Objectif Soins_Hors série n° 262 du 01/04/2018

 

Économie de la santé

Laurent Flament  

Certaines activités quotidiennes en établissement sont régulièrement associées à des obligations et des contraintes dont on ignore finalement parfois l’origine. L’agence régionale de santé fait partie des institutions qui organisent, contractualisent souvent et imposent parfois. Comment définit-elle et décline-t-elle les orientations de santé sur les territoires ?

Une agence régionale de santé, dans la pluralité de ses missions, a un rôle déterminant dans l’évolution des prises en charge des usagers. Certes, on associe volontiers l’ARS au contrôleurdu Code de la santé publique, à celui qui autorise les activités et finance les structures et les projets. C’est oublier que la mission principale de l’ARS est d’orchestrer tous les acteurs du système de santé pour répondre aux besoins des usagers, de la prévention jusqu’au soin. Pour ce faire, le législateur a prévu des outils, notamment la démocratie sanitaire, un projet régional de santé (PRS), des orientations territoriales et la contractualisation. Le PRS, arrêté dorénavant pour 10 ans, est issu d’un cheminement long, parfois complexe, toujours concerté et aboutissant à du concret. Ce concret est par exemple l’autorisation d’activité pour un établissement hospitalier ou médico-social. Elle fait l’objet d’une contractualisation par l’intermédiaire du CPOM (contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens). Cet acte d’engagement s’inscrit toujours dans la réponse au besoin du territoire, dans l’obligation d’efficience et de qualité de prise en charge. Dans le contexte économique national et l’obligation d’efficience, le CPOM s’applique dans un cadre contraint. D’années en années, il a été complété par des contractualisations spécifiques entre l’établissement de santé, l’ARS et l’Assurance maladie : contrat de bon usage du médicament (CBU), contrat d’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins (CAQOS)… Depuis le 1er janvier 2018, ces contrats spécifiques sont rassemblés puis étendus sous un seul accord, le contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES).

LE PROJET REGIONAL DE SANTE

Le projet régional de santé (PRS) peut s’entendre comme une feuille de route pour l’ARS et tous les opérateurs du système de santé. C’est le document de référence qui va décrire ce qui devra être atteint sur 5 ans en termes de prévention, de promotion de santé, de transformation de l’offre de soins et de prises en charge. Élaboré en concertation avec de nombreux acteurs, reprenant aussi les objectifs nationaux, le PRS de 2e génération est en cours de finalisation. Il concernera la période 2018-2027 pour les orientations stratégiques, 2018-2022 pour le schéma régional de santé. Il sera arrêté par chaque directeur général d’ARS d’ici l’été 2018. La loi prévoit un processus de consultation et d’avis d’une durée de 3 mois, permettant ainsi de garantir une bonne détermination des politiques de prévention et de transformation de l’offre de soins.

L’OUTIL PRINCIPAL DE MISE EN ŒUVRE DU PROJET REGIONAL DE SANTE : LA CONTRACTUALISATION

La relation de l’ARS avec les acteurs du système de santé, quelle que soit la nature de ces acteurs, est formalisée par un contrat. On peut alors distinguer la contractualisation de territoire et la contractualisation d’établissement.

→ Au niveau des territoires :

• communauté de communes : contrat local de santé (CLS) ;

• communauté professionnelle territoriale de santé : projet de santé ;

• groupement hospitalier de territoire : projet médical partagé.

→ Pour les établissements (sanitaires et médico-sociaux) :

• contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) ;

• contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES).

Ces deux niveaux de contractualisation sont essentiels dans la déclinaison des politiques régionales en actions locales. Le premier, territorial, permet à l’ARS de partager les objectifs, de financer des actions, de coopérer avec un grand nombre d’acteurs. Par exemple, le contrat local de santé, signé avec les collectivités locales, est un outil construit autour des enjeux d’un territoire qui porte sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l’accompagnement médico-social. Élaboré au service d’une stratégie locale en santé qui s’inscrit dans la durée, il vise à apporter, en proximité, après un diagnostic une meilleure réponse aux besoins de la population. Un CLS comporte des actions concrètes, spécifiques, collectives qui sont mises en œuvre par les institutions, les politiques et les représentants des usagers. Dans les Deux-Sèvres, en 2018, 5 CLS couvriront tout le département et permettront de singulariser l’action territoriale en santé.

Le deuxième niveau de contractualisation, avec les établissements et opérateurs en santé, permet à l’ARS non plus de partager mais de définir, acteur par acteur, ce qui est attendu dans leur participation à l’évolution de l’offre de soins et des prises en charge. Les objectifs fixés sont suivis et évalués annuellement. Les ressources allouées par l’ARS sont liées au contrat et à l’atteinte des engagements par l’établissement.

