.
Autre piste évoquée, le passage du taux de remplacement à 90 % voire 80 % de la rémunération brute, qui conduirait à une économie globale de 600 millions d’euros : les Inspections rappellent que dans le privé, tout salarié bénéficie d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière de la Sécurité sociale qui lui permet d’atteindre 90 % de sa rémunération après trois jours de carence. Cette mesure pourrait faire économiser jusqu’à 0,6 milliard d’euros (si on prend en compte le taux à 80 %).
Dernier point évoqué, qui ne touche pas directement au porte-monnaie, est celui de l’amélioration de la santé au travail des agents publics, avec notamment une politique de prévention plus volontariste et un accompagnement renforcé des parcours professionnels : les agents hospitaliers, avec un taux de sinistralité de 7 %, sont les plus concernés par les accidents et maladies professionnelles.
La mission évoque également le temps partiel thérapeutique, qui constitue une solution de maintien dans l’emploi mais dont l’accompagnement reste à améliorer, ainsi que les contrôles administratifs (présence au domicile pendant les arrêts maladie) qui souffrent de l’absence d’une base réglementaire que la mission appelle de ses vœux.
Selon le rapport, les caractéristiques des agents et de leurs emplois expliquent 95 % des écarts de taux d’absence avec le secteur privé. Ainsi, sur les 5,7 millions d’agents (dont 21 %, soit 1,2 million pour la Fonction publique hospitalière, FPH) toutes Fonctions publiques confondues, on observe une plus grande féminisation dans le public que dans le privé (78 % dans la FPH contre 46 % dans le privé), un âge moyen plus élevé (44 ans contre 41 dans le privé) et des agents publics hospitaliers (mais aussi territoriaux) plus souvent atteints de maladie chronique ou membres d’une famille monoparentale que les salariés du privé.