RECOMMANDATIONS
DOSSIER
Face aux liens d’intérêts, apprendre à lire les recommandations avec un esprit critique semble indispensable pour les médecins et les infirmières.
Dans le domaine médical, les premières recommandations remontent aux années 1980. Et leur expansion a été émaillée de critiques. Dans son dernier livre - Santé, une explosion programmée, aux Éditions de l’Observatoire (2018) -, le président du Conseil de l’Ordre des médecins, le Dr Patrick Bouet, juge que « le système manque de souplesse » et préconise d’établir des référentiels professionnels sous forme « d’arbres décisionnels », qui « déterminent les conduites pratiques à tenir dans une situation, en tenant compte de l’environnement du patient »
Souvent critiquées pour leur « caractère inadapté à la pratique » par les généralistes, les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) le sont également par des représentants de médecins, en raison des liens d’intérêts de certains de leurs auteurs. Ainsi, le Formindep
La revue indépendante Prescrire a, pour sa part, passé au crible dix ans de production de la HAS. Verdict : sur 110 documents publiés entre 2007 et 2017, sept ont été jugés « intéressants », 21 « acceptables », 58 « inutiles » et 24 « mauvais ». « Quand vous lisez des recommandations de sociétés savantes, il est très important de regarder qui les finance », avertit le Dr Armel Sevestre. Un conseil qu’il assortit d’un exemple : l’expérimentation par l’Assurance maladie du programme Prado
Et quand un guide de pratique clinique britannique et un guide écossais conseillent de privilégier des pansements simples faiblement adhérents, « les recommandations assorties au Prado incitent à l’utilisation de pansements onéreux, pas plus utiles d’après la science », commente le Dr Sevestre, qui invite à exercer son esprit critique. Signalons en outre une étude, analysée dans un article du Généraliste
Les recommandations sont-elles pour autant toutes à jeter ? Pour Christine Berlemont, responsable de la commission infirmière de la SFETD
Le rôle de Christine Berlemont consiste notamment à faire le lien entre les groupes de travail et les infirmières douleur les plus pertinentes sur la thématique, et « qui ont beaucoup de pratique clinique ou ont participé à des recherches ». À la SFETD, « nous nous sommes lancés sur l’exercice de la recommandation à la commission infirmière, ce qui demande de la rigueur, des connaissances et de l’expertise, ajoute-t-elle. Ce n’est pas quelque chose qui s’improvise. » La recommandation doit ensuite être publiée dans des revues, être expliquée dans des conférences, partagée dans des newsletters et sur les réseaux sociaux. « La recommandation ne sert que si elle est lue et discutée, conclut Christine Berlemont. Elle aide les soignants à poser des points clés de ce qu’il faut faire ou de ce qui n’est pas indispensable. Elle peut servir aux équipes à parler. Dans tous les cas, c’est une base de réflexion. Et de cette façon, quelque part, on construit le soin de qualité de demain. »
1- Pour une inFormation indépendante en santé.
2- Programme d’accompagnement du retour à domicile.
3- Société française et francophone des plaies et cicatrisations.
4- Dr Santa Félibre, « Du bien-fondé des recommandations », Le Généraliste, mars 2018, n° 2 828.
5- Société française d’études et traitement de la douleur.