Quatre expériences en simulation en santé - Objectif Soins & Management n° 248 du 01/09/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins_Hors série n° 248 du 01/09/2016

 

Sur le terrain

Jean-Claude Cordeau*   Dr Gaël Gheno**   Dr Pierre Poles***   Éric Rabatel****   Jean-François Schaller*****   Arnaud Le Goff******   Frédéric Lepetit*******  

La simulation en santé s’impose, et les expériences variéesen sont une preuve irréfutable ! En voici quatre.

Simulation et visites médicales des sapeurs-pompiers

L’annonce d’une inaptitude est toujours difficile pour l’agent concerné comme pour l’équipe médicale. S’y préparer par la simulation devient un outil incontournable. Pour ce faire, le Service de santé du Service d’incendie et de secours de la Haute-Savoie a mis en place des séquences de simulations spécifiques pour ses personnels, dans le cadre d’une formation plus globale en santé au travail. Elle allie des apports cognitifs par des cours audio-vidéo, des ateliers de simulations procédurales et des séquences de simulation avec, comme objectif général, d’amener le médecin et l’infirmier de sapeurs-pompiers à gérer l’annonce d’une cause d’inaptitude en alliant le respect des procédures techniques et réglementaires et l’accompagnement des agents concernés.

Éléments de simulation

• Réalisation in situ (dans les cabinets médicaux).

• Scénarios issus du réel.

• Respect de la méthodologie ainsi que des recommandations(1, 2).

• Patients standardisés (comme en oncologie(3)).

Parce qu’elle induit une satisfaction des apprenants et une acquisition de connaissances, la simulation pour l’annonce difficile en santé au travail semble adaptée dans la logique de ce qui se fait déjà dans d’autres domaines comme l’oncologie ou les dommages liés aux soins.

Contextualisation in situ : simulation en ambulance

Pour les professionnels de l’urgence extra-hospitalière, l’espace de travail est souvent celui de l’ambulance ; y permettre l’apprentissage interprofessionnel accroît sa fidélité environnementale, psychologique et humaine. Grâce aux scénarios réalistes, la simulation in situ en ambulance recrée des situations de gestion des risques, des crises ou des événements indésirables. Elle met l’accent sur des décisions difficiles dans un milieu mobile, où des actions complexes sont prises en intégrant des paramètres inédits au centre de simulation : accélération ou décélération, roulis, imprécision des appuis, amplification des réactions aux thérapeutiques. Les apprenants se confrontent à des situations complexes avec leurs armes quotidiennes : organisation personnelle et d’équipe, protocoles, matériels. Cette technique met également en jeu les facteurs humains (isolement des équipes, solidarité de fait, nécessité d’auto-assistance et de collaboration imposée, rythme d’action…). La simulation en ambulance est plus qu’un mannequin haute-fidélité dans un environnement réaliste, c’est aussi un réalisme psychologique : la pression des facteurs humains, avec notamment celle du temps, du stress, et un contexte clinique authentique. Innover en simulation médicale afin qu’elle puisse diffuser largement est l’une des préoccupations de la recherche. La simulation in situ en ambulance rassemble ces critères d’innovation : haute-fidélité, expérience professionnelle, amélioration de la qualité des soins et maîtrise des coûts. Il est nécessaire d’évaluer l’impact réel de ce programme sur la diminution des événements indésirables, la morbi-mortalité et finalement sur les économies de santé.

Simulation en santé et sauvetage au combat

Le Centre de formation opérationnelle santé (CeFOS) de l’École du Val-de-Grâce (EVDG) propose des formations basées sur la simulation. Il est partie prenante avec l’université Lyon 1 du DU de formation en simulation et immersion. Du fait de sa spécificité, l’Armée a de tout temps laissé une part importante à la simulation dans l’acquisition des compétences métiers. Dans son domaine, le Service de santé des armées prépare le personnel à l’opérationnel grâce à la simulation. Cela permet à nos équipes de s’exercer au plus près de la réalité dans un environnement hostile. Pour les Armées, le sauvetage au combat constitue un enjeu primordial. Cette formation est prodiguée sous forme de cours théoriques en e-learning et en présentiel avec de la simulation physique sur mannequins. Le sauvetage au combat (SC) doit permettre à tout combattant, quelle que soit sa fonction, de concourir à la mise en condition de survie d’un blessé de guerre et de diminuer le nombre de morts évitables. Il s’agit de réaliser, sans délai, des gestes techniques simples et reproductibles selon un schéma décisionnel défini. Il doit être mené en maîtrisant l’exposition du personnel engagé et en poursuivant la mission. La formation comporte trois niveaux :

• SC 1 pour tous les combattants ;

• SC 2 réalisé au CeFOS, 200 militaires formés/an ;

• SC 3, infirmier et médecin, réalisé par le Centre d’enseignement et de simulation à la médecine opérationnelle.

L’EVDG œuvre pour rendre accessible au plus grand nombre ses formations opérationnelles et investit aussi la simulation électronique par les serious games.

Un outil pertinent en mission humanitaire ?

En 2013, 800 femmes mouraient chaque jour dans le monde de causes évitables liées à la grossesse. C’est dans le cadre du plan de lutte contre la mortalité maternelle de l’OMS que l’ONG Les Enfants de l’Aïr assure des formations aux professionnels de l’obstétrique en Afrique. En 2014, des séances de simulation sur les prises en charge des hémorragies du post-partum ont été intégrées aux missions humanitaires au CHU du Point G de Bamako (Mali). Les problèmes posés furent nombreux : simulation totalement étrangère aux habitudes pédagogiques du pays, pas de mannequin de simulation, pas de vidéo. Nous avons dû passer de la simulation haute-fidélité à la simulation à mains nues. Après avoir établi des objectifs pédagogiques observables et quantifiables, nous avons conçu un scénario d’hémorragie du post-partum. Faute de simulateur haute-fidélité, nous avons eu recours un patient simulé joué par une étudiante, munie d’un bassin anatomique. Pour remplacer le sang, nous avons utilisé des quartiers de betteraves dans leurs jus, le tout introduit dans un sac poubelle puis dans le bassin anatomique. Après présentation des objectifs de la formation, les participants passaient deux par deux devant notre simulateur, puis un débriefing avec analyse des actions avait lieu. Un rappel des procédures clôturait cette séance. Ayant atteint tous les objectifs fixés, cette expérience a prouvé que la simulation était possible avec peu de moyens. Si le manque de matériel n’a pas permis de réaliser un environnement réaliste, cela n’a pas empêché les professionnels du CHU de s’investir totalement dans ces séances. Ils ont déclaré, au cours d’un débriefing : « La vie est trop précieuse pour que les étudiants s’entraînent sur des personnes vivantes. »

(1) Haute Autorité de santé, “Guide des bonnes pratiques en matière de simulation en santé”, 2012, via le lien raccourci bit.ly/29nHHzE

(2) Boët S., Granry J.C., Salvodelli G. La Simulation en Santé – De la théorie à la pratique. Springer-Verlag, 2013.

(3) Webzine de la HAS, Entretien avec le Docteur José Hureaux, 2013. À consulter via le lien racourci bit.ly/29tSRVo