LE CONTRAT D’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ET DE L’EFFICIENCE DES SOINS (CAQES)

Le CAQES, créé par l’article 81 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, est un contrat qui lie l’ARS, l’organisme local d’Assurance maladie et les établissements de santé. Il a pour objectifs l’amélioration des pratiques, la régulation de l’offre de soins et l’efficience des dépenses d’assurance maladie. Ce nouveau contrat est applicable à tous les établissements sanitaires à compter du 1er janvier 2018 (médecine, chirurgie, obstétrique, hospitalisation à domicile, dialyse, soins de suite et de réadaptation, psychiatrie).

Il remplace les contrats d’objectifs existants :

• le contrat de bon usage des médicaments, produits et prestations (CBU) ;

• le contrat pour l’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins sur les prescriptions hospitalières de médicaments exécutées en ville, la liste des produits et prestations et les dépenses de transport (CAQOS PHMEV, liste en sus, transport) ;

• le contrat de pertinence des soins ;

• le contrat d’amélioration des pratiques en établissement de santé (CAPES).

Le CAQES s’inscrit dans une démarche globale d’amélioration de la qualité, de la sécurité, de la pertinence et de l’efficience des soins. C’est un CDI entre l’établissement et l’ARS.

Il est constitué :

• d’un volet obligatoire pour tous les établissements de santé, relatif au bon usage des médicaments, des produits et prestations ;

• de volets additionnels, concernant les transports, la pertinence et l’amélioration des pratiques. Ces volets additionnels sont conclus avec les établissements identifiés dans le cadre du dialogue annuel, du plan pluriannuel régional de gestion du risque et d’efficience du système de soins (PPRGDRESS) et du plan d’actions pluriannuel régional d’amélioration de la pertinence des soins (PAPRAPS).

Volet obligatoire

Le volet obligatoire relatif au bon usage des médicaments, des produits et des prestations s’applique à tous les établissements de santé quel que soit leur secteur d’activité. Il regroupe les dispositions des anciens contrats CBU, CAQOS PHMEV-LPP et liste en sus.

Ce volet socle fixe des obligations aux établissements de santé déclinées en plan d’actions dont la réalisation est mesurée sur la base d’indicateurs.

Ces indicateurs sont de deux types :

• des indicateurs obligatoires, fixés au niveau national et applicables à tous les établissements ;

• des indicateurs complémentaires, définis au niveau régional, en collaboration avec l’Assurance maladie, l’ARS, l’OMEDIT et les représentants des établissements et des professionnels de santé.

La volonté nationale et régionale est d’adapter le plan d’actions à la situation et à l’activité de chaque établissement, au regard notamment des indicateurs, y compris ceux obligatoires, et de la disponibilité des données.

Les objectifs du volet obligatoire se déclinent en cinq grandes thématiques :

• amélioration et sécurisation de la prise en charge médicamenteuse et du circuit du médicament et des produits et prestations (LPP) ;

• développement des pratiques pluridisciplinaires ou en réseau, déploiement de la pharmacie clinique (conciliation médicamenteuse) ;

• promotion de la prescription des produits du répertoire des génériques ou biosimilaires ;

• engagements relatifs aux dépenses PHEV ;

• engagements relatifs aux dépenses et au respect des référentiels pour les médicaments et dispositifs médicaux de la liste en sus.

Volets additionnels

Le volet additionnel « pertinence » a pour objectif d’accompagner les professionnels dans la démarche d’amélioration de la pertinence des soins.

Les programmes inscrits dans ce volet doivent avoir été publiés au préalable dans le plan d’actions pluriannuel régional d’amélioration de la pertinence des soins (PAPRAPS), élaboré en concertation avec l’instance régionale d’amélioration de la pertinence des soins (IRAPS).

Le volet additionnel « transports » remplace l’ancien contrat d’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins (CAQOS). Son objectif est à la fois de maîtriser les dépenses de transports de patients prescrits par l’établissement, financés sur l’enveloppe des soins de ville, et d’inciter et accompagner les établissements dans l’évolution de leurs pratiques de prescription et de commande des transports (évolution des modes de transport, mise en œuvre d’une plateforme centralisée…).

Le volet additionnel « amélioration des pratiques » (CAPES) a pour objectif d’accompagner les établissements les plus en retard sur le plan de la qualité et de la sécurité de certaines pratiques médicales. Les risques identifiés sont les risques infectieux, médicamenteux, et le risque de rupture dans le parcours de soins.

Un contrat évalué annuellement

La réalisation des objectifs du CAQES fait l’objet d’une évaluation annuelle qui s’inscrit dans une logique de dialogue entre les parties, au même titre que la fixation des objectifs et la contractualisation des différents volets.

L’évaluation est notamment fondée sur le rapport annuel d’autoévaluation produit par les établissements, à partir de la grille d’évaluation qui répertorie tous les indicateurs, nationaux et régionaux.

Les résultats de l’établissement sont appréciés de manière globale par l’ARS et l’Assurance maladie.

L’évaluation peut conduire à la notification de sanctions ou au déclenchement d’un intéressement pour les volets additionnels « transports » et « pertinence des soins ».