Les remaniements hospitaliers issus des contraintes de financement de santé publique ont comprimé les structures mais également les équipes de soins. Les besoins de performance obligent les soignants à travailler à flux tendu. Les hôpitaux sont devenus des lieux de déploiement de stratégies à la recherche de parts de marché. On cherche à atteindre l’efficience là où auparavant on cherchait uniquement la qualité.
Dans ce contexte, les cadres éprouvent bien des difficultés à motiver leurs équipes mais aussi à se motiver soi-même. Le codéveloppement professionnel est une approche simple et efficace, capable de soutenir des équipes de cadres.
Des groupes de 8 personnes au maximum se rassemblent une fois par mois et dévoilent leurs préoccupations professionnelles du moment. Ils acceptent de suivre un processus qui guide la séance, empêchant un déversement continu de plaintes non constructives.
Les participants adhèrent au principe de l’apprentissage des uns par rapport aux autres, augmentant au fil des rencontres la qualité de leur pratique professionnelle. La confidentialité et l’apprentissage de la bienveillance accompagnent chaque groupe ; cela amène une dimension de confiance et de partage, indispensable au maintien de la qualité de vie au travail.
La pratique se décline en 6 étapes clés. Les facilitateurs, formés au codéveloppement professionnel, sont attentifs à suivre ces étapes systématiquement. On pourrait penser que ce processus rigidifie les échanges, mais au contraire ces étapes créent l’opportunité pour chaque participant de s’exprimer librement.
En une dizaine de minutes, le « client » explique le sujet qu’il souhaite partager afin de récolter les avis et conseils des autres personnes du groupe, devenues ses « consultants » pour quelques heures. Il parle et personne ne l’interrompt.
L’apprentissage de l’écoute et de la mise en perspective du « client » dans sa préoccupation est l’expérience de cette première étape.
Les « consultants » se focalisent sur la problématique et posent des questions purement factuelles leur permettant de mieux appréhender l’objet de la séance.
À cette étape, il s’agit d’être capable de poser de véritables questions, sans y ajouter une part de subjectivité qui frôle parfois le jugement. Les demandes de reformulation des questions par le facilitateur accentuent l’apprentissage.
Le « client » formule sa demande, ce qu’il souhaite de cette consultation : « J’aimerais que vous me conseilliez sur… », « Aidez-moi à… ».
À cette étape, le « client » formule ses attentes, mais il s’agit bien d’un contrat passé entre ce dernier et les « consultants ». Nous ne négligeons pas les limites de temps et de moyens qui nous sont impartis pour répondre aux attentes de notre client. Avec cette réalité, nous convenons ensemble du contrat.
À l’étape 4, le « client » garde le silence et note toutes les suggestions apportées par les « consultants ». Il peut s’agir d’expériences similaires, de conseils, de suggestions de lecture ou de formation, d’avis… Nous ne recherchons pas de consensus, la divergence est même souhaitée, car elle ap ? porte un choix plus important à notre client. Nous veillons au rythme, qui est directement dépendant de la capacité du client à prendre note.
Le « client » réalise un tri dans tout ce qu’il a entendu. Nous considérons qu’il reste l’unique personne capable de savoir ce qui est utile dans l’amélioration de sa problématique. Cela étant, la récolte des suggestions a naturellement été entendue de tous ; cet aspect du codéveloppement reste un bénéfice commun au groupe.
Lors de cette étape, les « clients » décrivent souvent le fait que les « consultants » leur suggèrent des solutions auxquelles ils n’ont pas pensé auparavant… Autant de personnes différentes apportent autant de prises de conscience de la problématique sous des angles différents.
Il s’agit d’une étape cruciale de débriefing permettant de préciser ce que chacun a appris, pas seulement sur le fond mais également sur la forme. Ce moment permet également aux participants d’exprimer librement un éventuel inconfort ressenti durant la séance. Chaque séance dure environ 2 h 30.
À chaque nouvelle séance, le « client » de la séance précédente raconte en quelques minutes ce qu’il a réalisé ou non. Puis la séance continue sous le même schéma que décrit précédemment. Il y a autant de séances que de participants.
Ensuite, la poursuite du travail du groupe dépendra de la volonté des participants.